Et les oiseaux chanteront : soutien à la ZAD du Donderberg

par Léonard Brice

Le soleil, en descendant derrière les arbres, dessine la silhouette d’une activiste harnachée à une branche. Au sol, on s’active, on monte les tentes, et on discute pratique : qui pour prendre le premier tour de garde ? quand faut-il retourner faire les courses ? que dire aux journalistes ? Le tout, assis•es en rond autour de l’incroyable couscous apporté par une voisine : la Zone À Défendre du Donderberg s’est officiellement lancée aujourd’hui, avec le soutien actif des habitant•es du quartier.

Il faut dire que l’action s’inscrit dans la continuité d’une longue série de luttes, pour défendre ce lieu qui fait partie des derniers de la ville sur lesquels il n’y a jamais eu de construction humaine. Pour les habitant•es, en grande partie issu•es de couches populaires, cette friche offre un air dépollué, et une parenthèse verte dans le gris du béton de Laeken. Dès 1993, un grand projet immobilier déclenche leur colère, et débouche sur la création du comité de quartier Donderberg — le projet sera rapidement abandonné, mais le comité est encore actif aujourd’hui. Depuis 2011, la majorité menée par le PS, aujourd’hui dirigée par Philippe Close, a déposé cinq nouveaux projets, slalomant entre les recours et les invalidations du conseil d’État, dans une volonté frénétique de bétonner cet espace. La dernière mouture propose la construction d’une salle de sport et d’un local de quartier, d’un immeuble de huit logements, d’un local pour profession libérale, d’un parking souterrain de 17 places et d’une école maternelle et primaire de 672 élèves.

Sauf qu’une école, le quartier en a déjà une, à l’abandon, de l’autre côté de la rue — mais elle appartient à la communauté flamande. Un exemple parfait de l’absurdité des prétendues tensions entre protection des espaces verts, et besoins d’infrastructures et de logement : rappelons qu’en 2014, une étude menée par The Guardian comptait 11 millions de logements vides en Europe (pour 4,1 millions de sans-abris). Il n’y a donc qu’à se baisser pour trouver les bâtiments nécessaires — à se baisser, et à accepter de passer outre les caprices des particuliers et des institutions qui les possèdent.

Les habitant•es ont maintenant épuisé tous les moyens légaux à leur disposition pour protéger ce bien commun. Il a donc fallu faire appel à des techniques plus directes : planter des tentes, construire des cabanes, et occuper les lieux. À Notre-Dame-des-Landes, en France, où est apparu l’acronyme ZAD1, cette méthode de lutte a permis d’obtenir l’abandon d’un projet d’aéroport. Mais aussi, au passage, d’enclencher une reprise en main collective de la terre, en mélangeant habitant•es de longue date et activistes, et en inventant de nouvelles manières d’y vivre. Au Donderberg aussi, cette créativité se fait déjà sentir : chacun•e y va de sa banderole, et les cabanes se construisent à grands renforts de cordes et de poulies pour ne pas endommager les arbres. Et les activistes y discutent de cuisine et politique avec les habitant•es, dont les petit•es courent entre les fourrés en redécouvrant ce droit, si souvent nié aux enfants de quartiers populaires, de s’émerveiller au contact de la nature.

La ZAD a besoin de soutien. Située sur la commune de Philippe Close, connu pour sa passion immodérée des matraques et des lacrymos, elle n’a pour se défendre que le nombre. Les militant•es de la Gauche anticapitaliste y étaient dès la première heure, et feront en sorte d’y être aussi présent•es que possible sur la durée. Nous vous appelons à y venir en masse, que ce soit pour une heure, une nuit ou jusqu’à ce que la ville de Bruxelles craque.

Publié le 11 octobre 2024 par la Gauche anticapitaliste

  • 1Initialement un terme administratif signifiant “zone d’aménagement différé”, il a été réapproprié sous la forme “zone à défendre” par les occupant•es.