L’élection de Bassirou Diomaye Diakhar Faye avec 54,28 % des voix, dépassant largement le candidat du pouvoir Amadou Ba (35,79 %), peut être considérée comme la seconde rupture qu’a connue le Sénégal depuis son accession à l’indépendance en 1960.
La première fut celle de la victoire électorale de Abdoulaye Wade en mars 2000. Elle mit fin à quarante années de pouvoir du Parti socialiste, incarné d’abord par Léopold Sédar Senghor puis par Abdou Diouf. La victoire de Wade fut accompagnée par une mobilisation électorale de forte ampleur avec une participation massive de la jeunesse. La gauche sénégalaise avait aussi mis tout son poids dans cette victoire. Une victoire qui venait sanctionner un régime finissant, où les politiques d’ajustements structurels, dont le Sénégal a été le premier pays à être victime, ont détérioré fortement les niveaux de vie des populations. De plus, l’absence de perspectives pour une grande majorité des jeunes était durement ressentie.
Derrière les grands travaux, le libéralisme outrancier
Quant à Macky Sall, il arrive au pouvoir en mars 2012. Il profite d’une situation de grande mobilisation contre Wade qui tente de briguer un troisième mandat. Si Sall a adhéré à And-Jëf/Mouvement révolutionnaire pour la démocratie nouvelle, organisation de la gauche radicale, il n’y est pas resté longtemps puisque l’essentiel de sa carrière s’est déroulé au Parti démocratique sénégalais (PDS) de Wade, dont il fut le Premier ministre. Il quittera le PDS avec quelques dizaines de cadres pour fonder l’Alliance pour la République (APR-Yaakaar). Alors que la classe politique entière se consacre à la lutte contre la tentative de troisième mandat de Wade, bien que se situant dans l’opposition, lui utilise temps, énergie et argent pour faire campagne et construire un réseau qui lui permettra d’être au second tour et de gagner l’élection présidentielle grâce au ralliement de la plupart des candidats.
Lors de son second mandat, beaucoup d’observateurs ont cru que la croissance économique du pays de la teranga 1 permettrait une réduction importante de la pauvreté. Ce ne fut pas le cas. La croissance du Sénégal est avant tout issue de prêts qui ont servi à des grands travaux d’infrastructures comme la construction d’un nouvel aéroport international ou l’édification d’une nouvelle ville, Diamniadio, située au sud de Dakar, qui devrait accueillir les principaux ministères, ou encore la mise en place d’un train express régional reliant cette ville à Dakar – soit 36 km – pour un coût supérieur à 1 milliard d’euros. À titre de comparaison, le budget de la santé pour 2024 s’élève à 450 millions d’euros. Tous ces coûteux projets liés au Plan Sénégal émergent (PSE) ont eu peu d’impact voire aucun sur la vie quotidienne des populations.
L’idée que la croissance économique permettrait de réduire la pauvreté en l’absence de mesures réduisant les inégalités sociales s’est avérée une illusion libérale. D’ailleurs, même la Banque Mondiale est revenue sur cette idée : « La croissance reste le principal facteur de la réduction limitée de la pauvreté en Afrique subsaharienne depuis 2000, et non des changements dans la répartition des revenus, ce qui rend l’impact limité de la croissance sur la réduction de la pauvreté particulièrement préoccupant. » 2
Dans ce PSE figurait un volet social autour de la mise en place d’une Couverture maladie universelle (CMU). Lors de son lancement en 2015 cette CMU a bénéficié d’un budget de 26 millions d’euros. Elle regroupe les mutuelles déjà existantes et permet la gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq ans, l’accouchement par césarienne et le combat contre certaines pathologies comme la tuberculose, le VIH ou l’insuffisance rénale. Dans la réalité, les Sénégalais·es ont été confronté·es à un manque criant de personnel soignant, particulièrement dans les centres de santé ruraux. De plus, la gratuité est toute relative. Une enquête de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) effectuée entre 2018 et 2019 démontre que « le reste à charge médical moyen d’une consultation de routine est compris entre 6,5 euros (pour les enfants et les adolescents) et 31 euros (pour les adultes). À ce montant, il convient d’ajouter les frais de transport. Le reste à charge moyen total pour une consultation de routine, comprenant les frais de transport, varie de 11 à 32 euros par consultation. Ce montant s’avère très élevé en proportion des ressources des patients. En effet, au Sénégal, la dépense quotidienne moyenne est de 2,12 euros par personne par jour ; de plus, près de 38 % de la population vit avec 1,39 euro par personne par jour, qui représente le seuil de pauvreté national calculé en 2019. »3
Parallèlement, des affaires de corruption sont mises à jour, touchant directement le pouvoir en place. Un reportage de la BBC met en cause le frère cadet du président pour avoir favorisé, contre rétribution, une entreprise pour l’exploitation du pétrole. La Cour des comptes dénonce des détournements de fonds sur des sommes destinées à la lutte contre le Covid. Une ONG rend publique une information sur la forte présomption de corruption dans l’achat d’armes. Des affaires amplifiées par un népotisme qui bénéficie aussi à la famille de la première dame.
