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Un scénario ouvert, rien n'est décidé

par Mario Unda
Guillermo Lasso, banquier, Opus Dei, premier président de droite depuis quatorze ans

Au-delà du soutien de la presse traditionnelle et des grands groupes commerciaux et de la bonne image que lui donne un sondage, le gouvernement de Guillermo Lasso (1) commence avec une certaine faiblesse politique, en raison de son origine

Que se passe-t-il en Equateur ? (Inprecor)

Lasso a accédé au second tour avec moins de 20 % des voix au premier tour et avec un avantage minime sur Yaku Pérez, candidat de Pachakutik - même si on laisse de côté le refus de décompte des voix, concerté entre le mouvement CREO (Creando Oportunidades), fondé par Lasso pour les élections de 2013, et le Parti social chrétien (PSC) ;

Plus de 60 % de ses voix lors du scrutin provenaient de personnes pour lesquelles ce n'était pas leur premier choix - il ne s'agissait pas d'une adhésion à ses propositions, mais d'un rejet de la candidature de Correa. On ne peut donc pas considérer comme acquis que ses électeurs soutiendront toute mesure prise par le gouvernement de Lasso.

Et aussi une certaine faiblesse parlementaire. Le bloc législatif de son parti CREO ne compte que 12 députés sur 137.

Pour surmonter cette difficulté, il a d'abord mis en place une alliance surprise comprenant le PSC et l'Union pour l'espoir (UNES), nom adopté par l'alliance corréiste (2) pour les élections de 2021. Mais le gouvernement a rompu l'accord le jour même de l'installation de l'Assemblée pour former une autre alliance, cette fois avec les soi-disant " indépendants », mais aussi Pachakutik et la Gauche démocratique, qui a réussi de justesse à obtenir la direction de l'Assemblée nationale, après qu'aucune force n'a pu obtenir la majorité le premier jour.

Cet épisode permet également de montrer que le gouvernement a pris l'initiative politique et semble prêt à contester l'hégémonie de la droite au Parti social-chrétien, qui la détient depuis le " retour à la démocratie » en 1979… Un différend dont il faudra voir comment il se résout.

Grâce au pouvoir d'attraction clientéliste qu'ont les gouvernements (encore plus dans un scénario de fragmentation politique comme celui que nous vivons), Lasso a coopté d'abord les députés des petits partis locaux et ensuite ceux qui se sont désaffiliés d'autres partis politiques, constituant avec eux le groupe parlementaire d'Entente nationale (BAN), où 4 anciens sociaux-chrétiens, 2 anciens de la Gauche démocratique (ID) de tendance social-démocrate et un ancien Pachakutik ont été intégrés le mois dernier. Comptant 26 députés, c'est actuellement le deuxième groupe le plus important, mais il est encore loin de la majorité, même si l'on peut penser que les désaffiliations ne sont pas terminées et qu'elles pourraient se poursuivre tout au long de la période.

L'accord avec lequel les autorités de l'Assemblée ont été nommées est également précaire : maintenant la Gauche démocratique a 16 députés et Pachakutik en a 26. Comme ensemble avec le BAN ils en ont juste assez pour obtenir une majorité, chaque vote pourrait les mettre au bord de la défaite.

Lorsqu'il s'agira de faire passer des lois, le gouvernement devra se tourner vers d'autres groupes parlementaires : il y aura toujours un doute qu'il parvienne ou non à obtenir une majorité, avec qui et à quel prix.

Pour l'instant, cette alliance s'est maintenue, malgré quelques revers, comme la perte de la présidence de la stratégique commission économique, revenue à une députée de Pachakutik, en accord avec le PSC et l'UNES. Mais le véritable test de sa stabilité viendra avec les projets de loi qui intéressent réellement le programme néolibéral du gouvernement et qui n'ont pas encore été envoyés à l'Assemblée.

Politique économique

La politique économique de Lasso n'offre aucune nouveauté. Elle repose sur l'application de la lettre d'intention que le gouvernement Moreno (2017-2021) a signée avec le FMI et dont l'application - bien que partielle - a été le déclencheur des manifestations massives d'octobre 2019.

Il s'agit notamment de maintenir le mécanisme d'augmentation mensuelle des prix de l'essence, introduit par le régime profitant de la situation créée par la pandémie. Une réforme du travail annoncée vise à étendre la précarisation de la main-d'œuvre déjà entamée avec l'hypocrite " loi sur l'aide humanitaire » approuvée par Moreno : étendre les contrats à temps partiel, faciliter les contrats temporaires et rendre les licenciements moins coûteux, ce qui réduira généralement le coût de la main-d'œuvre.

