Plusieurs luttes s’entrecroisent aujourd’hui : pour l’emprisonnement de Bolsonaro, pour la réduction du temps de travail et contre le train de mesures budgétaires en préparation.
« Eppur si mueve ». La phrase de Galilée, « Ça bouge » en traduction libre, résume bien l’esprit de la situation brésilienne après les élections municipales d’octobre 2024. Certains analystes politiques ont évoqué le marasme, surestimant les forces de Bolsonaro pour expliquer le résultat électoral.
La victoire de Trump est un fait politique qui aggrave l’inquiétude générale quant aux actions des conservateurs dans le monde, l’augmentation de la violence contre les peuples (en particulier les immigré·es), le renforcement du négationnisme climatique et les « putschistes délirants » comme Musk.
Cependant, la réalité brésilienne a beaucoup évolué ces dernières semaines. La révélation du complot pour un coup d’État, désormais de notoriété publique avec la fin du secret de l’instruction, montre à la fois l’agressivité et l’impréparation du noyau dur de Bolsonaro. La situation nouvelle exige de lutter sur trois fronts : pour que Bolsonaro soit emprisonné et qu’il réponde de ses actes ; pour soutenir les luttes en cours, en particulier celle des travailleurs de PepsiCo ; et pour mener le débat dans l’opinion publique contre le train de mesures antipopulaires en préparation.
Prison pour Bolsonaro et ses sbires. Pas d’amnistie pour les terroristes d’extrême droite
La première tâche, et la plus importante, est de d’informer et démoraliser dans toutes les couches de la population le caractère putschiste et terroriste de Bolsonaro. Le rapport final de la PF (Police Fédéral) indique que Jair Bolsonaro « dirigeait, agissait et contrôlait » une tentative de coup d’État à la fin de l’année 2022. Comme on le sait maintenant, le plan prévoyait l’assassinat de Lula, Moraes et Alckmin1 et n’a pas été mené à bout, selon le même rapport, en raison de « circonstances indépendantes de la volonté » du génocide.
Après une telle révélation, il n’y a pas d’autre issue que la dénonciation publique et faire en sorte que le mot d’ordre « Bolsonaro en prison » soit repris par tout le peuple. Cela doit être l’objet d’une agitation systématique, avec des affiches, dans les réseaux sociaux, et une convergence par les manifestations convoquées pour le 10 décembre dans toutes les capitales brésiliennes.
Il faut aussi organiser articuler la lutte pour enterrer le projet de loi d’amnistie [aux putschistes du 8 janvier 2023] et discuter des mesures susceptibles d’orienter l’agenda politique vers une plus grande confrontation contre « l’atelier du coup d’État » : les financiers, comme que l’agro-industrie et d’autres, les agents civils et militaires. Nous devons réduire la « tutelle militaire » qui continue d’exister, avec une véritable réforme des forces armées et la révocation du ministre Múcio, le pont entre le gouvernement et les secteurs qui veulent accorder l’amnistie aux auteurs du coup d’État.
L’arrestation de Bolsonaro, déjà inéligible [jusqu’en 2030], aurait deux effets sur l’opposition de droite : amplifier les contradictions déjà à l’œuvre dans ce secteur sur le leadership capable de l’unir en 2026 et la tentation des secteurs de Bolsonaro de descendre dans la rue. Ces deux questions doivent être traitées, mais sans perdre de vue qu’il n’y a pas de temps à perdre et qu’il faut de saisir de la contestation populaire pour mettre Bolsonaro et son clan sur la défensive.
En bas, la classe ouvrière bouge
Le mot d’ordre brandi par le mouvement VAT (Une Via Après le Travail, dirigé par Rick Azevedo) appelant à la fin du régime 6x1 [six jours de travail et un jour de congés) a débordé sur les réseaux sociaux et dans la rue, comme en témoigne le succès de la pétition et des manifestations du 15 novembre.
C’est là un mouvement souterrain, qui touche tous les lieux de travail dans tout le pays, et redéfini les revendications et les agendas de la classe ouvrière elle-même. La lutte contre l’échelle 6X1 est associée à la nécessité d’une défense plus large des droits des travailleurs en tant que classe, comme la défense de la santé mentale et du temps libre pour les activités en dehors du travail.
La grève lancée par les travailleurs de PepsiCo dans les usines d’Itaquera (SP) et de Sorocaba contre l’échelle 6X1 est un point d’inflexion : il s’agit de la première grève pour la réduction du temps de travail depuis le lancement du mouvement VAT. Cela signifie un saut qualitatif, car la lutte des travailleurs de PepsiCo se répercute dans tout le pays. De nombreuses manifestations de solidarité ont lieu lors des assemblées de grévistes et sur les piquets de grève.
D’autre part, toujours dans le calendrier des luttes, la grève des enseignants municipaux de Rio de Janeiro fait face à Paes, le maire, avec de grandes assemblées, une occupation éclair de la mairie et une marche réprimée par la police militaire.
Nous devons soutenir les luttes en cours de toutes nos forces, en utilisant également les initiatives parlementaires pour déposer des lois locales contre l’échelle 6x1, en suivant le modèle présenté par Fábio Félix et suivi par Luciana Genro, Camila Valadão, Roberto Robaina, Luana Alves, parmi d’autres.
N’oublions les mesures d’ajustement budgétaires
Les luttes contre l’échelle 6x1 et pour l’arrestation de Bolsonaro nécessitent une large unité d’action. Cependant, il y a une lutte importante que nous devons mener, qui concerne les mesures de réduction des dépenses qui vont être annoncées par [le ministre de l’Économie] Haddad.
Nous sommes parmi ceux qui ont promu le manifeste contre le ce train de mesures. Derrière le discours sur « l’équilibre budgétaire » se cache la poursuite du « nouvel encadrement budgétaire », de fait une orientation de restrictions antipopulaires2.
C’est notre position. Et en toute cohérence, nous nous joindrons aux luttes en cours en défendant ces mots-d’ordre.
Publié le 28 novembre 2024 par la revue Movimento.
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À l’époque, Lula venait de gagner les élections présidentielles, avec Geraldo Alkmin comme vice-président. Alexandre de Morais est membre du Tribunal Supérieur Fédéral.
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Le train de mesures d’ajustement budgétaire a finalement été dévoilé le 27 novembre. Pour plus dinformation, voir l’article de Mariana Conti, Les mesures de Haddad et la lutte contre l’extrême droite (en portugais).