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Face à la révolte d’un million de personnes, le parti au pouvoir sabote la destitution de Yoon

par Won Youngsu

Malgré l’échec de son auto-coup d’État du 3 décembre, le président Yoon Suk Yeol est resté à son poste après que les députés du Parti du pouvoir populaire (PPP), parti conservateur au pouvoir, ont boycotté un vote de destitution le 7 décembre. Cette décision a été prise bien qu’un million de personnes se soient rassemblées devant l’Assemblée pour une manifestation aux chandelles réclamant sa destitution.

Pour qu’un vote de destitution aboutisse, il fallait qu’au moins huit des 108 députés du PPP votent en sa faveur. Finalement, seuls trois d’entre eux sont restés au parlement pour le vote. Mais en boycottant le vote, le PPP a commis un suicide politique. […]

Han et sa faction anti-Yoon n’ont pas réussi à persuader les autres députés du PPP de soutenir la destitution. Au contraire, sous le prétexte de maintenir la stabilité politique, Han a opté pour le sabotage de la destitution. Les députés du PPP ont assisté à la session parlementaire pour voter contre l’ouverture d’une enquête spéciale sur l’épouse de Yoon, Kim Keon-hee. Bien que six députés du PPP aient voté pour, cela n’a pas été suffisant pour obtenir les 200 voix requises (le vote final a été de 198-102).

Les députés du PPP, dont Han, ont alors boycotté le vote de destitution en quittant la salle. L’ancien candidat à la présidence Ahn Cheol-soo et deux autres députés du PPP ont rompu les rangs et sont restés, mais là encore, ça n’a pas suffi pour atteindre la majorité des deux tiers requise.

Manifestation gigantesque

À l’extérieur du Parlement, des centaines de milliers de personnes ont commencé à se rassembler à 15 h – deux heures avant le début de la séance de destitution – remplissant l’avenue devant le parlement et les rues avoisinantes.

La zone était tellement surpeuplée que les rames de métro ont évité la station du Parlement. Le froid n’a pas empêché les gens de marcher de toutes les directions jusqu’au Parlement, après être descendu une ou deux stations plus loin. Des vagues successives de personnes sont venues, avec des rassemblements distincts qui se sont dirigés vers la manifestation principale organisée par la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et la Candlelight Coalition 1.

Avec un million de personnes entourant le parlement pour exiger la destitution immédiate de Yoon, il était devenu impossible de se déplacer dans quelque direction que ce soit. Il y avait tellement de gens qui utilisaient leur téléphone au même endroit que le signal s’est effondré.

La présence des jeunes était particulièrement visible. À la tombée de la nuit, les bâtons luminescents et les téléphones portables côtoyaient les bougies plus traditionnelles, créant une scène spectaculaire rappelant un grand concert de Korean pop. Cependant, pour l’instant, les espoirs des manifestant·es n’ont pas été satisfaits.

Après la destitution sabotée

Han et le Premier ministre Han Duck-soo ont tenu une conférence de presse commune le lendemain pour expliquer que si Yoon n’était pas destitué, ils prendraient tous deux en charge la direction du gouvernement. Aucun calendrier n’a été proposé pour cette prétendue transition.

L’annonce a été sévèrement critiquée par les partis d’opposition, qui l’ont qualifiée de nouveau coup d’État et ont dénoncé les deux hommes comme étant complices du coup d’État. Les commentateurs ont fait remarquer qu’il n’était pas possible qu’une personne qui n’avait pas été élue dirige le gouvernement (le chef du parti et le Premier ministre étant tous deux nommés par le président). Tous se sont accordés à dire que la destitution était le seul moyen légitime de rétablir l’ordre constitutionnel.

Entre-temps, l’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun a été arrêté, et la police a perquisitionné son bureau et sa résidence pour saisir des preuves relatives à l’auto-coup d’État. Il est presque certain que l’enquête visera ensuite Yoon.

La population reste méfiante par rapport aux enquêtes susceptibles d’être menées par la police ou le bureau du procureur, étant donné que la police a été mobilisée lors de l’éphémère loi martiale de Yoon et que le bureau du procureur est une base essentielle du soutien de Yoon. Mais l’illégitimité et l’illégalité de l’auto-coup d’État sont tellement évidentes que toute enquête devrait se dérouler rapidement. […] 


 

Le 9 décembre 2024

 

Won Youngsu est militant marxiste et chercheur en études du travail. Il est le directeur de Pnyx – Institut d’études marxistes en
Corée – et coordinateur du Forum international en Corée du Sud. Nous publions ici trois articles publiés par Links dans cette
période, traduits par Nath Coco.

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