Il est également proposé d'accentuer l'ouverture commerciale, en commençant par un accord avec le Mexique comme porte d'entrée dans l'Alliance du Pacifique et en ayant à l'ordre du jour des accords avec les États-Unis, la Chine et la Corée du Sud, entre autres.

Les privatisations, grâce auxquelles le nouveau gouvernement espère attirer les investissements étrangers, figurent également en tête de liste : il s'agit de privatiser les raffineries, un port pour la distribution de carburant, les autoroutes, la compagnie téléphonique d'État (l'une des entreprises équatoriennes ayant le chiffre d'affaires annuel le plus élevé), la deuxième banque du pays actuellement en mains publiques et probablement les centrales hydroélectriques.

Si les privatisations permettent d'augmenter les ressources dans un premier temps, à moyen terme elles entraîneront une baisse significative, en se débarrassant des entreprises qui ont une forte rentabilité. Le gouvernement aura donc besoin de sources de financement. Peut-être la réforme fiscale annoncée apportera-t-elle quelque chose, en fonction de l'augmentation du recensement des contribuables : on parle d'une augmentation de la TVA et le ministre des finances a déjà dit que ceux qui gagnent plus de 500 dollars par mois devront faire un plus grand effort - dans un pays où le salaire minimum est de 400 dollars et où le coût du panier alimentaire de base dépasse 700 dollars par mois. On s'attend à ce que des montants plus importants proviennent d'un approfondissement agressif de l'extractivisme pétrolier et minier et d'une nouvelle dette extérieure, accentuant le caractère dépendant de l'économie équatorienne.

Avec une telle politique économique, un conflit social peut éclater à tout moment. Pour l'empêcher, le gouvernement vise trois directions : une renégociation avec le FMI (dont il a déjà été dit qu'elle ne modifiera pas les mesures, mais seulement le rythme de leur mise en œuvre, dans le but de différer les protestations sociales prévisibles), les politiques sociales et la " gouvernance ».

Politiques sociales

Avec ses politiques sociales annoncées, le gouvernement espère contrecarrer le mécontentement populaire. La ministre de l'inclusion sociale a annoncé la création du bon d'achat dit " Bono Prospera » - en plus de ceux maintenus par le gouvernement précédent, qui touchent 1 400 000 familles, mais pour lesquels il n'y aurait de financement que jusqu'en octobre. Le nouveau bon d'achat couvrirait 400 000 familles, mais ni son montant ni son fonctionnement n'ont encore été annoncés.

Il a également proposé de fournir gratuitement 200 000 logements à la campagne et de " promouvoir la construction » de 500 000 autres dans les zones urbaines ; cela signifierait la construction de 175 000 logements par an, dans l'idée d'harmoniser " rentabilité et solidarité sociale ». Dans le même ordre d'idées, Lasso a demandé publiquement aux banques de s'engager dans une ligne de microcrédit à un taux d'intérêt de 1 % et à échéances plus longues. Les coopératives d'épargne et de crédit et les institutions de financement populaire ont fait part de leur volonté de le faire, mais on attend toujours une réponse des banques de l'Asobancos (Association des banques privées de l'Équateur), qui sont restées prudemment silencieuses. Cependant, un ancien directeur général de banque a ajouté sa voix à l'idée, notant que tout ce qui est nécessaire est que le ministre des finances rencontre les propriétaires de banques. Pour l'heure, le ministre de l'agriculture a réaffirmé que les petits agriculteurs recevront des prêts à un taux d'intérêt de 1 % d'une durée de 30 ans et Lasso lui-même a déclaré qu'à cette fin sera affecté " au moins un milliard de dollars ».

La mesure de politique sociale la plus médiatisée a sans doute été l'offre de vacciner 9 millions de personnes au cours des 100 premiers jours du gouvernement. Selon les données officielles, 2,7 millions de personnes [sur une population de 17 millions] ont déjà reçu au moins une dose, et le ministre de la Santé a annoncé que 6 millions de doses du nouveau vaccin chinois CanSino sont attendues. Pendant ce temps, la situation dans les hôpitaux reste dramatique, sans fournitures ni médicaments pour traiter les patients Covid… ni les autres malades hospitalisés.