Le départ calamiteux de Sall
Cette situation peu reluisante s’est dégradée lors des derniers temps du pouvoir. Macky Sall a tenté à son tour de briguer un troisième mandat sans jamais se déclarer officiellement mais en lançant des ballons d’essai. Il a indiqué que le changement constitutionnel remettait le compteur à zéro et donc l’autorisait à se présenter pour l’élection présidentielle de 2024. Cela a soulevé une forte contestation à l’intérieur du pays. Les nations occidentales ont désapprouvé une telle éventualité non pas par souci démocratique, mais par peur d’une déstabilisation du pays. Sall s’est donc contenté de désigner son dauphin Amadou Ba, ce qui a suscité des oppositions entrainant une profonde division dans le camp présidentiel.
Plusieurs candidatures issues de la majorité sont apparues, Mahammed Dionne, ancien Premier ministre, Aly Ngouille Ndiaye, plusieurs fois ministre, ou Mamadou Diao. Le manque de charisme d’Amadou Ba n’a pas permis de dynamiser une campagne électorale qui s’est révélée poussive. Pourtant, Sall avait pris soin de baliser le terrain de son dauphin. Le principal concurrent, Ousmane Sonko, a été écarté. Accusé de viol, il a finalement été condamné pour corruption de la jeunesse – peine sanctionnant une personne qui pousse à la débauche un jeune de moins de 21 ans. Ces péripéties juridiques ont provoqué des manifestations de ses supporters qui ont été violemment réprimées. Le bilan est lourd : 60 morts, des centaines de blessés, la dissolution du parti les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), dirigé par Ousmane Sonko. Le Sénégal compte près d’un millier de prisonniers politiques, sans compter le recul de la liberté de la presse avec des journalistes écroués.
Pour conjurer un échec qui s’annonçait, Macky Sall tentera différentes manœuvres allant jusqu’à reporter au dernier moment l’élection, déclenchant une désapprobation générale dans le pays et discréditant encore plus son camp.
Enfin la réception par Macky Sall au mois de mars 2023 de la dirigeante française d’extrême droite Marine Le Pen n’a évidemment pas rehaussé son image déjà bien dégradée au Sénégal.
La victoire de Faye
Les manigances de la majorité présidentielle ont eu l’effet inverse, elles ont rebuté une majorité de Sénégalais·es soucieux de préserver la démocratie et scandalisé·es par les violences. Preuve en est la cartographie électorale qui montre les bons scores de Bassirou Diomaye Faye dans les principaux centres urbains – ce qui n’est pas une surprise car les grandes villes du pays favorisent traditionnellement les candidats de l’opposition – mais aussi dans les campagnes. L’électorat rural, faisant exception à l’habitude d’un vote légitimiste favorisant le camp du président sortant, n’a pas permis à Faye de gagner l’élection présidentielle dès le premier tour. C’est une première dans l’histoire du Sénégal, démontrant l’ampleur de la mobilisation électorale pour un parti qui avait de faibles moyens et était en butte à la répression – ses deux dirigeants étaient encore en prison quelques jours avant l’ouverture officielle de la campagne. Le remplacement d’Ousmane Sonko, inéligible du fait de sa condamnation, par Faye, a remarquablement bien fonctionné d’autant que les deux dirigeants n’ont eu de cesse de souligner leur similarité avec le slogan « Ousmane moy Diomaye, Diomaye moy Ousmane » (Ousmane c’est Diomaye, Diomaye c’est Ousmane).
Cette victoire d’un camp uni face à un camp présidentiel divisé, affaibli par un bilan social et démocratique peu flatteur, s’inscrit aussi dans le cadre politique plus général qui caractérise une partie des pays d’Afrique de l’ouest.
