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Ouvriers et bureaucrates (II)

Une fracture irréversible de l'État ouvrier

C'est alors qu'une crise ouverte a éclaté dans les rapports entre le parti bolchevik et le pouvoir soviétique d'un côté, et la classe ouvrière - celle qui a survécu en tant que classe - de l'autre. Ses causes, et surtout son élan, son caractère dramatique et ses lourdes conséquences ne peuvent être pleinement appréhendés qu'aujourd'hui, à la lumière des sources indisponibles avant l'effondrement de l'URSS et des travaux des historiens qui s'en inspirent.

Sergueï Pavlioutchenkov constate : " L'histoire de la guerre civile témoigne du fait qu'après avoir fait brièvement connaissance de la contre-révolution bourgeoise-latifundiste, les paysans ont fait un choix tout à fait sans ambiguïté en faveur de l'État soviétique ». Cela s'est finalement produit à la fin de 1919. " Des millions de paysans ont assuré la victoire des bolcheviks dans la guerre civile, mais il est vite apparu que ces derniers ont surestimé le degré de leur soutien. L'alliance militaire n'est pas devenue une alliance économique, et ce n'est pas la paysannerie qui est à blâmer » (3). L'alliance économique était impossible sans que l'État n'abandonne la dure " dictature en matière d'approvisionnement » exercée sur la paysannerie - sans remplacer la réquisition des céréales, qui était l'une des bases du " communisme de guerre » (4), par un impôt en nature beaucoup plus faible et le rétablissement de l'échange marchand. Dès mars 1920, un tel virage fut préconisé par Léon Trotski, mais à l'époque Lénine y a réagi avec hostilité, l'accusant, ni plus ni moins, de préconiser un libre-échangisme (5).

Le retard pris par l'abandon du " communisme de guerre » - une année entière - a eu des conséquences désastreuses car, épuisées par les réquisitions, les masses paysannes se sont retournées contre leur allié. De plus, il y avait une forte division entre " les bas et les hauts » dans le parti lui-même. Dès l'été 1920, Evgueni Preobrajenski, alors secrétaire du Comité central du Parti communiste (bolchevik) de Russie (PC(b)R), a alerté Lénine et la direction du parti sur l'insurrection antibolchevik qui avait été déclenchée dans la province [goubernia] de Samara par une division de cavalerie de l'Armée rouge dirigée par Alexandre Sapojkov. " L'écrasante majorité des dirigeants du soulèvement, ce sont des communistes », écrivait-il. " En dehors des slogans koulaks et antisémites, le soulèvement de Sapojkov met en avant les mêmes revendications qui unissent les dites bases de notre parti dans la lutte contre les sommets lors d'innombrables conférences et au sein de presque toutes les organisations du PC(b)R ("à bas les pseudo-communistes embourgeoisés - généraux, roublards, bureaucrates du parti", "à bas la caste privilégiée du sommet communiste"). On peut affirmer que ces mots d'ordre bénéficient de la sympathie d'une grande partie des membres de base de notre parti et que la division dans nos rangs selon ces lignes s'accroît chaque jour. À Moscou même, parmi les communistes qui travaillent sur le terrain, le terme "kremlinois" est prononcé avec hostilité et mépris » (6).

Cette vision était exagérée. Le dirigeant menchevik Iouli Martov a émigré de Russie à l'automne 1920. Il écrivait à son camarade Pavel Axelrod que le soutien aux bolcheviks parmi le prolétariat était encore beaucoup plus important que ne le pensaient les mencheviks émigrés : " Vous avez du mal à imaginer à quel point à une époque récente (avant mon départ) parmi la masse considérable des ouvrières moscovites travaillant dans les usines et les ateliers artisanaux, il y avait un véritable fanatisme bolchevik combiné avec l'adoration de Lénine et de Trotski et une haine terroriste contre nous. (...) Par conséquent, les mots que l'on trouve souvent dans les lettres de ces ouvrières publiées dans la Pravda ne sont pas un cliché : "Ce n'est qu'après la révolution d'Octobre que nous les ouvrières avons pu voir le monde". Malgré les déceptions ultérieures, ces femmes restent sous l'impression très forte de la lune de miel bolchevik. Pour la même raison, la jeunesse ouvrière débutante est avec les bolcheviks. » (7)

Dans de nombreuses régions, les paysans ont déclaré au pouvoir bolchevik une guerre (8) à laquelle il était impossible de faire face par des moyens militaires, d'autant plus que l'Armée rouge était principalement composée de paysans. " Au début de 1921, les humeurs dans l'armée se confondaient avec celles de la population rurale de Russie. Pendant un certain temps, les bolcheviks avaient perdu l'armée » (9), même s'ils avaient à la campagne un allié sérieux mais largement sous-estimé : la jeunesse hostile au patriarcat et rejoignant le Komsomol (10). Avec littéralement le couteau sur la gorge, ils ont étouffé la guerre des paysans par un virage brutal et désespéré, passant du " communisme de guerre » à la Nouvelle politique économique (NEP). Mais avant que cela ne se produise, le Xe congrès du PC(b)R, qui a adopté en mars 1921 le passage à la NEP, a coïncidé avec une mutinerie antibolchevik des marins de la flotte de la Baltique dans la forteresse de Kronstadt, stratégiquement très importante - elle défendait l'accès par la mer à Petrograd, toute proche.

Cette révolte est liée à un événement inconnu mais politiquement très important, qui a été révélé par Pavlioutchenkov à la suite de ses recherches dans les archives post-soviétiques. Lors d'une discussion animée sur les syndicats qui a eu lieu avant le Xe Congrès dans les sommets du parti, Lénine, qui dirigeait avec Grigori Zinoviev la fraction dite des " Dix », a durement attaqué Trotski. Le prestige de Trotski après la victoire de l'Armée rouge dans la guerre civile était si grand que dans la société et dans le parti lui-même ce dernier a commencé à être appelé " le parti de Lénine et de Trotski ». Au cours de son conflit avec Lénine sur le rôle et les tâches des syndicats, Trotski " a commencé à soutenir activement l'idée de la démocratie ouvrière » (11), constate Pavlioutchenkov. La tactique de la lutte fractionnelle de Lénine contre Trotski consistait à écarter des postes dirigeants du parti et de l'État les militants qui lui étaient proches. C'est ce qui a été fait à Kronstadt (12).