En ce qui concerne les salaires, le ministre du Travail a assuré que l'offre de la campagne électorale d'augmenter le salaire minimum à 500 dollars par mois sera réalisée… tout en précisant que cela se fera progressivement au cours des 4 années de gouvernement.

Il reste à voir lesquelles de ces politiques seront mises en œuvre, mais il est clair qu'elles dépendent de l'argent que le gouvernement est capable de mobiliser et de l'impact social des politiques économiques. Comme on l'a déjà observé sous le gouvernement Moreno, les politiques économiques néolibérales peuvent liquider les prétentions de la politique sociale en raison des effets désastreux qu'elles ont sur les conditions de vie de la majorité de la population. Mais, d'un autre côté, il est clair qu'ils dépendront également d'un autre facteur : l'existence d'accords politiques entre les groupes de pouvoir économique, qui se sont généralement montrés très réticents à toute mesure même légèrement redistributive. Cet aspect aura beaucoup de poids, notamment dans les offres de microcrédit et d'augmentation des salaires.

La " gouvernance » et les forces armées

La faiblesse relative avec laquelle le gouvernement a commencé son mandat met en évidence les préoccupations concernant la " gouvernance » et la légitimité sociale. Le gouvernement a mis en circulation un discours qui vise à gagner l'acceptation d'une majorité de la population, en profitant de l'énorme consensus qu'il a obtenu parmi les classes dominantes et dans de larges secteurs des couches moyennes, ainsi que de l'esprit d'attente qui règne habituellement dans la population pendant les premiers mois.

D'une part, il cherche à se légitimer au sein de l'environnement anti-Correa qui lui a permis de triompher au second tour : il a décrété un " code éthique » comme remède supposé à la corruption, mais qui semble surtout destiné à préserver les " secrets d'État » ; il a annoncé qu'il allait vendre les médias publics qui étaient aux mains de l'État depuis la crise bancaire de 1999-2000 et a assuré qu'il abandonnait le contrôle des médias, qui seront désormais " autorégulés », et que dorénavant les chaînes nationales ne seront plus à ses ordres.

D'autre part, il fait l'éloge d'un discours sur les droits et l'inclusion, promettant de mettre fin à la violence de genre : " La lutte pour l'égalité des genres n'est pas seulement une question de femmes. C'est un problème national. Un problème équatorien qui doit être traité par le gouvernement », a déclaré Lasso dans son discours d'investiture le 24 mai. Auparavant, il avait déjà promis de respecter l'arrêt de la Cour constitutionnelle qui dépénalisait l'avortement en cas de grossesse causée par un viol. La nouvelle secrétaire aux droits de l'homme a annoncé la création d'un sous-secrétariat au service de la population LGBTIQ+, notamment dans les domaines de la santé, de l'éducation et des services judiciaires, ainsi que de centres de soins ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour fournir des soins complets aux femmes victimes de violences de genre. Le gouvernement s'engage, a-t-elle dit, à " éradiquer toutes les formes de discrimination et de violence ».

Un clin d'œil a également été fait à l'écologie : Lasso a annoncé que le nom du ministère de l'Environnement et de l'Eau sera changé en ministère de l'Environnement, de l'Eau et de la Transition écologique. " La transition écologique n'est pas un frein au développement », assure-t-il. " Aller vers des formes de production circulaires, inépuisables, voire régénérantes, c'est la croissance grâce aux industries propres, connectées aux nouvelles technologies ». Le " capitalisme vert » commence à faire son chemin et se heurtera sûrement à la résistance à l'extractivisme.

Le même objectif est poursuivi par les annonces mentionnées concernant la vaccination, le logement et le microcrédit. La première s'adresse à la population générale, qui en a assez de la mauvaise gestion de la pandémie par le gouvernement Moreno. Les deux autres s'adressent à un large secteur des classes subalternes, composé de petits propriétaires terriens, généralement spoliés par le grand capital, et désormais soumis au risque de disparition par la pandémie.

