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Corée du Sud : en 6 heures, le pouvoir populaire a mis en échec la tentative de coup d’État

par Choo Chon Kai

Yoon Suk Yeol, le président sud-coréen de droite, a tenté d’imiter Park Chung-hee, Chun Doo-hwan, les dictateurs qui l’ont précédé, pour se maintenir au pouvoir en appliquant la loi martiale. Mais six heures ont suffi pour que le soulèvement résolu du peuple coréen le fasse échouer.

Le 3 décembre, vers 22h30, dans un discours prononcé à Séoul et retransmis à la télévision dans tout le pays, Yoon a choqué les Sud-Coréens en déclarant la loi martiale. Yoon a invoqué comme prétexte la nécessité d’éradiquer les « forces antiétatiques », « favorables à la Corée du Nord », mais personne n’a cru à son excuse, même pas les dirigeants de son propre parti au pouvoir, car cette action était clairement une tentative désespérée de Yoon de s’accrocher à un pouvoir de plus en plus remis en cause.

C’est la première fois en 45 ans que la Corée du Sud déclare la loi martiale. Des militaires ont été déployés pour bloquer le bâtiment de l’Assemblée nationale (le parlement sud-coréen), des hélicoptères ont été déployés et des chars d’assaut ont occupé les rues de la capitale, Séoul.

Les autorités militaires, appliquant la loi martiale, ont ordonné l’interdiction de toutes les activités politiques, y compris les réunions de l’Assemblée nationale, les manifestations de rue, les grèves, etc. Tous les médias étaient également soumis au contrôle de la loi martiale. Cela n’a pas empêché les Sud-Coréen·nes de descendre dans les rues de Séoul pour protester contre la tentative de coup d’État du président.

Les forces armées ont fait irruption dans le bâtiment de l’Assemblée nationale et ont tenté de pénétrer dans la salle de conférence principale, mais elles en ont été empêchées par des parlementaires qui les ont aspergées en utilisant des extincteurs. Des Coréen·nes en colère se sont également rassemblés devant le bâtiment de l’Assemblée nationale pour défendre la démocratie. Devant l’entrée principale, une confrontation a éclaté entre les manifestant·es et les forces de sécurité.

Les Coréen·nes qui manifestaient dans les rues ont scandé des slogans tels que « Abolissez la loi martiale ! » et ont chanté la « March for the Beloved » (« la marche pour les bien-aimés »), une chanson de lutte démocratique née du soulèvement populaire de Gwangju (ancienne capitale de la province de la Jeolla du Sud) en 1980. Des manifestations ont également eu lieu à Gwangju, où de nombreux-ses Coréen-nes ne peuvent oublier les événements survenus il y a 44 ans.

Renversé

Environ deux heures plus tard, à 1 h du matin, le 4 décembre, 190 des 300 membres du Parlement ont pu entrer dans la salle de conférence de l’Assemblée nationale et voter à l’unanimité l’abrogation de la loi martiale.

Tous les grands partis politiques, y compris le Parti du pouvoir populaire, actuellement au pouvoir et dont Yoon est membre, se sont opposés à la loi martiale. Le chef du Parti du pouvoir populaire, Han Dong-hoon, a déclaré : « La déclaration de la loi martiale par le président de l’Assemblée nationale est une erreur. Nous l’arrêterons avec le peuple ».

Lee Jae-myung, le chef du Parti démocratique, le parti d’opposition centriste qui contrôle le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale, a appelé les Coréen·nes à se rassembler en grand nombre à l’Assemblée nationale.

La Confédération coréenne des syndicats (KCTU) a protesté contre les actions antidémocratiques de Yoon. « La loi martiale est un outil utilisé par les gouvernements dictatoriaux de Park Chung-hee et de Chun Doo-hwan pour détruire la démocratie et les droits humains afin d’étendre leur pouvoir. C’est une mesure qui n’a pas été prise depuis 44 ans, depuis que notre société a atteint au moins un système démocratique formel », a déclaré la KCTU dans un communiqué publié peu après la proclamation de la loi martiale. « Face à la crise de son propre pouvoir, Yoon Suk Yeol a montré son caractère dictatorial, anti-démocratique, par le biais de cette mesure irrationnelle et anti-démocratique ».

« Le peuple ne pardonnera pas cela. Il se souvient du sort des régimes qui ont déclaré la loi martiale », a déclaré la KCTU. « Le peuple se souvient clairement de la fin des régimes qui ont trompé le peuple et porté atteinte à la démocratie. Le peuple ne pardonne jamais aux régimes qui oppriment le peuple et violent la démocratie ».

