Comment la gauche en France fait-elle face au tournant mondial de la « droite » ? Les organisations de gauche qui soutiennent l’Ukraine peuvent-elles développer une stratégie commune ? Catherine Samary, chercheuse et militante de longue date, discute du rôle de la gauche dans la politique française d’aujourd’hui pour Posle Media.
Posle. - Après des élections législatives ayant abouti à la victoire inattendue d’un programme d’union de la gauche, le nouveau gouvernement français est encore plus droitier que les précédents et semble quêter, sur tous les points ou presque, l’assentiment du Rassemblement national. Comment analysez-vous, dans l’ensemble, la configuration politique français et la place que peut y occuper une politique de gauche ?
Catherine Samary - Les ingrédients de base de ce gouvernement Barnier sont les attaques sociales (au cœur du débat parlementaire en cours sur le budget 2025 et le financement de la Sécurité sociale) et le racisme. Le RN joue et va jouer effectivement un rôle pivot sur toutes ces questions parce qu’il n’y a aucune majorité stable : l’arrivée en tête des résultats électoraux du Nouveau Front Populaire (NFP) - inattendue et bienvenue reste une victoire toute relative, minoritaire. Si les composantes du NFP ne sont pas capables de consolider leur victoire par des mobilisations larges pour gagner en force - avec des collectifs unitaires locaux dans toutes les régions sur des batailles concrètes - la situation restera piégée. Mais les mobilisations restent possibles face aux attaques sociales - et une chute du gouvernement reste possible.
Contre toute évidence, le gouvernement veut faire croire qu’il n’a pas proposé un ’budget d’austérité’, mais « un budget pour éviter l’austérité ! » (comme l’a déclaré le Ministre des Finances le 21 octobre). Le projet gouvernemental est confronté à plus de 3500 amendements déposés par les députés à l’Assemblée ! Les divisions sont flagrantes au sein des diverses « alliances » dans un contexte politique sans aucune majorité, et quand des rivalités de pouvoir préparent déjà les élections présidentielles de 2027 ! En pratique, on a de fortes « chances », si on ose dire, d’aller vers un nouveau « 49-3 » : l’utilisation de cet article de la Constitution permet au gouvernement l’adoption d’un projet de loi sans vote parlementaire (comme cela a été fait pour la réforme des retraites par le précédent gouvernement !). L’impopularité de telles mesures et les divisions internes de ce pouvoir pourrait le faire chuter « avant terme ».
Essayant de « diviser pour régner », quoi de mieux qu’un bouc émissaire raciste - l’étranger ?! Incarnant la démagogie ignoble des diverses droites, Valérie Pécresse (qui a occupé de multiples postes de responsabilités sous diverses étiquettes de droite) a osé déclarer à la radio le 14 octobre : « Comment allez vous expliquer aux Français que vous allez leur demander des efforts, de payer des impôts, des taxes un peu partout, qu’on va leur faire moins de politiques publiques pour eux et en même temps que toues les dépenses liées à l’immigration augmentent »… Et elle ajoutait : « quand on est trop généreux, on attire des personnes qu’on n’a pas envie d’accueillir »… Telle est aussi la philosophie du ministre de l’Intérieur Retailleau, directement inspirée par le RN (Rassemblement national) quant à son projet de Loi immigration. C’est aussi sur ce front, contre tous les racismes que la gauche doit être offensive.
Lors des scrutins de cette année, tous les programmes des formations politiques en présence incluaient des propositions relatives à la situation internationale, notamment en Ukraine et en Palestine. Diriez-vous que les questions internationales sont, en France, un enjeu politiquement clivant et un facteur électoral important dans la vie politique à l’échelle nationale ?
Je dirais oui sur le début de la question (il y a des clivages politiques sur les questions internationales) mais plutôt non sur l’aspect électoral : les divergences politiques entre les divers partis sur les questions internationales n’ont pas fait l’objet d’enjeux centraux dans la campagne électorale et ses résultats. Comme je l’ai souligné plus haut, ce sont les questions « internes » qui ont largement marqué la scène politique en crise après le choix de Macron en juin dernier de provoquer des élections anticipées, et son choix de Premier ministre tourné vers Barnier, en refusant Lucie Castets proposée par le NFP, en tant que formation arrivée en tête. Le choix de Macron a eu peu de rapport avec les questions internationales et tout à voir avec sa volonté de protéger ses choix sociaux.