L'accent mis sur les campagnes est sûrement dicté par le haut niveau de conflit qui s'est manifesté ouvertement en octobre 2019. Il est complété par la création du Secrétariat de gestion et de développement des peuples et nationalités, dont la direction a été confiée à Luis Pachala, un indigène qui était déjà député de la province de Bolivar pour le mouvement CREO dans la période 2017-2021, mais qui n'a pas réussi à se faire réélire lors de ces dernières élections. Il n'est pas novice en la matière : en 2003, sous le gouvernement de Lucio Gutiérrez, il a fondé la Fedepicne, une organisation qui cherchait à " briser le monopole de la Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur (CONAIE) et de Pachakutik ». Il aura le rang de ministre. Pendant ce temps, des secteurs liés au Conseil des peuples et organisations indigènes évangéliques de l'Équateur (FEINE) ont remis à Lasso le bâton de commandement, lors d'une cérémonie qui s'est tenue à Colta, dans la province de Chimborazo, un acte qui a été répété presque immédiatement à Tamboloma, dans la province de Tungurahua.

La nouvelle réforme du travail vise à créer les conditions pour " normaliser » la surexploitation du travail, mais aussi fragmenter la classe ouvrière et creuser le fossé entre les salariés stables et le secteur le plus précaire. Puisque " rien n'est plus précaire que de ne pas avoir d'emploi », offrir des emplois précaires peut sembler acceptable pour ceux qui sont au chômage ou sous-employés. Et sera sûrement en phase avec la mentalité des classes moyennes qui ont adhéré au discours néolibéral.

Les pourparlers avec les transporteurs constituent un élément important de cette même stratégie, surtout après les événements de 2019. Lors des premières négociations, les transporteurs ont fait savoir qu'ils étaient prêts à accepter que l'essence continue à augmenter chaque mois en échange d'une subvention ciblée et de l'augmentation des tarifs.

Tout cela vise à désactiver préventivement les protestations sociales et à créer les conditions pour diviser l'éventuel bloc populaire de lutte contre les politiques du FMI.

Mais au cas où cela ne se passerait pas ainsi, la répression se prépare déjà. Lasso a annoncé qu'il allait renforcer les forces armées pour qu'elles agissent en matière de contrôle interne, sous prétexte de la présence de mafias de micro-trafic de drogues. Et lors de la cérémonie de renouvellement du haut commandement militaire, il a affirmé sans équivoque : " Il n'y aura aucune tolérance pour les groupes qui agissent en dehors du cadre institutionnel et cherchent à déstabiliser le pays par l'anarchie. Nous misons sur la paix sociale et la tranquillité des citoyens ». Il a de plus qualifié de " performance héroïque » la répression sauvage déclenchée en octobre 2019, qui a fait une douzaine de morts, plus d'un millier de blessés, plus d'un millier d'arrestations et plusieurs procès criminels contre des manifestants et des leaders sociaux.

Et la gauche ?

Dans cette marche-là, la gauche n'est pas encore partie du bon pied. Le conflit sur la représentation politique du peuple a été évident lors des élections de février et d'avril. Le corréisme ne peut plus se targuer d'être le représentant exclusif des secteurs populaires - il perd des voix depuis 2013 jusqu'à aujourd'hui. De plus, le comportement de la gauche parlementaire au cours des dernières semaines est loin de l'image qu'elle veut donner d'elle-même : disposant du plus grand groupe parlementaire (mais loin de lui garantir une majorité comme elle en avait l'habitude pendant les 10 ans de corréisme), elle a choisi de s'allier avec la droite pour capter les postes de direction à l'Assemblée nationale. Mais l'alliance a échoué parce que CREO a débarqué avant d'appareiller. Jusqu'à présent, les bancs de l'UNES et du PSC continuent d'agir en accord ; il reste à voir s'ils le feront lorsque le travail législatif devra aborder des questions politiques centrales. Le corréisme entend se présenter comme la seule opposition aux mesures néolibérales qui seront prises par le nouveau gouvernement et, à partir de là, récupérer des positions politiques. Mais il sait que, pour ce faire, il devra se débarrasser de Pachakutik et des mouvements sociaux, notamment de la CONAIE (3) et du Front uni des travailleurs (4), ce qui explique le déluge d'attaques qu'il a dirigé contre eux.

