Victoire du « progressisme » au Mexique : et maintenant ?

par Fabrice Thomas
Claudia Sheinbaum, lors de l'investiture de son gouvernement, en 2018. © EneasMx — CC BY-SA 4.0

Claudia Sheinbaum a obtenu une très nette victoire. C’était la candidate promue par AMLO (Andrés Manuel López Obrador) et son parti « Morena ». Elle était soutenue par de nombreux autres petits partis de gauche, mouvements sociaux et le PT (de très lointaine origine maoïste, devenu plutôt social-démocrate et très opportuniste).

Elle a obtenue près de 60 % des voix et un nombre de voix supérieur à celui qu’avait obtenu AMLO en 2018, une forte participation (autour de 60%, ce qui est beaucoup pour le Mexique), elle gagne une légitimité et une autonomie par rapport à AMLO qui d’ailleurs devrait « se retirer de la vie politique ».

La coalition de droite, des trois grands partis qui avaient gouverné le Mexique pendant des décennies (PRI, PAN, PRD) subit un échec cuisant. Leur candidate recueille autour de 30% et, aux élections législatives et de gouverneurs, ils sont en recul très net (le PRI a obtenu 10 % !), à tel point que Morena et ses alliés devraient disposer de la majorité absolue au parlement, une majorité qualifiée qui leur permettra de faire passer des réformes constitutionnelles. Le troisième candidat aux présidentielles, venu du PRI, qui a fondé un parti de centre droit (le Mouvement Citoyen) obtient 10 % mais ne pourra pas jouer le rôle de « parti charnière » qu’il espérait obtenir au parlement.

Ce succès, six ans après celui d’AMLO, qui avait mis fin à la domination historique du PRI, est tel que les camarades se demandent si ce n’est pas le début d’une nouvelle époque, d’un nouveau régime pour le Mexique. En tout cas il marque un infléchissement très net dans la situation politique en Amérique Latine, après les victoires de Bukele et surtout de Milei, c’est à l’inverse une victoire pour les « progressismes » en Amérique Latine, dans le deuxième pays le plus important de la région.

Il faut cependant voir les limites de Claudia Sheinbaum et de Morena. Même si elle a pris des positions plus radicales qu’AMLO sur le féminisme (ce qui n’est pas difficile !) ou sur les réformes antilibérales, il n’est pas sûr du tout qu’elle utilise son nouveau pouvoir pour réaliser des réformes radicales. Parmi les élus parlementaires de sa coalition, il y a de très nombreux politiciens issus des vieux partis, et aucun issu de la gauche de Morena. Le patronat a fait des déclarations saluant sa victoire et se disant prêt à collaborer avec elle.

La campagne a été très active, une mobilisation et une politisation populaire très forte. Les thèmes de la dette, de la rupture avec le néoliberalisme ont été très discutés. Ce qui devrait favoriser les conditions d’une recomposition à gauche.