« Le régime de Yoon Suk Yeol a déclaré la fin de sa propre domination. La déclaration de la loi est en fait la proclamation de la fin du régime Yoon », a ajouté la KCTU. « Tous les citoyens et le peuple de ce pays, y compris la Confédération des syndicats coréens, déclareront la fin de Yoon Suk Yeol à travers cette loi martiale. C’est maintenant la fin de Yoon Suk Yeol ».

Face à la détermination des Sud-Coréens, dans tout le pays, à défendre la démocratie, Yoon a annoncé qu’il allait lever la loi martiale lors d’une autre émission télévisée, vers 4 h 30 du matin. Le cabinet a approuvé la motion de levée de la loi martiale peu de temps après, six heures seulement après sa déclaration initiale.

Démission !

Suite à l’annulation de la loi martiale, les voix réclamant la destitution du président Yoon se font de plus en plus fortes.

Le Parti démocrate a annoncé qu’il entamerait une procédure de mise en accusation de Yoon s’il refusait de démissionner. Après une réunion d’urgence à l’Assemblée nationale, les députés du Parti démocrate ont annoncé que la déclaration de la loi martiale violait la Constitution et constituait un acte de trahison grave ainsi qu’une raison suffisante pour démettre Yoon de ses fonctions. Les partis d’opposition contrôlent 192 des 300 sièges de l’Assemblée nationale. Ils ont donc besoin du soutien des parlementaires du parti au pouvoir pour obtenir un vote à la majorité des deux tiers en faveur de la procédure de destitution du président.

Yoon, homme politique de droite et conservateur, a été élu en 2022, avec un programme politique promettant une position plus ferme à l’égard de la Corée du Nord. Yoon était procureur général avant de se présenter à l’élection présidentielle. C’est lui qui a fait condamner Park Geun-hye, la présidente destituée en 2017 à la suite de manifestations publiques massives.

Yoon a remporté l’élection présidentielle de 2022 avec seulement 48,56 % des voix et une faible marge de moins de 250 000 voix. Le soutien à la présidence de Yoon a diminué depuis son arrivée au pouvoir, en raison de son incapacité à résoudre les problèmes économiques et d’un scandale impliquant sa femme.

La détermination du peuple à défendre la démocratie et à rejeter les régimes autoritaires a permis d’écraser la tentative de coup d’État de Yoon. Il s’agit d’une victoire cruciale pour le peuple contre un régime de plus en plus impopulaire, de droite et belliciste.

Il semble que le mouvement populaire continuera à faire pression pour renverser le régime de Yoon Suk Yeol afin d’éviter un nouveau coup d’État surprise. Si Yoon est renversé, il sera le deuxième président à subir un tel sort depuis que la Corée du Sud est devenue une démocratie formelle en 1987. Park Geun-hye, une femme politique de droite, fille du dictateur Park Chung-hee, a été évincée de la présidence de la Corée du Sud en 2017 après une vague massive de protestations populaires dans le pays.

Choo Chon Kai est diplômé de l’Universiti Sains Malaysia (USM) en sciences chimiques. Étudiant, il a été suspendu pendant un
semestre par l’USM pour s’être opposé à la loi sur la sécurité intérieure (ISA). Il a travaillé avec l’organisation de défense des droits
de l’homme SUARAM en tant que coordinateur pour Penang (2002-2007). Il est l’un des six membres du PSM détenus en vertu de
l’ordonnance d’urgence en 2011. Actuellement coordinateur du Bureau international du PSM et rédacteur en chef de Sosialis.net.
Publié par sosialis.net, la publication en ligne du Parti socialiste malaisien. Traduit de l’anglais par A.L.
 

Le 4 décembre 2024

 

Choo Chon Kai est diplômé de l’Universiti Sains Malaysia (USM) en sciences chimiques. Étudiant, il a été suspendu pendant un
semestre par l’USM pour s’être opposé à la loi sur la sécurité intérieure (ISA). Il a travaillé avec l’organisation de défense des droits
de l’homme SUARAM en tant que coordinateur pour Penang (2002-2007). Il est l’un des six membres du PSM détenus en vertu de
l’ordonnance d’urgence en 2011. Actuellement coordinateur du Bureau international du PSM et rédacteur en chef de Sosialis.net.
Publié par sosialis.net, la publication en ligne du Parti socialiste malaisien. Traduit de l’anglais par A.L.

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