Gouvernant à Petrograd, " les zinoviévistes, avec le soutien total des cellules communistes de la flotte de la Baltique, ont littéralement écrasé le commandement et les organes politiques de la flotte » et ont en particulier écarté des postes dirigeants Fyodor Raskolnikov et Ernest Batis qui s'étaient rangés " du côté de Trotski, ce qui a eu pour effet d'intensifier les sentiments d'opposition et d'anarchie parmi les marins et a finalement conduit à la célèbre mutinerie. Les partisans de Trotski accusaient les partisans des "Dix" de faire renaître dans la flotte la "comitardise" ». La commission d'enquête de la Tchéka a constaté qu'" un rôle important dans le développement des événements », c'est-à-dire dans ce qui a conduit à la mutinerie, " a été joué par l'incroyable confusion » qui, après l'élimination du commandement précédent, a prévalu " parmi les dirigeants de l'organisation [du parti] de Kronstadt et les commissaires de la flotte de la Baltique et de la forteresse de Kronstadt. » Selon Pavlioutchenkov, " il ne sera pas exagéré de dire que Zinoviev a bricolé "Kronstadt" de ses propres mains » (13).

Parallèlement, " la crise des combustibles, qui s'est développée avec une force incroyable, a brisé les programmes de reconstruction de la métallurgie et du textile ». Elle a été provoquée avant tout par la " structure organisationnelle défectueuse » du système de gestion, qui " était un résidu» de l'économie du " communisme de guerre » (14). À Petrograd des dizaines et peut-être même une centaine d'usines ont été fermées, dont les géants comme Poutilov, et des grèves ouvrières ont éclaté, mais elles ne se sont pas associées à la révolte de Kronstadt. Les recherches approfondies et étendues menées après l'ouverture des archives par Sergueï Iarov montrent que la révolte ne bénéficiait que d'un faible soutien parmi les ouvriers de Petrograd et que des sentiments allant de l'indifférence à l'hostilité prévalaient, tandis que son écrasement était massivement salué par les ouvriers (15).

Le pouvoir dans la ville était déjà dans les mains de la bureaucratie ouvrière qui se formait rapidement. La moitié des membres de l'organisation de la ville du parti bolchevik étaient d'origine ouvrière, mais moins d'un sixième travaillaient toujours comme ouvriers, et parmi les délégués au conseil de Petrograd les premiers constituaient la majorité, tandis que les seconds moins d'un dixième. Moïsseï Kharitonov, membre du comité municipal du PC(b)R, disait que les ouvriers d'origine " sont devenus de mauvais fonctionnaires et bureaucrates soviétiques, abusant souvent de leur pouvoir et de leur position pas moins (ou pas mieux) que ne le faisaient les vieux fonctionnaires et bureaucrates tsaristes » (16). Bien que Lénine ait admis que " notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique » (17), il n'a pas développée ni affermi cette thèse, formulée visiblement ad hoc dans sa polémique avec Trotski.

Alexandre Chliapnikov, militant bolchevik ayant 20 ans d'expérience au sein du parti, leader des bolcheviks de Petrograd pendant la Révolution de février et président du syndicat des métallurgistes, qui a joué un rôle majeur dans la révolution et la création de l'État soviétique, avait des années d'expérience de travail dans les usines d'Europe occidentale et d'activité dans des organisations syndicales de plusieurs pays. Il a poussé à la reconstruction du mouvement syndical russe sur le modèle du syndicat des métallurgistes - en remplaçant les syndicats traditionnels de métier par des syndicats modernes d'industrie, appelés en Russie syndicats de production. Sa pensée très indépendante et en même temps théoriquement fondée s'articulait alors obstinément autour de quatre idées entrelacées.

Premièrement, il était convaincu que pour que le pouvoir soit ouvrier, il devait être exercé par la classe ouvrière et non par le parti bolchevik à sa place ; il devait donc s'agir de démocratie ouvrière et non de dictature du parti. Deuxièmement, que cette classe n'exercerait pas le pouvoir politique, ou ne le conserverait pas, si elle ne s'emparait pas du pouvoir économique dans l'industrie nationalisée, si ce pouvoir revenait donc à des " appareils soviétiques, détachés de l'activité économique et productive immédiate et vivante et, de plus, mixtes du point de vue de leur composition sociale » et non à " des organes de classe du point de vue de leur composition, liés à la production directement, de façon vivante, c'est-à-dire à des syndicats » (18). Troisièmement, que les " spécialistes bourgeois » dans l'industrie - où les ouvriers ont une connaissance considérable des procès de production - étaient indispensables, mais pas dans la même mesure que les " spécialistes bourgeois » dans l'armée, où les masses de soldats de conscription n'ont aucune idée de l'art de la guerre. Quatrièmement, que seule l'auto-organisation ouvrière permettrait aux producteurs immédiats de soumettre à eux-mêmes les procès de travail et les forces productives hérités du capitalisme et, au moyen de l'auto-activité et de l'auto-initiative collectives, de les transformer et d'en développer de nouveaux afin qu'ils deviennent la base matérielle de la construction d'une société sans classes (19).

En mars 1919, Lénine a assuré lors du VIIIe Congrès du PC(b)R que " nous sommes passés du contrôle ouvrier à la gestion ouvrière de l'industrie, ou du moins nous en sommes tout près » (20). Cela pouvait être apparent, car " au cours de toutes les années du "communisme de guerre", le pouvoir réel dans les entreprises appartenait aux syndicats et aux comités d'usine » et " les entreprises étaient gérées soit par des collèges à majorité ouvrière, soit par des directeurs ouvriers, désignés par les syndicats et obligatoirement nommés sur la base de ces indications par les conseils régionaux de l'économie nationale » (21). Le VIIIe Congrès a adopté un programme du parti affirmant : " Les syndicats doivent réaliser la concentration effective entre leurs mains de la gestion de l'ensemble de l'économie nationale en tant qu'organisme économique unique » (22). Cette idée venait de Lénine lui-même, mais on ne sait pas d'où il l'a tirée, puisqu'on peut en trouver l'origine dans le syndicalisme révolutionnaire, qui lui était étranger (23). Elle n'a pas suscité d'opposition au Congrès (24).

Elle tombait du ciel pour Chliapnikov, qui a donc commencé à la diffuser et à la développer intensivement. Il l'exprimait ainsi : le parti bolchevik devrait être " la direction politique des masses d'ouvriers et de paysans dans la lutte révolutionnaire et dans la construction » de la nouvelle société, les conseils devraient être " la seule forme de pouvoir politique » et les syndicats - " le seul organisateur responsable de l'économie nationale et une école de gestion économique pour les ouvriers » (25). Très vite la direction du parti a commencé à l'accuser de céder aux " tendances syndicalistes ».

Lors du congrès suivant, le IXe en mars 1920, Lev Kamenev, membre du Politburo, parlant de Chliapnikov, a déclaré sans ambages que " si le mouvement syndical manifeste des tendances syndicalistes, alors les camarades qui s'y plient doivent être chassés du mouvement syndical » (26). Il était évident que ce qui avait été écrit dans le programme un an plus tôt sur le rôle des syndicats dans la gestion de l'économie embarrassait maintenant les dirigeants du parti. Ne sachant comment s'en sortir, ils ont couvert leur embarras par des attaques contre les " tendances syndicalistes » et contre Chliapnikov. Ils l'accusaient d'oublier que " nous allons dans la voie de l'étatisation des syndicats » (27), bien que cela n'ait pas été affirmé dans le programme. Chliapnikov ne pouvait pas se défendre, car il ne participait pas au congrès - il avait été envoyé en mission à l'étranger, ce dont Lénine s'est expliqué devant le congrès (28).