Le Sénégal n’échappe pas à la volonté d’une affirmation de souveraineté. Plusieurs batailles politiques ont été menées contre la présence militaire française dans les différentes emprises à Ouakam, au port militaire et à l’aéroport militaire de Dakar, et à Rufisque où se situe la station d’écoute, contre l’implantation de grandes enseignes de la distribution française et pour la sortie du Franc CFA. Lors des manifestations en faveur d’Ousmane Sonko, les bâtiments d’entreprises françaises ont été la cible des manifestants. Si le Sénégal a connu une telle mobilisation « anti-française » c’est que Macky Sall est réputé pour être lié à la France. Alors que, sous le pouvoir d’Abdoulaye Wade, les entreprises françaises ont été souvent écartées au profit des chinoises ou des turques, elles sont revenues en force pour les grands travaux dans le cadre du Plan Sénégal émergent. Les multinationales ont eu la part belle, c’est le cas par exemple pour la construction de la ligne du TER confiée à un groupement d’entreprises composé d’Alstom, Engie et Thales, l’exploitation de la ligne étant réalisée par la SNCF et la RATP. Quant à la fourniture d’eau potable, ce sont deux entreprises françaises qui ont remporté le marché de la construction d’une station de traitement. Idem pour la gestion des terminaux du port de Dakar donnée à Necotrans et Bolloré. D’ailleurs le président français Emmanuel Macron ne s’y est pas trompé en proposant à Macky Sall une confortable retraite en pantouflant comme président du comité de suivi du « Pacte de Paris pour la planète et les peuples ».
La victoire électorale de Faye traduit la volonté de changement qui se décline avec l’affirmation d’un souverainisme, le refus d’un personnel politique corrompu et l’amélioration des conditions sociales et économiques. Dans d’autres pays africains, ces exigences, ou au moins une ou deux d’entre elles, apparaissent sous des formes différentes. Ainsi, au Mali et au Burkina Faso, les juntes s’affichent comme les meilleures défenseuses de la souveraineté du pays et parviennent à développer une base sociale en faveur de leur régime. Au Gabon, c’est un sentiment de soulagement qui s’est exprimé parmi les populations après le coup d’État qui a renversé la dynastie Bongo. Au Cameroun, c’est Maurice Kamto, un haut fonctionnaire qui est arrivé second à l’élection présidentielle de 2018 contre Paul Biya, au pouvoir depuis 42 ans. Idem en Ouganda où le rappeur Bobi Wine est le principal opposant et défie la dictature de Yoweri Museveni, vieille de plusieurs décennies. Au Tchad, le parti Les transformateurs – créé en 2019 par Succès Masra – initie la forte mobilisation contre la prise du pouvoir par le fils Déby. Succès Masra se ralliera plus tard au régime. La question ne porte pas, comme souvent on peut l’entendre à l’occasion des coups d’État, sur un rejet de la démocratie ; mais plutôt sur un rejet des dirigeants, qu’ils soient arrivés au pouvoir démocratiquement ou non. Ce rejet pouvant se traduire par des coups de forces ou des mobilisations électorales.
S’inscrire dans cette volonté et cette dynamique de changement souhaitées par les populations, notamment les plus jeunes, est important et la gauche sénégalaise ne s’y est pas trompée, à l’exception notable du Parti de l’indépendance et du Travail (PIT), le PC local. Il a préféré soutenir le camp présidentiel, jugeant les dirigeants du Pastef comme des intégristes religieux représentant une menace pour la démocratie au Sénégal. Une partie du PIT, autour de Comité pour la plateforme de réflexions (CPR) Dooleel PIT, s’est désolidarisée de cette analyse en soutenant la candidature de Faye.
Un programme politique très limité
Le Pastef a été fondé en 2014 par une cinquantaine de personnes, la plupart venant du Syndicat autonome des agents des impôts et domaines (SAID) créé et dirigé par Ousmane Sonko. Sa notoriété s’est établie au fur et à mesure qu’il critiquait la corruption, et sa radiation de la fonction publique lui a assuré un fort capital de sympathie notamment dans la jeunesse.