Précisons aussi que les décisions parlementaires sur les montants alloués à l’Ukraine ont été adoptés en mars dernier et n’ont pas fait l’objet de controverses électorales. Pourtant il y a toujours matière à débats sur la politique étrangère de la France : la part française du soutien à l’Ukraine (dans les aides européennes et mondiales) est faible et les dépenses militaires ont peu à voir avec l’Ukraine, avec notamment les enjeux du nucléaire, de la « françafrique » (politique néo-coloniale française en Afrique) ou du soutien militaire à Israël. Le peu de débat « électoral » et parlementaire sur ces questions n’est pas signe qu’elles sont peu importantes mais en dit long sur la « démocratie » parlementaire et la transparence sur les choix internationaux de « la France ».
Et en interne, au sein des organisations politiques ?
Je ne suis pas compétente pour répondre avec précision à cette question, en ne suivant pas de près la vie politique interne des divers partis (de toutes familles). Mais le moins qu’on puisse dire est que cette « vie politique » manque de visibilité démocratique. Ce qui apparait s’exprime au travers de « postures » des dirigeants - parfois avec des évolutions notables, embarrassées.
Cela a été le cas, à droite face à la guerre en Ukraine : le RN a vu s’infléchir le positionnement public de Marine Le Pen prenant quelques distances avec Poutine contre ce qui a été largement reconnu comme une agression de l’Ukraine. C’est vrai aussi de Macron qui a du prendre ses distances vis-à-vis de Poutine sans que cela relève d’un « débat » interne à la macronie (à son parti, Renaissance) - y compris en ce qui concerne ses récentes et bien timides critiques sur Gaza et la reconnaissance nécessaire de la cause palestinienne. Globalement à droite la diabolisation de l’islamo-gauchisme contre toute soutien à la cause palestinienne a fait consensus.
Quant aux diverses gauches - du PC au PS en passant par LFI, il y a évidemment entre elles et en leur sein des divergences politiques sur les questions internationales et notamment les guerres en cours. Pour une partie de la gauche radicale en France comme au plan international, la guerre en Ukraine a été interprétée comme conflit OTAN (Etats-Unis)/ Russie, ignorant l’Ukraine, avec une logique de l’ « ennemi principal » (éventuellement même d’un seul ennemi impérialiste qui ne peut être que « classique », celui des Etats-unis et de l’OTAN). Comme dit Gilbert Achcar, cette vision peut se prolonger par la formule « l’ennemi de mon ennemi (principal) est mon ami » ! Avec donc, par exemple pour Jean-Luc Mélenchon, une posture passée plutôt complaisante envers Poutine - contrastant avec la campagne de Raphaël Glücksman (député socialiste au Parlement européen).
Par conséquent, compte tenu de sensibilités voire analyses divergentes au sein des partis qui ont formé le Nouveau Front Populaire (NPF), on a été agréablement surpris de lire dans son programme des paragraphes très positifs et clairs quant à la politique étrangère prônée pour la France : le profil général est certes de chercher à « promouvoir la paix en Ukraine » ; mais celle-ci implique de « défendre indéfectiblement la souveraineté » de l’Ukraine par la livraison d’armes et la saisie des avoirs des oligarques russes. Concernant la situation à Gaza, le NFP prône « un cessez-le-feu immédiat » et la conclusion d’une « une paix juste et durable », tout en dénonçant le « soutien coupable » de l’Etat français au gouvernement israélien dirigé par Benjamin Netanyahu, contre lequel ils réclament des sanctions effectives - et il se prononce en faveur d’une reconnaissance de l’Etat de Palestine sur le fondement d’une résolution de l’ONU. Mais si ces positions sont importantes et positives, on n’a pas vu de véritable « bataille » politique pendant les élections ou au Parlement pour les porter de façon concrète, jusqu’à présent.
Comment voyez-vous la situation politique en France par rapport à l’invasion russe de février 2022 ? Quelles discussions ont eu lieu au sein du NPA à ce moment ?
Cette invasion a certainement été un choc politique marqué par beaucoup d’interrogations dans toutes les familles politiques. La durée de la guerre a creusé ce questionnement - mais sans réponse univoque alors que bien des analyses antérieures à l’invasion n’ont pas fait consensus et n’ont pas été actualisées. Y compris la dénonciation de l’agression russe ne se traduit pas par des prises de position et orientations univoques dans les diverses familles politiques, face à l’OTAN, à l’UE et à ses élargissements prévus depuis la guerre (vers l’Ukraine, la Moldavie, la Georgie et les Balkans de l’ouest).