Avant le Xe congrès, au cours du débat sur les syndicats, Chliapnikov et le métallurgiste Sergei Medvedev, rejoints par la féministe Alexandra Kollontaï, ont formé avec les principaux dirigeants des syndicats de branche des métallurgistes, des travailleurs du textile et des mineurs une fraction, appelée Opposition ouvrière. Elle bénéficiait d'un large soutien parmi les ouvriers bolcheviks, de plus en plus convaincus que les pratiques militaristes qui s'étaient généralisées pendant la guerre civile étouffaient la démocratie ouvrière dans le parti et l'État et que le parti, submergé par des éléments petits-bourgeois, se transformait en un corps étranger à leur classe. Dans divers centres industriels provinciaux, l'Opposition ouvrière a pris la direction des organisations du parti ou se battait pour la prendre. Même à Moscou, où elle avait le soutien de plus de 20 % des délégués à la conférence provinciale du parti, elle frondait de manière si démonstrative que Lénine y a vu une dynamique scissionniste (29).

En s'écartant du " communisme de guerre », l'Opposition ouvrière prétendait, écrit Tatiana Sandou, " renforcer la démocratie au sein du parti, affaiblir les méthodes de travail administratives et autoritaires et organiser l'économie sur la base de l'autogestion ouvrière sous la direction des syndicats » (30). S'appuyant sur des principes de l'économie planifiée et du " centralisme ouvrier », ainsi qu'agissant dans la perspective inhérente de l'industrialisation, elle a élaboré un projet de système d'autogestion ouvrière, depuis le niveau de l'usine - où l'entreprise devait être gérée par un comité ouvrier démocratiquement élu - en passant par le niveau des branches, jusqu'au niveau national. Ce système devait être intégré au système des organisations syndicales - d'où son côté syndicaliste, d'où aussi ses incohérences et contradictions internes (31). Il est clair que les syndicats devaient jouer un rôle clé dans la construction d'un système d'autogestion ouvrière. Mais prétendre à la fusion des syndicats avec ce système c'était déjà autre chose. Toutefois, il ne s'agissait pas d'un projet clos, non modifiable.

Lénine a accusé Chliapnikov et l'Opposition ouvrière d'" évidente déviation du parti, du communisme » et a proclamé : " La déviation syndicaliste doit être guérie, et elle le sera » (32). Si, comme chez Marx, la " dictature du prolétariat » n'est rien d'autre qu'un synonyme du pouvoir des travailleurs (33), alors ce n'est que dans des visions métaphysiques qu'elle peut être " guérie » de " déviations syndicalistes » et d'autres tendances historiques du mouvement ouvrier. Lénine a agi comme s'il ne voyait toujours pas qu'il avait lui-même installé une telle " déviation » dans le programme de son parti.

Avant et pendant le Xe Congrès, Chliapnikov a engagé une lutte dont l'acuité reflète la profondeur de la crise socio-politique. Il écrivait que " le parti, en tant que collectif dirigeant et créatif, s'est transformé en une lourde machine bureaucratique » et que " l'État soviétique, au lieu de tendre vers une "forme compréhensive et englobante d'organisation des travailleurs", se transforme en un État géré par la bureaucratie et exclut en fait la participation massive des organisations ouvrières à sa gestion » (34). Il n'hésitait pas à entrer dans des conflits de plus en plus vifs avec Lénine. " L'essence du conflit », expliquait-il, " consiste à savoir de quelle manière notre Parti communiste mènera sa politique économique dans la période de transition où nous nous trouvons : par l'intermédiaire des masses ouvrières organisées en syndicats ou par-dessus leurs têtes, par la voie bureaucratique, au travers des fonctionnaires et de spécialistes canonisés » (35).

Le principal affrontement a eu lieu lors du congrès. Le représentant de l'Opposition ouvrière, Youri Milonov, a critiqué la " couche de castes » se trouvant à la tête du parti avec Lénine, professant " la primauté des méthodes autoritaires de direction centrale sur la méthode d'auto-activité des masses » et suggérant que l'on ne pouvait pas se baser sur la classe ouvrière. Aux yeux de Lénine et de cette " couche de castes », disait Milonov, " nous sommes au bord du précipice : entre la classe ouvrière, infectée de préjugés petits-bourgeois, et la paysannerie, qui est par nature petite-bourgeoise ». Milonov posait rhétoriquement la question de savoir si les dirigeants qu'il critiquait ne pensaient pas que " nous devrions prendre appui uniquement sur la couche de fonctionnaires soviétiques et du parti » (soviétiques signifiant ici étatiques). Il affirmait : " Notre parti cesse d'être un parti ouvrier » (36). Dans sa véhémente contre-attaque, Lénine a associé l'Opposition ouvrière à des éléments se levant " sur la vague de la contre-révolution petite-bourgeoise », elle-même " plus dangereuse que Dénikine ». De cette façon, il faisait référence aux soulèvements de paysans et à la rébellion de Kronstadt. " Il existe un lien », affirmait-il, " entre les idées, les mots d'ordre de cette contre-révolution petite-bourgeoise, anarchiste, et les mots d'ordre de l'"opposition ouvrière" ». " Une "opposition ouvrière" qui se retranche derrière le dos du prolétariat, est un élément petit-bourgeois, anarchiste » (37) au sein du parti lui-même.

Il a donc suggéré qu'à travers cette opposition, la " contre-révolution petite-bourgeoise » s'infiltrait dans le parti bolchevik. À la brochure de Kollontaï, présentant le point de vue de l'Opposition ouvrière, il a attribué un contenu ouvertement contre-révolutionnaire. Sa quintessence était, selon lui, la demande formulée plus tôt par Chliapnikov et reprise dans la brochure, qu'un " congrès des producteurs de Russie, groupés en syndicats de production » élise " un organisme central dirigeant l'ensemble de l'économie nationale de la République » (38). Une telle demande, prétendait-il, était en contradiction radicale avec un point du programme du parti adopté deux ans plus tôt - celui qui affirmait justement que les syndicats devaient parvenir à la concentration entre leurs mains de l'ensemble de la gestion de l'économie nationale. L'Opposition ouvrière demandait précisément que ce point du programme ne reste pas que sur le papier.