Les dirigeants du Pastef sont en grande partie des jeunes issus de la haute administration centrale, qui considèrent que le pays est mal dirigé, victime de la corruption, du népotisme et du copinage. D’où leur volonté de proposer des mesures qui permettent une meilleure gouvernance. Le programme présidentiel du Pastef est avant tout technocratique. C’est un ensemble de mesures administratives qui ne remettent nullement en cause les rapports de production et la bureaucratie étatique. Au niveau économique, le programme s’inscrit dans un cadre libéral. L’idée est que le redressement du pays se fera à partir d’une administration efficace et d’un patriotisme économique des dirigeants des entreprises. Cette croyance recèle une double illusion car entre profit et patriotisme le choix est rapidement fait, d’autant que la bourgeoisie sénégalaise est surtout issue du milieu commerçant.
De plus la plupart des grandes entreprises sénégalaises sont en fait détenues par des capitaux étrangers, souvent français. C’est le cas de Sonatel (télécommunications), Total, le Groupe Mimran (agroalimentaire), Sococim (ciment), TSE-SA (matériel et équipement), Sentel (télécommunication et réseaux), SDE (Sénégalaise des Eaux), Société Générale de Banque, DIPRO- Pharma Sénégal, Shell, Industries chimiques du Sénégal (contrôlé par le groupe indonésien Indorama basé à Singapour), Oilibya (produits pétroliers détenus par des capitaux libyens), Elton SA (détenu par des fonds d’investissement), SBG Sénégal (entreprise de construction à capitaux saoudiens), etc.
La promotion du patriotisme économique impliquerait que les grandes entreprises soient au moins sénégalaises, ce qui n’est pas du tout le cas : sur les vingt entreprises les plus importantes, six seulement appartiennent à des ressortissants sénégalais. Sur ces six, quatre sont des compagnies commerciales, donc sans création de valeur ajoutée. La seule solution résiderait dans une nationalisation des entreprises à capitaux étrangers, permettant au pouvoir public de disposer d’un levier pour orienter l’économie selon les décisions politiques. Mais une telle mesure n’est absolument pas prévue dans le programme du Pastef. Seul est proposé un État interventionniste dans le domaine économique et le développement « [d’] un secteur privé très fort en renforçant les capacités des entreprises et en développant des chaînes de valeur des produits miniers et pétroliers. » (4)
Sur la démocratie, les mesures sont prévues pour garantir l’État de droit, notamment sur la question de l’indépendance de la justice. Mais rien n’est avancé pour permettre un contrôle de la population sur le fonctionnement de l’État et encore moins sa participation à la gestion du pays. C’est à l’identique pour les droits des travailleurs, si ce n’est l’engagement de garantir le respect des conventions collectives dans les entreprises. Quant aux travailleurs du secteur informel, la seule proposition est de sensibiliser à l’intérêt de la formalisation du travail : « Nous mettrons en œuvre des programmes d’information, de sensibilisation et de formation des acteurs de l’informel sur la formalisation et ses multiples avantages : droit aux aides de l’État en période de crise, retraite, IPRES/CSS, mutuelle, congés payés, indemnités chômage, etc. » (5)
Prendre en compte toutes les luttes
Il y a une dichotomie entre le programme du Pastef et les mobilisations qui se sont déroulées dans le pays. Ainsi, sur la question de la présence militaire française au Sénégal et sur le franc CFA, aucune mesure n’est préconisée, pas plus que sur l’implantation des grandes enseignes commerciales françaises – même si ces problèmes sont évoqués lors des meetings.
Tout comme l’absence de prise en compte des aspirations des populations spécifiquement opprimées. On pense d’abord aux luttes des femmes pour leurs droits, notamment à l’avortement. L’absence de légalisation de l’IVG est une catastrophe pour le pays. De nombreux corps de nouveau-nés sont retrouvés dans les décharges publiques et 19 % des femmes détenues le sont pour infanticide 4 sans compter les avortements clandestins mettant en danger la santé voire la vie des femmes. Mais aussi aux luttes contre les discriminations et les violences. Pourtant les luttes féministes au Sénégal sont présentes. Dans les années 80, Yewwu Yewwi PLF (Pour la libération de la femme) a mené de nombreux combats contre le patriarcat, des revendications qui sont oubliées dans le programme du Pastef.
