De nouveaux détails continuent d’émerger concernant les motivations du spectaculaire auto-coup d’État raté du président Yoon Suk Yeol le 3 décembre.
Une première raison a été avancée le 6 décembre lorsque des images montrant le directeur adjoint de l’Agence centrale de renseignement coréenne (KCIA) conduisant ses troupes dans le siège de la Commission électorale nationale (NEC) au moment où Yoon déclarait la loi martiale ont été diffusées. Selon le ministre de la Défense de Yoon, Kim Yong-hyun, l’objectif de cette attaque était d’obtenir des preuves d’une fraude électorale supposée lors des élections générales d’avril. Le Parti du pouvoir du peuple (PPP) de Yoon a subi une lourde défaite lors de ces élections, son bloc parlementaire ayant été réduit à une minorité.
Des Youtubeurs d’extrême droite avaient fait circuler de fausses informations selon lesquelles la NEC aurait commis des fraudes. Bien qu’elles soient clairement fausses, il semble que Yoon, enfermé dans son idéologie d’extrême droite, et ses alliés conspirateurs aient cru ces fake news et s’en soient servi comme prétexte pour leur tentative d’auto-coup d’État. Bien que le complot ait des motivations, il n’en est pas moins insensé.
PPP : Évincer Yoon ou se suicider politiquement ?
Dans un discours à la nation prononcé le matin du 7 décembre, Yoon a déclaré qu’il souhaitait « s’excuser sincèrement auprès des personnes qui ont été choquées » par ses actions, ajoutant qu’il « laisserait [au PPP] le soin de stabiliser la situation politique à l’avenir, y compris mon mandat ». Yoon a également exclu toute nouvelle tentative d’imposer la loi martiale. Après avoir exprimé leur opposition à la destitution, certains dirigeants du PPP, en particulier Han Dong-hoon, ont changé de position le lendemain, probablement après avoir découvert qu’ils figuraient sur la liste des personnes à arrêter si l’auto-coup d’État réussissait.
Parmi les autres personnes figurant sur la liste d’arrestations, on trouve le dirigeant de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU), des juges de la Cour suprême de justice, un journaliste antigouvernemental et un dirigeant d’une organisation de la société civile. Plusieurs hommes politiques figurent également sur la liste, notamment tous les dirigeants du Parlement, à l’exception du président de la Chambre des représentants, qui dirige la faction pro-Yoon au sein du PPP.
Han a brièvement rencontré Yoon dans l’après-midi du 6 décembre pour le pousser à démissionner, et deux autres dirigeants du PPP lui ont également rendu visite pour lui faire part de l’état d’esprit général du parti en faveur de sa démission. Mais aucun accord n’a été trouvé.
Han cherche maintenant à persuader les députés du PPP de soutenir la destitution. Jusqu’à présent, deux députés du PPP ont exprimé leur soutien à une telle démarche, mais au moins huit députés du PPP sont nécessaires pour obtenir le vote des deux tiers requis pour la destitution.
Entre-temps, les députés de l’opposition – qui ont rejeté les excuses de Yoon – et le personnel parlementaire restent à l’intérieur du Parlement, et n’ont pas l’intention de le quitter, au cas où Yoon tenterait à nouveau quelque chose. Le Parlement se réunira à nouveau le 7 décembre à 17 heures pour voir s’il est possible de réunir suffisamment de voix pour la destitution.
Pour l’instant, rien n’est certain quant au sort de Yoon. Mais avec le gouvernement des États-Unis et les médias internationaux qui se joignent au chœur des critiques contre le comportement fou de Yoon, il semble que ses jours soient comptés. Reste à savoir jusqu’où le PPP est prêt à se suicider politiquement en continuant à soutenir Yoon.
Les citoyen·nes ont leur mot à dire
Environ 50 000 manifestant·es se sont rassemblé·es pour faire pression sur le PPP afin qu’il vote en faveur de la destitution. Les organisateurs de la manifestation s’attendent à ce que les rassemblements du 7 décembre – dont le coup d’envoi est prévu à 13 h – fassent descendre environ 200 000 personnes dans les rues.
Les dirigeants de la KCTU ont déclaré une grève générale illimitée. La KCTU affirme qu’elle réunira quelque 200 000 travailleur·ses pour qu’ils se mettent en grève au niveau national, mais jusqu’à présent, la portée de son appel a été limitée. Une manifestation organisée hier par la KCTU devant le siège du PPP a mobilisé environ 500 personnes.
Plusieurs syndicats, comme celui des chemins de fer, ont profité de l’occasion pour se mettre en grève afin de faire valoir leurs propres revendications. Le syndicat coréen des travailleurs de la métallurgie (KMWU) a organisé une grève nationale de deux heures les 5 et 6 décembre, affirmant qu’au moins 70 000 travailleur·ses s’étaient mis en grève le premier jour.
Le 6 décembre 2024