La polémique entre l'Opposition ouvrière et Lénine au Xe Congrès était si vive que Chliapnikov a dit de la résolution présentée par Lénine " sur la déviation syndicaliste et anarchiste » - qui visait l'opposition tout comme la résolution " sur l'unité du parti » que Lénine a soumis également au Congrès (les deux ont été adoptées) : " Ayant été dans le parti pendant 20 ans, je n'ai jamais vu ni entendu rien de plus démagogique et de plus calomnieux que cette résolution ». Les délégués de l'Opposition ouvrière ont déclaré conjointement : la résolution " introduit une scission dans le milieu ouvrier de notre parti et excite les éléments petits-bourgeois et bureaucratiques du parti contre sa partie ouvrière » (39). À la demande de Lénine, le congrès a voté une interdiction des activités des fractions - sans précédent dans l'histoire du bolchevisme. Lénine lui-même n'a pas respecté cette interdiction. Sa fraction des " Dix » fut toujours active lors du congrès suivant (40).

Trotski écrira des années plus tard (dans un article qu'il décidera de ne pas publier) : " À la lumière des événements ultérieurs, une chose est absolument claire : l'interdiction des fractions a marqué la fin de l'histoire héroïque du bolchevisme et a ouvert la voie à sa dégénérescence bureaucratique » (41). Mais la fin de cette histoire marquait aussi la défaite de l'Opposition ouvrière - le seul courant du parti qui alertait sur le fait que la classe ouvrière était en train de perdre le pouvoir - défaite scellée par les stigmates dont le congrès du parti avait marqué ce courant dans les résolutions mentionnées. La coïncidence du calendrier de sa campagne politique dans le parti avec l'effondrement quantitatif et qualitatif de la classe ouvrière et avec le soulèvement de Kronstadt lui a fortement coupé les ailes (42). La résolution sur les syndicats, soutenue par Lénine avec toute son autorité et adoptée au Xe congrès, d'une part contre l'Opposition ouvrière et d'autre part contre Trotski, " servit en pratique à remettre la gestion ouvrière » de l'industrie et de l'économie nationalisée " aux calendes grecques » et " à consolider et à rendre autonome l'appareil de direction administrative de l'économie, dont la dégénérescence bureaucratique allait se manifester rapidement. Voilà où réside effectivement la tragédie du Xe Congrès » (43).

L'importance de la question de l'Opposition ouvrière n'a commencé à percer dans l'historiographie que récemment. Il s'agissait d'un défi très sérieux, quasiment systémique, pour le pouvoir bolchevik et la " conception léniniste du parti », puisque l'opposition revendiquait " un système alternatif d'organisation du pouvoir dans le pays, basé sur le rôle prépondérant des syndicats en tant qu'organisation de producteurs immédiats - ouvriers » (44), c'est-à-dire qu'elle revendiquait la primauté du mouvement ouvrier sur le parti et les appareils d'État. " Lénine avait toutes les raisons de croire que la réalisation pratique de l'idée de "l'opposition ouvrière" menaçait de créer une alternative à la dictature du parti bolchevik » (45). Il y faisait face par des opérations d'évincement des dirigeants et des partisans de cette opposition, déjà vaincue, des postes de direction non seulement dans le parti, mais aussi dans les syndicats, qui ont été en même temps contraints à une soumission totale aux autorités du parti. Il a également tenté, échouant littéralement d'un cheveu, d'exclure du parti Chliapnikov (46).

Deux idées radicalement nouvelles sont alors apparues chez Lénine. Il n'a pas exprimé publiquement la première, la formulant ainsi dans ses notes sur la NEP : " "Thermidor" ? Froidement peut-être, oui ? Il arrivera ? Nous verrons. Pas se vanter avant d'aller au combat » (47). En même temps, il a confié à Jacques Sadoul, ancien officier de la mission militaire française qui avait rejoint les bolcheviks et était cofondateur du Komintern : " Les jacobins ouvriers sont plus perspicaces, plus fermes que les jacobins bourgeois et ils ont eu le courage et la sagesse de se thermidoriser eux-mêmes » (48). Immédiatement après la mort de Lénine, Sadoul a rendu publique cette idée à Moscou, mais elle a été ignorée. Jean-Jacques Marie commente : " Qu'est-ce à dire ? Que la NEP est un Thermidor économique et donc social, puisqu'elle ouvre la porte à la propriété privée et au commerce libre, mais qu'elle ne l'est pas politiquement puisque le pouvoir reste entre les mains des "Jacobins ouvriers" ? » (49). Cependant, au moins selon le récit de Sadoul - qui, bien que plausible, peut ne pas être exact - Lénine ne lui a pas dit qu'ils ont instauré un Thermidor socio-économique en restant jacobins - il a dit qu'ils sont eux-mêmes devenus thermidoriens.

La seconde idée, qui semble être intrinsèquement liée à la première, allait encore plus loin. Lénine l'a formulée ainsi : le prolétariat a disparu, mais l'État reste prolétarien. Cela pouvait suggérer que la relation de l'un à l'autre n'est pas nécessaire lorsque le pouvoir dans l'État est exercé par des " jacobins ouvriers », même " autothermidorisés » - quel que puisse être le sens de ce terme. Lénine disait que dans les conditions de la NEP " le pouvoir étatique prolétarien, s'appuyant sur la paysannerie » va d'une part " tenir en bride messieurs les capitalistes de façon à orienter le capitalisme dans le canal de l'État et à créer un capitalisme subordonné à l'État et placé à son service ». D'autre part, " les capitalistes », disait-il, " feront naître le prolétariat industriel qui, chez nous, en raison de la guerre, de la ruine désespérante et de la dévastation, est déclassé, c'est-à-dire qu'il a été détourné de son chemin de classe et a cessé d'exister en tant que prolétariat. On appelle prolétariat la classe occupée à produire les biens matériels dans les entreprises de la grande industrie capitaliste » (50).

Cette définition, d'une part, réduisait énormément la classe : elle excluait la majorité des travailleurs qui étaient employés dans des petites entreprises, dans la sphère de la circulation, etc., et, d'autre part, elle était complètement étrangère à la notion de classe en tant que rapport social. " Si le capitalisme se rétablit, ce sera aussi, par conséquent, le rétablissement de la classe du prolétariat, occupée à produire des biens matériels utiles à la société dans de grandes usines mécanisées, au lieu de se livrer à la spéculation, à la fabrication de briquets pour les vendre » (51), ce dont s'occupent les ouvriers " déclassés » actuels, parmi lesquels se répand " l'idéologie de petits propriétaires ». Lénine considérait désormais que " la grande production et les machines », et donc les forces productives spécifiques plutôt que les rapports de production, constituent la " base matérielle et psychologique du prolétariat », sans laquelle il y a " déclassement » (52).

