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Le droit d’aimer et d’être aimé au Cameroun

par Paul Martial
Alice Nkom, première femme avocate francophone du Cameroun, est aujourd’hui spécialisée dans la défense des personnes LGBTI. Twitter

De nouveau la question de la dépénalisation de l’homosexualité est discutée au Cameroun avec une prise de position pour le moins inattendue.

Le 30 juin, la jeune rappeuse de 26 ans King Nasty déclare sa flamme à la mannequin brésilienne Layyons Valença sur le réseau social X (ex-Twitter) agrémenté d’une photo où les deux amoureuses s’embrassent avec passion. Que l’on se rassure, votre hebdomadaire préféré ne tombe pas dans la pipolisation pour son dernier numéro avant les congés d’août. Si on parle de ce tweet, c’est parce qu’il a des répercussions importantes au Cameroun.

Politique homophobe

King Nasty est le nom de scène de Brenda Biya, qui n’est autre que la fille de Paul Biya, président du Cameroun. Un pays particulièrement répressif vis-à-vis de la communauté LGBTQIA+.

L’article 347-1 du code pénal camerounais prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans, assortie d’une amende de 200 000 francs CFA.

Le parti présidentiel, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), comme la plupart des autres partis, mène régulièrement des campagnes homophobes qui débouchent le plus souvent sur des actes de violence vis-à-vis de personnes soupçonnées d’être homosexuelles.

Un dérivatif bien commode pour les élites du pays afin de faire oublier leur politique désastreuse en matière de santé, d’éducation et de pouvoir d’achat. Une façon aussi pour ces dirigeants d’apparaître comme les défenseurs de la nation et de l’authenticité de la culture africaine contre un Occident censé être décadent. Ils n’hésitent pas à utiliser des contre-vérités maintes fois rabâchées dans lesquelles l’Afrique serait le seul continent sans diversité sexuelle, en dépit de nombreux travaux d’historiens démontrant le contraire.

Acte militant

Dans sa récente interview au journal le Parisien, Brenda Biya fait état du courroux de son frère, Franck Biya, qui se prépare à succéder à son père et de la demande du couple présidentiel de retirer son post sur X. Elle a refusé et reste en attente d’un dialogue avec sa famille. Certains souligneront qu’elle ne risque pas grand-chose pour son coming-out, vivant en Suisse, étant la fille du président avec des revenus confortables. Cependant, Brenda Biya assume cette annonce comme un acte militant contre la pénalisation de l’homosexualité : « Cette loi existait avant que mon père soit au pouvoir. Je la trouve injuste et j’ai l’espoir que mon histoire la fasse changer ». Les défenseurEs des droits des LGBTQIA+ comme l’avocate Alice Nkom qui a assuré la défense depuis deux décennies des personnes présentées comme homosexuelles ne s’y est pas trompée : « Je salue le courage de Brenda Biya, qui assume son droit fondamental d’aimer et d’être aimée ». Idem pour Shakiro, transgenre et militante, plusieurs fois victime d’agression et emprisonnée, l’obligeant à fuir son pays.

Quant à Brenda Biya, elle appelle à libérer la vingtaine de détenuEs accusés d’homosexualité qui croupissent dans les geôles du pouvoir. 

Publié par L’Anticapitaliste le 24 juillet 2024.

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Auteur·es

Paul Martial

Paul Martial, militant de la Quatrième Internationale en France, est membre de la rédaction d'Afrique en lutte.