La bataille contre la loi sur le dégel du corps électoral n’est pas finie. Pour la première fois depuis 1986, un député indépendantiste a été élu. La politisation est en cours et va continuer pour les droits des peuples kanak.
Dans « un point de la situation de l’ordre public en Nouvelle-Calédonie », le Haut-Commissariat se félicitait le vendredi 5 juillet qu’« à Nouméa, ce ne sont pas moins de 37 barrages qui ont été levés dans la nuit ». Et il annonçait que « le nombre d’interpellations enregistrées depuis le début des troubles est de 1 675 ». Autrement dit, près de deux mois après le soulèvement, malgré une répression de masse — en effet, en 2019, « 111 856 personnes déclaraient appartenir à la communauté kanak » (chiffre cité par Les Échos) — les représentants de l’État français ne parviennent pas à rétablir l’ordre colonial.
Déportation et répression
Alors que les assassins identifiés de jeunes Kanak sont tranquillement chez eux sous bracelet électronique, des centaines de jeunes hommes et femmes sont emprisonnéEs avec des chefs d’inculpation particulièrement lourds alors que leur crime est d’avoir été présentEs sur des barrages, brandi un drapeau de Kanaky ou refusé d’obtempérer aux forces de l’ordre. Les deux prisons du territoire, déjà surpeuplées avant le début du soulèvement, ne peuvent permettre l’enfermement des interpelléEs. Et à ce jour des centaines de personnes sont détenuEs par l’État français sans que les familles sachent où. Des collectifs de familles à l’initiative de femmes s’organisent pour les retrouver.
L’État français en parallèle à cette répression de masse tente de décapiter et désorganiser la structuration des organisations et associations indépendantistes. Après les interpellations et emprisonnement de 9 représentantEs de la Cellule de Coordination de l’action de terrain (CCAT) dont 7 transféréEs en France à 17 000 km de chez elleux, deux autres membres de la CCAT ont été interpellés le 5 juillet. Au moment où la Cour d’appel de Nouméa rejetait la demande de remise en liberté de cinq des membres de la CCAT déportés en France et de Joël Tjibaou, fils de Jean-Marie Tjibaou détenu en Calédonie. Le même juge a ordonné le placement de Brenda Wanabo et Frédérique Muliava, « sous bracelet électronique en métropole dans le cadre d’une assignation à résidence pour une durée de six mois avec un certain nombre d’obligations et notamment une interdiction de contact et une interdiction de parler de ce dossier dans la presse », annonce un des avocats. Soit à 17 000 km de chez elles et de leurs enfants.
Un indépendantiste élu
C’est dans ce contexte que la population de Kanaky-Calédonie a voté le 7 juillet. Et pour la première fois depuis 1986, un député indépendantiste est élu dans la circonscription du Nord, redécoupée en 1986 justement pour empêcher les indépendantistes d’y être élus ! Et symbole fort, cet élu est Emmanuel Tjibaou, autre fils de Jean-Marie et donc frère de Joël actuellement emprisonné, et il passe avec plus de 13 000 voix d’avance sur le candidat LR anti-indépendantiste. Il siégera avec le Nouveau Front populaire et sera un relais supplémentaire de la mise en œuvre d’un réel processus de décolonisation. Dans la circonscription de Nouméa où le député macroniste avait été élu en 2022 avec plus de 66 % des voix contre la candidate indépendantiste à 33 %, c’est le même Nicolas Metzdorf, promoteur de la loi sur le dégel du corps électoral, qui est passé avec 52,4 % des voix. La candidate dite régionaliste a obtenu 47,59 % passant de 13 000 à 31 399 voix. Ce qui montre clairement la politisation en cours dans la population et sa détermination à utiliser tous les moyens, dans la rue et dans les urnes, pour exiger l’abrogation de la loi de recolonisation votée en mai dernier et exiger l’indépendance dans un processus décolonial.