Si le " prolétariat avait disparu », comme le suggérait Lénine, la Russie aurait régressé à l'époque précapitaliste. En 1922 cette tendance s'est inversée - le nombre du seul prolétariat industriel a commencé à croître de 10 % à l'échelle annuelle et il était à la fin de l'année plus bas qu'avant la guerre, non pas de plus de la moitié comme en 1921, mais de 44 % (53). Le discours selon lequel " le prolétariat s'est déclassé et a disparu » témoignait d'une crise très grave de la pensée politique et théorique de Lénine. Fitzpatrick est d'un avis différent. Elle estime qu'il ne s'agissait que d'une " crise de foi éphémère » au cours de laquelle de nombreux dirigeants bolcheviks, dont Lénine, n'étaient pas tant convaincus de la " disparition du prolétariat » qu'ils étaient " au bord de se voir déçus par la classe ouvrière russe » (54).

En mars 1922, lors du XIe congrès du PC(b)R, le dernier auquel Lénine a assisté, il a déclaré que " l'État, c'est nous, c'est le prolétariat, c'est l'avant-garde de la classe ouvrière », mais ce qu'il voulait dire en réalité, c'était que " l'État - c'est nous, l'avant-garde », parce que, comme il le prétendait, " le prolétariat avait disparu ». " Très souvent, quand on dit "ouvriers", on pense que cela signifie prolétariat des usines. Pas du tout ». Il posait la question rhétorique : " Et aujourd'hui, les conditions sociales et économiques sont-elles, chez nous, de nature à pousser de vrais prolétaires dans les fabriques et les usines ? Non. C'est faux. C'est juste d'après Marx. Mais Marx ne parlait pas de la Russie ; il parlait du capitalisme dans son ensemble, à dater du XVe siècle. Ça a été juste durant six cents années, mais c'est faux pour la Russie d'aujourd'hui. Très souvent, ceux qui viennent dans les usines ne sont pas des prolétaires, mais un élément aléatoire de toute sorte » (55).

Par quel miracle, malgré tout ce qui se passe autour d'eux, seuls ceux exerçant le pouvoir ne risquent-ils pas de se déclasser et de cesser d'être des " jacobins ouvriers » ? En répondant à Lénine, Chliapnikov a visé juste : " Laissez-moi vous féliciter d'être l'avant-garde d'une classe inexistante. On dit que dans notre pays le prolétariat se déclasse, qu'il reste très loin derrière, et quand on écoute les discours mielleux du camarade Kamenev, on s'aperçoit que même l'ouvrier avancé de Moscou exprime les intérêts des paysans, (...) que même les métallurgistes avancés de Moscou parlent chez nous le langage des intérêts paysans ». D'autres dirigeants du parti affirment que la NEP " fait naître des instincts de propriétaire chez les travailleurs ». Par ailleurs, ce " que le Comité central diffuse sur la classe ouvrière dans ses bulletins d'information » ce sont des calomnies prétendant que les grèves sont l'œuvre des monarchistes, alors qu'après enquête il s'est avéré qu'elles sont causées par des pénuries alimentaires et les non-paiements de salaires. Selon Chliapnikov, tout cela découlait, avec le passage à la NEP, de la " recherche » par le pouvoir soviétique " d'une nouvelle base, d'un nouvel appui, en dehors du prolétariat », ainsi que des humeurs similaires à celles qui sévissaient dans le parti bolchevik après la défaite de la révolution de 1905. " Nous nous souvenons de l'état d'esprit d'alors de l'intelligentsia et des éléments non prolétaires qui lui étaient proches - et combien de choses nous rappellent aujourd'hui cette époque ! Le terrain pour de telles humeurs est créé par nos dirigeants, notamment le camarade Lénine, le camarade Kamenev et d'autres ». " Les réflexions que nous entendons souvent, sur le fait que notre prolétariat s'est déclassé », témoignent " d'une fracture du rapport également idéologique entre le prolétariat et son détachement principal - notre parti ». Sa direction devrait, disait Chliapnikov, " se rappeler une fois pour toutes que nous n'aurons pas une autre et "meilleure" classe ouvrière et qu'il faut se contenter de ce qu'on a » (56).

Une fois de plus, ce congrès se déroulait dans l'atmosphère d'une nouvelle et forte tension autour de la question de l'ex-Opposition ouvrière, à savoir autour de l'" affaire des 22 ». 22 militants - dont Chliapnikov, Kollontaï et Medvedev - avaient fait appel au Komintern. " Alors que les forces de la bourgeoisie nous pressent de tous côtés, alors même qu'elles infiltrent notre parti » dans lequel les ouvriers sont minoritaires, affirmaient-ils dans leur appel, " nos centres dirigeants luttent implacablement contre tous ceux, et tout particulièrement les prolétaires, qui se permettent d'avoir leurs opinions, appliquant toutes sortes de mesures répressives contre l'expression de ces opinions dans le parti », suppriment dans le mouvement syndical " l'initiative et la spontanéité ouvrières » et " ignorent nos mandats de congrès visant à bâtir les bases de la démocratie ouvrière ». " L'aspiration à amener les masses prolétariennes plus près de l'État », écrivaient-ils, " est qualifiée d'"anarcho-syndicalisme", et ses partisans sont poursuivis et discrédités » (57).

Selon Richard Day, Kollontaï et ses camarades " voyaient plus clairement que la plupart des bolcheviks » (mais il vaudrait la peine d'examiner s'ils ne le voyaient pas même le plus clairement de tous les bolcheviks) " que sur le terrain de la NEP le parti pouvait rechercher un compromis entre les classes rivales, jetant ainsi les bases d'une politique nouvelle, bureaucratique » (58), et même, pourrions-nous ajouter, les bases de la formation d'une nouvelle bureaucratie, cette fois-ci thermidorienne par excellence.

Dans le cadre de l'" affaire des 22 », une motion a été déposée pour exclure du parti Chliapnikov, Kollontaï et Medvedev. Lénine ne prit pas la parole lors de la discussion de cette motion, mais les délégués au congrès avaient été informés par lui que huit mois auparavant, il avait lui-même tenté sans succès d'expulser Chliapnikov. À la grande surprise de la direction du parti, lors d'une séance à huis clos, le XIe Congrès s'est divisé sur l'" affaire des 22 » en deux parties presque égales : une légère majorité a soutenu la résolution condamnant sans appel et expulsant les trois mentionnés, tandis que les autres ont voté une résolution conciliatrice les critiquant mais ne les expulsant pas. En conséquence, sous la forte impression d'un tel vote, des amendements ont été ajoutés à la résolution de la majorité déjà adoptée et l'expulsion des trois opposants a été supprimée. Le fait que le congrès se soit divisé sur cette question a été dissimulé - le compte rendu de la session à huis clos du congrès n'a jamais été publié (59).