A la veille de l’invasion, Macron (comme Poutine !…) percevait l’OTAN en « mort cérébrale » après le retrait d’Afghanistan et au vu des divisions entre pays membres vis-à-vis de la Russie et de son énergie. Et si la guerre s’est traduite par l’élargissement de l’OTAN, la radicalisation des sanctions contre la Russie et la légitimation de l’augmentation des budgets militaires, l’aide à l’Ukraine est instrumentalisée avec beaucoup d’hypocrisie : des parts considérables des dépenses militaires en France (comme aux Etats-Unis, d’ailleurs) ne vont pas à l’Ukraine ; de plus l’incertitude pèse sur ce que seront les engagements internationaux concrets des Etats-Unis, et Macron compte sur cette incertitude pour exploiter au plan européen et international son industrie militaire… Mais cela ne fait pas débat à droite.
Quant aux débats à gauche, y compris dans le NPA, ils sont encore très peu menés et nécessaires sur ce qu’Achcar appelle la « Nouvelle guerre froide ». Mais à défaut de visions claires sur un monde lui-même en pleine transformation et traversé de crises imbriquées, et même en absence d’alternative socialiste anti-capitaliste crédible à l’échelle nationale, européenne et mondiale, un internationalisme concret par en bas est possible en défense de droits égalitaires universels. Telle a été la logique dominant au NPA. Nous avons proclamé (comme nos camarades de Sotsialny Rukh l’ont fait en Ukraine) : « de l’Ukraine à la Palestine, l’occupation est un crime » ! La guerre en Ukraine a été analysée et dénoncée comme agression de la Russie poutinienne contre le droit même d’exister de l’Ukraine : nous l’avons fait avec d’autres forces (politiques et syndicales) et avec nos camarades de la gauche russe et ukrainienne - tout en restant indépendant de « nos propres gouvernements » et critiques de leurs politiques néo-libérales. Nous avons affiché, notre opposition à un impérialisme russe spécifique relevant notamment du passé tsariste et stalinien, tout en affirmant notre opposition à « tous les impérialismes ». Donc nous avons aussi demandé l’annulation de la dette ukrainienne et dénoncé - avec nos camarades ukrainiens - toute exploitation par les puissances occidentales ou le gouvernement Zelensky de la résistance à l’agression russe pour imposer des politiques anti-sociales. Concrètement, le NPA a soutenu la résistance armée et non armée de l’Ukraine, et considéré qu’il était légitime qu’elle demande des armes (à qui en fabrique) pour se défendre. Nous avons donc soutenu dès mars 2022 la création de l’ENSU (European Network in Solidarity with Ukraine against the war1) - où nous militons toujours au plan européen et dans son collectif français en lien avec les associations progressistes ukrainiennes.
Mais, il y a quand même eu des débats et divergences ! Lesquelles ? Même si l’ensemble des camarades reconnaît la légitimité de la demande d’armes par l’Ukraine pour se défendre, plusieurs questions et divergences sont apparues : est-il juste politiquement (ou pas) qu’une organisation anti-capitaliste comme la nôtre demande des armes pour l’Ukraine à « notre propre bourgeoisie » et pour un gouvernement bourgeois ? Est-il pratiquement possible (ou pas) de combiner une demande d’aide militaire à l’Ukraine et notre opposition au militarisme et aux blocs militaires (OTAN) ?
Personnellement j’ai répondu positivement à ces questions comme la majorité du Npa - et je suis, en son nom avec d’autres camarades, impliquée dans l’ENSU- en lien directs, par en bas avec la gauche et les syndicats et organisations féministes et étudiantes ukrainiennes - en lutte sur plusieurs fronts. Mais cela impose de se distinguer à la fois des postures « militaristes » et d’un « pacifisme abstrait » : c’est possible en « politisant » le débat sur les armes. Cela passe par l’exigence de nationalisation de l’industrie d’armement pour permettre des débats politiques sur les budgets et à quoi servent les armes : oui à la livraison d’armes par solidarité avec l’Ukraine, non aux ventes d’armes aux dictatures et aux pouvoirs oppresseurs comme Israël ! Une déclaration dans ce sens a également été discutée et adoptée très récemment au sein de l’ENSU qu’on pourra trouver sur son site rapidement.