Un secteur significatif des classes subalternes a fait savoir qu'il était à la recherche d'une nouvelle représentation politique. Cette recherche a rencontré Pachakutik, alors que Pachakutik ne semble pas avoir été suffisamment préparé pour y répondre. Il a commencé par établir un accord avec la Gauche démocratique (ID), mais ne semble pas avoir eu une stratégie d'action et d'alliances bien définie, sous la pression d'intérêts locaux et particuliers. Enfin, de concert avec l'ID, il a choisi d'établir un accord avec CREO et son satellite BAN (Bancada del Acuerdo Nacional, le groupe parlementaire qui répond aux intérêts du gouvernement Lasso). Ils ont ainsi franchi une étape symbolique importante en élisant à la présidence de l'Assemblée Guadalupe Llori, une femme amazonienne persécutée depuis le début du corréisme ; mais Llori et d'autres membres de l'Assemblée se sont laissés emporter à divers moments par le discours de la " gouvernance ». Il est trop tôt pour en tirer des conclusions, car jusqu'à présent, il n'a été question que de la directive de l'Assemblée et de la conformité des commissions législatives. En tout cas, le test viendra pour Pachakutik avec les projets de loi que Lasso enverra pour rendre viable la mise en œuvre de sa proposition néolibérale.

En ce moment, les organisations sociales semblent être dans une période attentiste. La CONAIE a organisé quelques mobilisations dans les provinces d'Imbabura et de Cotopaxi qui, bien qu'elles n'aient pas rassemblé un très grand nombre de participants, ont été importantes pour établir leur prédisposition à se mobiliser. Le même sort a été réservé aux actions entreprises par la FUT. En outre, la CONAIE est sur le point de tenir son congrès, au cours duquel son Conseil de direction doit être renouvelé.

Dans ces conditions, les tâches à venir continuent de tourner autour du renforcement des organisations sociales, de la recherche d'espaces concrets d'unité entre les principales organisations du mouvement populaire et entre celles-ci et les représentations politiques. Il faut maintenir le contact entre les organisations sociales et politiques et cet important segment du peuple qui cherche de nouvelles formes de représentation, au-delà du corréisme et de la droite. C'est pourquoi il est urgent de prendre des mesures formelles dans la construction d'un espace politique et programmatique qui ne s'arrête pas à la polarisation entre populisme et néolibéralisme.

C'est un scénario ouvert, et peut-être pas le meilleur de tous, mais rien n'a été décidé et tout dépendra de ce qui sera fait à partir de maintenant.

Quito, le 15 juin 2021

Mario Unda, sociologue, est militant du mouvement populaire urbain et du Movimiento revolucionario de los trabajadores (MRT, Mouvement révolutionnaire des travailleurs, une organisation marxiste révolutionnaire proche de la IVe Internationale en Équateur).
Cet article a été d'abord publié le 17 juin 2021 par Correspondencia de Prensa : https://correspondenciadeprensa.com/?p=18981
(Traduit de l'espagnol par JM).

notes

Que se passe-t-il en Equateur ? (Inprecor)

2019

17,3 millions d'habitants. La communauté indigène représente le quart de la population. Elle est essentiellement pauvre est composée d'agriculteurs.

Les principales ressources du pays sont l'exportation des bananes, des crevettes, des fleurs et le tourisme. L'Equateur détient probablement le deuxième plus grand gisement mondial d'or, il sera mis en exploitation en 2024. Gisements d'argent.

L'Equateur se retire de l'Opep.

En août, manifestations de femmes pour la dépénalisation d l'avorement. Le code prévoit trois de prison en cas d'avortement.

En octobre, la communauté indigène se mobilise contre un décret du gouvernement de Lenin Moreno qui provoque plus que le doublement des prix des carburants. Ce décret est pris sur injonction du FMI en échange d'un prêt de 4,2 milliards de dollars. des foules immenses protestent dans les principales villes. Le pays est paralysé pendant 12 jours et les affrontements font 7 morts et 1.300 blessés. L'État d'urgence est décrété. Les champs pétroliers sont occupés.

Le mouvement est dirigé par la Conaie (Confédération des nationalités indigènes de l'Equateur).

Le 13 octobre, le gouvernement, après avoir déplacé son siège à Guayaquil, recule et renonce à sa mesure d'austérité.

2020

Baisse du PIB de 7,8 %. Dette globale de 63 % du PIB

Nemonte Nemquimo, 34 ans, de la communauté de 4.000 Huaorani qui vit en autonomie au coeur de la forêt amazonienne, prend la tête d'un vaste mouvement citoyen pour empêcher les compagnies pétrolières comme l'européenne Shell ou l'américaine Chevron corporation de pomper le sol et de détruire l'environnement. Après des mois de combat, la chef de village remporte une victoire historique devant les tribunaux. Le conseil qu'elle préside a obligé le gouvernement équatorien à exclure son territoire d'un futur appel d'offre pétrolier.