Aux yeux de Jean-Jacques Marie " ce vote illustre l'ampleur du mécontentement des délégués vis-à-vis de toute la direction, Lénine compris » (60). De l'avis d'Oleg Nazarov, devant " l'affaire des 22 » " le XIe Congrès du parti était au seuil d'une scission », ce qui semble être une grande exagération. Toutefois, Nazarov a avancé une thèse importante dans ce contexte, à savoir qu'il " existait un lien très étroit entre "l'affaire des 22" et l'élection immédiatement après le vote sur celle-ci de Joseph Staline au poste de secrétaire général » du Comité central du PC(b)R. Lorsque les délégués au congrès ont élu les membres du Comité central, sur leurs bulletins de vote, à côté du nom de Staline, figurait, à l'initiative de Lénine ou du moins avec son consentement, sa future fonction - celle de secrétaire général, bien qu'il ne puisse être élu que par le CC ! C'était une pratique sans précédent chez les bolcheviks. Il a donc été élu à ce poste par le congrès, ce que lui assurait une position à part - beaucoup plus forte que celle que lui donnait l'élection par le seul Comité central. Face à des menaces, tel le refus de près de la moitié des délégués au congrès d'exclure du parti des militants importants, le sommet du parti, selon Nazarov, avait besoin à ce poste d'un homme comme Staline, doté d'un pouvoir extraordinaire (61). Moins de neuf mois plus tard, Lénine constatait avec consternation que " Staline, en devenant secrétaire général, a concentré dans ses mains un pouvoir immense » (62).

La rupture entre le parti bolchevik et la classe ouvrière s'est avérée irréversible. Ce qui s'est passé a peut-être été exprimé de la manière la plus succincte et en même temps la plus claire par Moshe Lewin. En juin 1941 les soldats soviétiques qui se retiraient de la ville de Vilnius ont emmené secrètement, contre leurs officiers, ce jeune militant du " sionisme prolétarien », fuyant devant l'armée allemande. Il a travaillé au kolkhoze et au haut-fourneau de l'aciérie et a servi dans l'armée soviétique. Parmi les chercheurs, peu l'égalent en termes de profondeur de sa connaissance de l'État et de la société soviétiques, en particulier du régime stalinien et de l'" absolutisme bureaucratique » poststalinien (63).

Lewin a décrit de cette façon ce qui s'est passé dans les échelons supérieurs du parti bolchevik après la guerre civile : " Ce n'est plus une classe sociale - ni le prolétariat - qui fit office d'incarnation et de soutien du socialisme à travers l'État, mais c'est plutôt l'État qui, imperceptiblement, pour certains idéologues, finit par remplacer la classe et par devenir l'incarnation et le soutien du principe supérieur avec, ou sans, le concours du prolétariat. C'était là, à l'état embryonnaire, une orientation et une idéologie entièrement nouvelles, qui n'étaient certainement pas présentes dans ce qu'était le "léninisme" auparavant. Bien que l'appui social souhaitable fît défaut en raison, surtout, de la dissolution de la classe ouvrière, le parti n'a pas agi dans un vide, et il ne le pouvait pas : s'étant mis à compter toujours plus sur l'État, et de moins en moins sur les masses inconstantes, l'appareil d'État, quelle que fut l'origine sociale de ses serviteurs, devint peu à peu le principal instrument d'action pour atteindre les objectifs voulus. Ce faisant, le bolchevisme acquit une base sociale dont il ne voulait pas et qu'il n'a pas immédiatement reconnue : la bureaucratie. Celle-ci allait très vite s'affirmer comme un facteur crucial de la formation du système, mais il fallut une certaine évolution et quelques luttes internes dramatiques pour que ce fait soit enfin pleinement accepté puis célébré. En tout état de cause, insuffisamment préparés à comprendre l'État qu'ils édifiaient, les bolcheviks se méprirent sur le cours suivant ces événements. La théorie disponible était très inadéquate à ce sujet. Il importait désormais d'étudier non plus seulement le potentiel social du prolétariat, ou de la paysannerie , mais aussi le potentiel, les intérêts et les aspirations d'un appareil d'État soviétique changeant et en plein essor » (64).

notes
3. С.Л. Павлюченков, Крестьянский Брест, или предыстория большевистского НЭПа [S.L. Pavlioutchenkov, Le Brest paysan ou la préhistoire de la NEP bolchevik], РКТ-История, Москва 1996, pp. 105, 109.

4. Lev Kritsman, un des dirigeants de l'administration économique pendant la période du " communisme de guerre », l'a décrit comme un système économique - comme " une économie naturelle-anarchique née de la révolution prolétarienne », non marchande et non planifiée, " transitoire » (par rapport au socialisme), mais en même temps " déformée » par le sous-développement et l'isolement de la Russie et les conditions de la guerre civile. Ce n'est que " formellement, abstraitement » qu'elle dominait l'économie marchande, principalement petite et clandestine, " dont le poids qualitatif était très grand dès avant la révolution et s'est encore accru pendant elle », du fait de la répartition par la paysannerie des grandes propriétés terriennes et des fermes capitalistes. Ce poids " a été à l'origine de la contradiction qui a déchiré l'économie de l'époque et qui a finalement fait exploser le système de l'économie naturelle prolétarienne ». Л. Крицман, Героический период великой русской революции. Опыт анализа т.н. " военного коммунизма » [L. Kritsman, Le Temps héroïque de la grande révolution russe. Essai d'analyse du dit " communisme de guerre »], Госиздат, Москва-Ленинград 1926, p. 146. Le Temps héroïque de la grande révolution russe de Kritsman est à ce jour l'étude la plus intéressante - et du point de vue théorique la plus originale - de la nature, de la dynamique et des contradictions du " communisme de guerre ». Silvana Malle a eu raison de prétendre que cette œuvre était en fait une grande polémique contre le bilan du " communisme de guerre » présenté par Lénine après l'instauration de la NEP. S. Malle, The Economic Organization of War Communism, 1918-1921, Cambridge University Press, Cambridge-London-New York 1985, pp. 8-9.

5. Л. Троцкий, " Основные вопросы продовольственной и земельной политики (Предложения, внесенные в ЦК РКП(б) в феврале 1920 г.) » [L. Trotski, " Principales questions de politique alimentaire et foncière (Propositions faites au Comité central du PCR(b) en février 1920) »], dans idem, Сочинения [îuvres] vol. XVII part II, Госиздат, Москва-Ленинград 1926, pp. 543-544. Lors du tournant vers la NEP, Trotski a rapporté cette attitude de Lénine au Xe congrès du PC(b)R : Десятый съезд РКП(б). Март 1921 r. Протоколы [Dixième Congrès du PCR(b). Mars 1921 r. Procès-verbal], Партиздат, Москва 1933, pp. 349-350. Voir également С.Л. Павлюченков, Крестьянский Брест, op. cit., pp. 154-167. Pavlioutchenkov a découvert dans les archives que Larine, considéré (à tort) comme l'un des partisans les plus radicaux du " communisme de guerre », avait proposé une alternative à celui-ci (mais aussi à la future NEP) plus de deux mois avant Trotski. Ibidem, pp. 137-144.