L’immigration importante de Sénégalais·es vers l’Europe n’est pas questionnée. Il ne s’agit pas seulement de raisons économiques et d’absence de perspectives. Les causes sont aussi à trouver dans les structures très hiérarchisées de la société qui donnent peu de place aux cadets au profit des ainés. Il existe un système discriminatoire lié à l’origine sociale comme le souligne Seydi Gassama, représentant d’Amnesty International Sénégal : « La discrimination basée sur les castes et l’ascendance constitue une grave atteinte aux droits et à la dignité humaine. Et les organisations de droits humains doivent s’engager plus vigoureusement en faveur de son éradication » 5 . Quant aux populations LGBTI+, elles sont stigmatisées et considérées comme une importation de l’Occident. Ce qui est factuellement faux comme en témoigne bien avant la colonisation l’existence des Goor-Jigeen, désignant aussi bien les hommes inversant leur genre que les hommes homosexuels. Ousmane Sonko se prononce pour de plus lourdes sanctions pénales contre ces populations, soutenant le combat du collectif And Samm Djikoyi, fer de lance de l’homophobie au Sénégal.
Il n’y a rien non plus sur les questions environnementales, si ce n’est un contrôle accru de l’exploitation du pétrole. En ne se départissant pas de sa vision technocratique libérale et profondément conservatrice sur les questions d’oppression, le Pastef ne pourra répondre aux attentes des populations.
Vers une gauche plus offensive
Le succès électoral du Pastef est lié à la volonté de tourner la page d’une série de gouvernements, du Parti socialiste d’abord, puis ensuite du PDS et APR, qui ont tous été incapables d’améliorer les conditions sociales et économiques des populations et ont tous été marqués par la corruption. Régler la question du chômage et améliorer le pouvoir d’achat sont les deux questions clefs. Si le programme du Pastef n’y répond pas – du moins directement – les discours et les prises de position lors de la campagne électorale, tant de Faye que de son mentor Ousmane Sonko, assurent qu’ils s’attaqueront à ces problèmes.
La gauche, bien que très affaiblie par la période Wade, a accompagné le combat et la victoire électorale. Des organisations comme Yoonu Askan Wi /Mouvement pour l’autonomie populaire, issu de And-Jëf, ont intégré le Pastef. L’erreur serait, sous prétexte de ne pas gêner les actions du nouveau président Faye, de mettre de côté les revendications sociales. D’autant que la gauche, marquée par son origine maoïste, peut être sensible à l’idée d’une union nationale contre l’impérialisme et favoriser la bourgeoisie nationale contre les multinationales occidentales en laissant de côté l’exploitation des travailleurs.
D’autres voix se font entendre comme le relate le journal Ferñent : « Pourtant il y a une gauche, certes minoritaire, au sein de Pastef, qui adopte jusqu’à présent un profil bas face à un courant réactionnaire s’appuyant sur le rouleau compresseur d’une réislamisation d’une société qui n’épargne pas la sphère publique. Cette gauche pourrait s’appuyer sur une jeunesse curieuse, connectée, mais vierge de la mémoire des luttes démocratiques et anti-impérialistes. Cette gauche doit relever la tête et entraîner cette jeunesse dans la lutte contre toute discrimination basée sur le sexe, l’appartenance religieuse, l’orientation sexuelle. Aucun compromis ne devrait être toléré dans la lutte contre le sexisme, l’homophobie, l’antisémitisme. Les résultats faibles d’un parti dont le guide est un chef religieux ainsi que l’impact faible des structures religieuses sur ces élections devraient conforter la gauche dans ce combat incontournable à moyen et à long terme. » 6
C’est à cette condition que la gauche pourra se reconstruire et être capable d’influencer l’expérience qui s’ouvre avec la victoire électorale de l’opposition.
Le 22 avril 2024
* Paul Martial est militant de la IVe Internationale, rédacteur régulier d’Inprecor et de l’Anticapitaliste et animateur du site Afriques en lutte.
- 1Le terme teranga, parfois écrit teraanga, est un emprunt au wolof qui peut se traduire par « hospitalité ». Cette notion de respect, d’hospitalité et d’accueil appartient à la culture du Sénégal.
- 2Banque Mondiale, Africa Pulse, Volume 29, avril 2024, p. 3.
- 3« La CMU réduit-elle les dépenses de santé des personnes vivant avec le VIH au Sénégal ? », 13 septembre 2021, The Conversation.
- 4« Au Sénégal, les ravages de la croisade anti-IVG », Coumba Kane, 28 avril 2022, Le Monde.
- 5 Seydi Gassama dénonce la discrimination basée sur les castes et l’ascendance », Agence de presse sénégalaise, 16 septembre 2021, allAfrica.
- 6Fernent, avril 2024, p. 18 in Afriques en lutte.