Puis après les annonces d’Emmanuel Macron concernant le possible envoi de troupes françaises en Ukraine ?
Macron lui même a souligné qu’ « il n’y a aucun consensus » - et c’est un euphémisme !- pour l’envoi de troupes en Ukraine. Il a maintenu, en dépit de critiques vives sur des déclarations perçues comme dangereuses escalades ou farfelues, que « face à un pouvoir poutinien qui n’exclut rien, il ne faut rien exclure ». Mais on a souligné l’écart entre « l’engagement » apparent de tels discours du côté de l’Ukraine et la part faible de l’aide concrète apportée par la France à l’Ukraine. On a aussi mis l’accent sur des distinctions nécessaires entre « envoi de troupes » (impliquant cobelligérance) — et envoi de militaires et techniciens pour des tâches concrètes d’aide à l’Ukraine, y compris pour faciliter sa maîtrise de matériel militaire envoyé. D’autres envols (sémantiques) macronistes ont également été critiqués : il a parlé de l’entrée (de la France ou de l’UE) dans une « économie de guerre », alors que cette notion ne correspond pas à la réalité (les systèmes productifs ne sont pas transformés dans ce sens). Autre chose, comme indiqué plus haut, est la discussion concrète nécessaire sur la « politisation » et la transparence des débats sur les budgets militaires impliquant aussi l’analyse de ce qui est produit par les industries militaires et envoyé en Ukraine, le débat sur les aides financière et matérielles concrètes à apporter à l’Ukraine - pour aider sa propre « économie de guerre ». Mais si celle-ci est « étatiste » et dépendante des aides occidentales - avec leurs conditionnements néo-libéraux - ce sera un échec. C’est pourquoi je soutiens l’axe « interne » - basé sur les ressources populaires et démocratiques d’une Ukraine indépendante - que met en avant l’organisation de gauche ukrainienne Sotsialnyi Rukh en critique de l’orientation du gouvernement Zelensky.
À l’inverse, quelles ont été les réactions aux menaces nucléaires régulièrement émises par Vladimir Poutine ?
Il y a sans doute une évolution dans le temps et des effets ambivalents : Poutine sait qu’il fait peur (il le veut) par ses menaces. Et on ne peut exclure des dérapages monstrueux. En même temps, on perçoit mal quel usage « efficace » (de son point de vue) Poutine pourrait faire de l’arme nucléaire. Et les « lignes rouges » successives ont reculé face aux offensives ukrainiennes - y compris en Russie même, sans déclencher les attaques nucléaires promises. Enfin, peut-être surtout, le veto de la Chine sur l’usage du nucléaire par son allié russe a sans doute rassuré. Mais la peur de cette menace nucléaire est instrumentalisée dans les discours « pacifistes » poussant à ne pas envoyer d’armes en Ukraine pour ne pas provoquer Poutine.
Des réflexions et débats sont-ils en cours dans les milieux militants sur le bouclier nucléaire français et ses possibles usages stratégiques, notamment dans l’hypothèse où les États-Unis de Trump quitteraient effectivement l’OTAN ou refuseraient de s’engager à défendre leurs alliés ?
Non, ces débats n’ont pas (encore) lieu dans les milieux militants. Et ceux-ci ne sont pas en bonne position pour les avoir : la défiance politique légitime (et l’indépendance qu’on doit avoir) envers notre gouvernement, notamment comme puissance post et néo-coloniale, fait qu’on verrait mal une organisation de la gauche radicale anti-capitaliste demander à Macron de mettre « sa bombe » aux services d’intérêts communs pour l’heure bien mal cernés. Des journalistes ont questionné Macron à ce sujet, dans le contexte de l’incertitude qui pèse sur les Etats-Unis, et il n’a pas « exclu » une forme de « mutualisation » européenne de la « dissuasion nucléaire » française - tout en conservant la souveraineté du commandement…
Mais il est sans doute nécessaire d’élargir la question de la « sécurité » bien au-delà du nucléaire : quelle transformation des armées et des forces de police ? Quel contrôle politique « citoyen » démocratique sur leurs pratiques ? La montée en France des idées d’extrême-droite au sein de l’appareil policier est inquiétante. Il faut par ailleurs une réflexion urgente au plan de la gauche européenne sur ce que signifierait une approche « altermondialiste » progressiste de la « défense européenne ». Mais il y a un retard considérable associé à la crise des Forums sociaux mondiaux et européens. Des efforts pour y remédier et relancer un « Espace public alternatif européen » existent. Il faut s’y atteler et y débattre notamment de ces enjeux « sécuritaires » multidimensionnels. En France je participe à un petit « groupe de travail » de militantEs de gauche « altermondialistes » qui s’est mis en place tout récemment dans cette optique— associée à la défense de droits sociaux et politiques égalitaires, individuels et collectifs, transnationaux.