6. Е.А. Преображенский, Симптомы разложения нашей партии [E.A. Preobrajenski, Symptômes de décomposition de notre parti] dans М.М. Горинов (sous la dir. de), Е.А. Преображенский: Архивные документы и материалы 1886-1920 гг. [M.M. Gorinov, E.A. Preobrajenski : Documents et matériaux d'archives 1886-1920], Издательство Главархива Москвы, Москва 2006, p. 364.

7. Ю.О. Мартов, П.Б. Аксельрод, А.Н. Потресов, О революции и социализме [I.O. Martov, P.B. Axelrod, A.N. Potressov, Sur la révolution et le socialisme], РОССПЭН, Москва 2010, pp. 590-591.

8. П. Алешкин, Ю. Васильев, Крестьянская война в России в условиях политики военного коммунизма и ее последствий (1918-1922 гг.), [P. Alyochkine, Y. Vasiliev, La guerre paysanne en Russie dans le cadre de la politique du communisme de guerre et de ses conséquences (1918-1922)], Голос-Пресс, Москва 2010.

9. С.Л. Павлюченков, Военный коммунизм в России. Власть и массы [S.L. Pavlioutchenkov, Le Communisme de guerre en Russie. Le pouvoir et les masses], РКТ-История, Москва 1997, p. 140.

10. С.Л. Павлюченков, Крестьянский Брест, op. cit., pp. 107-108.

11. С.Л. Павлюченков, " Орден меченосцев ». Партия и власть после революции 1917-1929 гг. [S.L. Pavlioutchenkov, " L'Ordre des porte-glaive ». Le parti et le pouvoir après la révolution 1917-1929], Собрание, Москва 2008, p. 64. A. Rosenberg l'avait déjà remarqué dans A History of Bolshevism. From Marx to the First Five Years Plan, Oxford University Press, London 1934, p. 153, et E. Germain [Mandel] l'a clairement démontré dans " La discussion sur la question syndicale dans le parti bolchevik (1920-1921) », Quatriѐme Internationale vol. 13 n° 1/3, 1955, pp. 50-59.

12. С.Л. Павлюченков, " Орден меченосцев », op. cit., pp. 37-48, 166-171.

13. Ibidem, pp. 65-66.

14. Г.М. Кржижановский, Хозяйственные проблемы Р.С.Ф.С.Р. и работы государственной общеплановой комиссии (Госплана) [G.M. Krjijanovski, Les Problèmes économiques de la RSFSR et le travail de la Commission de planification generale d'État (Gosplan)], Госплан, Москва 1921, p. 12.

15. С.В. Яров, Пролетарий как политик. Политическая психология рабочих Петрограда в 1917-1923 гг. [S.V. Iarov, Le prolétaire comme politicien. Psychologie politique des ouvriers de Petrograd en 1917-1923], Дмитрий Буланин, Санкт-Петербург 1999, pp. 114-133.

16. В.Ю. Черняев, " Предисловие » [" Préface »], dans В.Ю. Черняев (sous la dir. de), Питерские рабочие и " диктатура пролетариата ». Октябрь 1917-1929. Сборник документов [dans V.Y. Tcherniayev, Les travailleurs de Petrograd et la " dictature du prolétariat ». Octobre 1917-1929. Documents], БЛИЦ, Москва 2000, p. 18.

17. В.И. Ленин, " О профессиональных союзах, о текущем моменте и об ошибках т. Троцкого », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 42, Политиздат, Москва 1970, p. 208 [Lénine, îuvres complètes vol. 32, p. 17]. Les références de bas de page aux œuvres de Lénine renvoient à la dernière (cinquième) édition soviétique en 55 volumes - la plus complète (mais toujours incomplète : voir les 422 " documents inconnus », en réalité censurés auparavant et publiés en 1999 à Moscou par les éditions de la ROSSPEN) et relativement la plus crédible. Les citations sont retraduites en français et ne correspondent pas nécessairement de façon exacte au texte de l'édition française des îuvres complètes (Éditions sociales-Éditions du Progrès, Paris-Moscou 1966-1976) en 45+2 volumes - moins complète, portant des traces d'interventions politiques des éditeurs soviétiques et dont la traduction est parfois contestable. Entre crochets, pour l'orientation, il y a des références à cette édition. En général, d'autres citations du russe existant en français ont été également vérifiées avec l'original russe et peuvent apparaître ici modifiées.

18. Formulations de A.M. Коллонтай, " Рабочая оппозиция », dans Левые коммунисты в России, НПЦ " Праксис », Москва 2008, p. 170 [en français : A. Kollontaï, " L'Opposition ouvrière », Socialisme ou barbarie n° 35, 1964, pp. 57-120].

19. Ces idées ont été présentées en 1921 par l'Opposition ouvrière, surtout dans les thèses " Задачи профессиональных союзов (к X съезду партии). (Тезисы "рабочей оппозиции") » [" Les Tâches des syndicats (pour le 10e congrès du parti). (Thèses de " l'Opposition ouvrière »)] ainsi que " Организация пародного хозяйства и задачи союзов (Предложение Шляпникова) » [" Organisation de l'économie nationale et les tâches des syndicats (Proposition de Chliapnikov) »], dans Десятый съезд РКП(б), op. cit., pp. 685-691, 819-823. Au nom de cette opposition Kollontaï l'a également fait dans sa brochure : A.M. Коллонтай, op. cit., pp. 165-204, ainsi que dans son discours au IIIe Congrès du Komintern. Третий Всемирный Конгресс Коммунистического Интернационала. Стенографический отчёт, Госиздат, Петроград 1922, pp. 367-370 [en anglais : J. Riddell (sous la dir. de), To the Masses. Proceedings of the Third Congress of the Communist International, 1921, Brill, Leiden-Boston 2015, pp. 679-682].

20. В.И.Ленин, " VIII съезд РКП(б). 18-23 марта 1919 г. Отчет Центрального. 18 марта », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 38, 1969, Политиздат, Москва 1969, p. 141 [Lénine, îuvres complètes vol. 29, p. 153].

21. Ю. Ларин, Интеллигенция и советы. Хозяйство, буржуазия, революция, госаппарат [Y. Larine, L'Intelligentsia et les soviets. Économie, bourgeoisie, révolution, appareil d'État], Госиздат, Москва 1924, p. 39.

22. Восьмой съезд РКП(б). Март 1919 года. Протоколы [Huitième Congrès du PCR(b). Mars 1919. Procès-verbal], Госполитиздат, Москва 1959, p. 403.