En février, terrible flambée de la pandémie. Les services hospitaliers sont débordés.

L'économie est à l'arrêt et les habitants tentent de s'en sortir en transformant leurs habitudes de vie.

2021

17,5 millions d'habitants. 70 % de catholiques.

15.000 morts du COVID.

Le 7 février, élection présidentielle. Pour succéder à Lenin Moreno, l'économiste Andres Arauz, dauphin de Corrèa, affronte l'ancien banquier Guillermo Lasso. Le candidat du parti indien Pachakutik, Yaku Perez, arrive en troisième position et conteste les résultats.

L'avortement est dépénalisé en cas de viol. En Équateur, six mineures en moyenne avortent chaque jour et 80% des grossesses des filles de moins de 14 ans sont dues à la violence sexuelle. 2500 de ces mineures accouchent chaque année dans le pays.

Le 11 avril, lors du deuxième tour des élections présidentielles, Guillermo Lasso (52,4 %), le candidat de la droite, a devancé Andres Arauz (47,6 %), le candidat soutenu par Rafael Correa et une partie de la gauche.

Premier président de droite depuis quatorze ans, Lasso a été élu grâce à la division de la gauche car une partie importante de celle-ci, qui a perdu toute confiance dans Rafael Correa, a appelé à voter nul. Il est soutenu par Bolsonaro.

Lasso est membre de l'organisation catholique ultra-conservatrice Opus Dei.

1. Lors du premier tour de l'élection présidentielle, le 7 février 2021, à laquelle le président sortant, Lenín Moreno, très impopulaire après avoir adopté un tournant néolibéral et conservateur et affronté un mouvement de masse en 2019, ne se représentait pas, quatre principaux candidats s'affrontaient :

- l'économiste Andres Arauz, dauphin de l'ancien président Rafael Correa (de 2007 à 2017, il vit en Belgique depuis), candidat " corréiste » de l'Union pour l'espérance (UNES), a obtenu 32,72 % des suffrages exprimés ;

- l'ancien banquier Guillermo Lasso, membre de l'Opus Dei, néolibéral conservateur, candidat du Mouvement CREO et du Parti social-chrétien (PSC), a obtenu 19,74 % ;

- Yaku Pérez, avocat, le candidat du parti indien écologiste de gauche Pachakutik, branche politique de la Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur (CONAIE) regroupant des organisations de l'Amazonie équatorienne depuis 1986, opposé à la politique extractiviste de Rafael Correa et de Lenín Moreno, a obtenu 19,39 % (il a dénoncé des fraudes dans un contexte de dépouillement marqué par un nombre important de procès-verbaux litigieux) ;

- Xavier Hervas, chef d'entreprise, candidat du Parti de la gauche démocratique (ID, membre de l'International socialiste), centriste social-libéral, a obtenu 15,68 %.

Au second tour, le 11 avril 2021, Hervas s'est rallié à Lasso alors que Yaku Perez a appelé à voter blanc ou nul (près de 600 000 votes blancs ou nuls de plus au second tour), Guillermo Lasso (52,4 %), le candidat de la droite, a devancé Andres Arauz (47,6 %).

2. Pour une analyse du courant de Rafael Correa et de son évolution, voir : Patrick Guillaudat et Pierre Mouterde, " Présidence de Correa, d'implacables leçons pour la gauche ? », Inprecor n° 629/630 de juillet-août 2016 ; Éric Toussaint, " De Rafael Correa à Guillermo Lasso en passant par Lenín Moreno », Inprecor n° 683/684 de mars-avril 2021.

3. La Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur (CONAIE) a été créée en 1986 par le regroupement des organisations de l'Amazonie équatorienne (appelée l'Orient en Équateur), des Quechuas de la Sierra et des Indigènes et Noirs du littoral. En 1990 la CONAIE a organisé un très grand soulèvement, entrant ainsi sur la scène politique et ouvrant une décennie de luttes qui aboutiront à la révision de la Constitution en 1998, reconnaissant l'existence des peuples et nationalités indigènes et afroéquatoriens, ainsi que les circonscriptions territoriales indigènes.

4. Le Front unitaire des travailleurs (FUT) a été formé en 1980 par le regroupement des principales centrales syndicales, qui ont préservé leurs structures.

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