Les questions de sécurité ne concernent pas seulement les relations entre États : l’ultra-droite, par exemple, pratique la menace, la « ratonnade », parfois l’assassinat. Quelles sont, selon vous, les perspectives de gauche pour se protéger de cette menace, l’une des plus sérieuses de cette décennie ?
Il faut voir là aussi, pays par pays, comment s’articulent les dispositifs de la « violence légale » de l’Etat, la justice et l’émergence de milices privées fascisantes - selon le contexte évolutif de qui gouverne et quelles sont les confrontations sociales ? Dans divers pays, dans le passé - et sans doute dans l’avenir - c’est l’auto-organisation et l’auto-protection des organisations de masse, hommes et femmes, combinées aux campagnes d’information/dénonciation médiatisées qui ont toujours été essentielles… Cela fait partie des débats nécessaires au sein de l’ « Espace politique alternatif européen » en (re)construction.
Dans ce contexte, la solidarité internationale des forces de gauche est tout à fait vitale. Cependant, on ne voit rien d’équivalent aux dizaines de milliers de personnes prêtes à manifester, dans la France du tournant du siècle, après l’assassinat d’un anarchiste belge ou espagnol, ou aux mobilisations de masse en Europe contre les Pershing et les SS-20. Comment la gauche contemporaine participe-t-elle à la politique internationale et que signifie pour elle cette participation ?
Les menaces environnementales sur la planète sont tout aussi vitales que les attaques sociales - et les populations les plus pauvres sont partout les plus affectées. La « gauche contemporaine » est multiple, pour l’instant incapable de répondre à l’échelle nécessaire à ces menaces et attaques, car elle est affectée par plusieurs crises : celle des pays qui ont proclamés un projet, sinon une réalité socialistes - non seulement en Europe, mais en Chine ou Cuba - ou qui s’y sont identifiés. Celle des courants sociaux démocrates qui ont renoncé à la transformation capitaliste des sociétés. Celle des gauches radicales, incapables pour de multiples raisons d’offrir une alternative crédible à ce qu’elles critiquaient - parfois en s’auto-proclamant « avant-garde » de façon sectaire et dogmatique. Celle des Forums sociaux mondiaux et continentaux impactés par toutes les autres crises et la difficulté d’inventer un mode de fonctionnement et d’action transnational face à un système-monde en pleine transformation.
L’ampleur des crises subies et des difficultés explique beaucoup de renoncements ou de participation à des logiques de « moindre mal » institutionnalisées. Mais il y a aussi des atouts et richesses d’expériences et de luttes accumulées dans tous les courants évoqués et au-delà dans les nouveaux mouvements sociaux, féministes, écosocialistes, anti-racistes.
S’il faut critiquer l’avant-gardisme se substituant aux mouvements sociaux, mais multiplier les liens pluralistes et démocratiques internationaux de courants anti-capitalistes : ils sont précieux, même s’ils sont faibles, pour « comprendre » de façon pluraliste les difficultés rencontrées et erreurs commises. On peut le faire et avancer en marchant sur des bases plus larges dans la construction de réseaux d’internationalisme par en bas sur des enjeux concrets : l’ENSU contre la guerre en Ukraine, ou la campagne BDS en soutien à la cause palestinienne en sont des exemples. De telles campagnes avec d’autres sur les enjeux féministes, anti-racistes de justice sociale et environnementale, sont essentielles pour la reconstruction d’un Espace alternatif pluri-thématique altermondialiste - tel qu’ébauché en Europe. Il n’y a pas de recette magique. Mais ne pas avancer dans ce sens c’est se confronter à la montée des extrême-droites dans l’impuissance.
Le 20 novembre 2024
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Voir le site https://ukraine-solidarity.eu/