23. Selon la première édition des œuvres de Lénine, parue de son vivant, il a déclaré lors d'un congrès syndical en janvier 1919 qu'" après la révolution politique qui a donné le pouvoir aux syndicats, en tant qu'organisations les plus larges du prolétariat, il leur revient de jouer un rôle particulièrement grand et de devenir en un certain sens les principaux organes politiques ». Ленин (В. Ульянов), " О профессиональных союзах. Речь », dans ibidem, Собрание сочинений vol. XVI, Госиздат, Москва 1922, p. 17. C'est ainsi que des dirigeants syndicaux, par exemple le secrétaire général de l'Internationale syndicale rouge Solomon Losovski, citaient cette phrase en justifiant l'idée d'" étatisation des syndicats ». С.А. Лозовский, " Ленин и профессиональное движение » [S.A. Losovski, " Lénine et les mouvement syndical »], Вестник Коммунистической академии vol. VIII, 1924, p. 16. Quelques années plus tard, un texte révisé a été publié et au lieu de " la révolution politique qui a donné le pouvoir aux syndicats » on y lisait maintenant et toujours depuis : " la révolution politique qui a donné le pouvoir au prolétariat ». Ленин (В. Ульянов), Собрание сочинений vol. XX-2, Госиздат, Москва-Ленинград 1926, p. 300, et В.И. Ленин, " Доклад на II Всероссийском съезде профессиональных союзов 20 января 1919 », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 37, Политиздат, Москва 1969, p. 442 [Lénine, îuvres complètes vol. 28, p. 439].

24. Seul le principal marxologue dans le parti, David Ryazanov s'y est opposé. Défendant l'orthodoxie marxiste il a exigé " la suppression obligatoire de tout droit des syndicats de gérer la production ». Восьмой съезд РКП(б), op. cit., p. 70.

25. Организация пародного хозяйства и задачи союзов (Предложение Шляпникова), op. cit., pp. 842, 870.

26. Девятый съезд РКП(б). Март-апрель 1920 г. [Neuvième congrès du PCR(b). Mars-avril 1920], Партиздат, Москва 1934, p. 62. Kamenev a saisi l'occasion pour régler de vieux comptes avec Chliapnikov. En mars 1917, après leur retour d'exil à Petrograd, Kamenev, Matveï Mouranov et Joseph Staline menaient une politique conciliante à l'égard du gouvernement provisoire et adoptaient une position ambiguë vis-à-vis de la guerre impérialiste que menait encore ce gouvernement. Chliapnikov était un adversaire implacable de leur " bolchevisme de droite », auquel Lénine, à son retour d'exil en avril, a mis un terme dans le parti. Chliapnikov a décrit cette affaire, compromettante pour Staline, dans ses mémoires publiées en 1925 : А. Шляпников, Семнадцатый год [A. Chliapnikov, Année 1917] vol. 2, Госиздат, Москва-Ленинград 1925, pp. 170-188. En 1932, le Comité central a interdit la diffusion de ses mémoires prétendant qu'elles contenaient des " inventions calomnieuses ».

27. Le rapport de Nikolaï Boukharine sur les syndicats dans Девятый съезд РКП(б), op. cit., p. 233. La position de la direction du parti sur cette question a été clairement exprimée par Boukharine et Preobrajenski dans un livre publié avant le IXe congrès, dans lequel ils expliquaient le programme du parti bolchevik adopté un an auparavant. " II faut que les syndicats », y écrivaient-ils, " se développent sur la voie qui mène à leur transformation en sections et en organes économiques du pouvoir d'État, c'est-à-dire à leur "étatisation" ». Н. Бухарин, Е. Преображенский, Азбука коммунизма. Популярное объяснение программы Российской коммунистической партии большевиков, [N. Boukharine, E. Preobrajenski, ABC du communisme. Explication populaire du programme du PCR(b)], Госиздат, Петербург 1920, p. 220.

28. В.И. Ленин, " IX съезд РКП(б) 29 марта — 5 апреля 1920 г. Заключительное слово по докладу Центрального Комитета 30 марта », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 40, Политиздат, Москва 1974, pp. 261-262 [Lénine, îuvres complètes vol. 30, p. 479].

29. L.E. Holmes, " For the Revolution Redeemed. The Workers Opposition in the Bolshevik Party 1919-1921 », The Carl Beck Papers in Russian and East European Studies n° 802, 1990, pp. 2-9 ; Т.А. Санду, " Рабочая оппозиция » в РКП(б) (1919-1923 гг.) (Диссертация) [T.A. Sandou, " l'Opposition ouvrière » dans le PCR(b), 1919-1923 (Thèse)], Тюменский государственный университет, Тюмень 2006, pp. 38-103 ; B.C. Allen, Alexander Shlyapnikov, 1885-1937. Life of an Old Bolshevik, Brill, Leiden-Boston 2015, pp. 157-179.

30. Т.А. Санду, op. cit., p. 78.

31. Plusieurs contradictions et faiblesses politiques de l'Opposition ouvrière sont signalées et commentées par L.H. Holmes, op. cit., pp. 11-30 ; elles ont été largement exploitées par Lénine, Zinoviev et leur faction des " Dix ». Г.Е. Зиновьев, " Неправильное во взглядах рабочей оппозиции на роль профсоюзов » [G.E. Zinoiviev ; " Ce qui est incorrect sur le rôle des syndicats dans les opinions de l'opposition ouvrière »], dans idem, Сочинения [îuvres] vol. VI, Госиздат, Москва-Ленинград 1929, pp. 458-465 ; В.П. Милютин, История экономического развития СССР (1917-1927) [V.P. Milioutine, Histoire du développement économique de l'URSS 1917-1927], Госиздат, Москва-Ленинград 1929, pp. 292-296.

32. В.И. Ленин, " Еще раз о профсоюзах, о текущем моменте и об ошибках тт. Троцкого и Бухарина », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 42, Политиздат, Москва 1970, p. 304 [Lénine, îuvres complètes, vol. 32, p. 108].

33. Cela a été démontré de manière exhaustive par H. Draper, Karl Marx's Theory of Revolution vol. III, Monthly Review Press, New York 1986, pp. 175-325. Il a également documenté l'évolution du concept de dictature du prolétariat chez Lénine. Idem, " The Dictatorship of the Proletariat » in Marx and Lenin, Monthly Review Press, New York 1987, pp. 42-105.

34. А. Шляпников, " О наших внутрипартийных разногласиях » [A. Chliapnikov, " À propos de nos désaccords internes au parti »], Известия ЦК КПСС n° 7 (318), 1991, pp. 213-214.

35. Cité par Т.А. Санду, op. cit., p. 87.

36. Десятый съезд РКП(б), pp. 85, 87.

37. В.И. Ленин, " XI съезд РКП(б) 27 марта - 2 апреля 1922 г. Заключительное слово по политическому отчету ЦK РКП(б) 28 марта », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 43, Политиздат, Москва 1970, pp. 36, 38, 40 [Lénine, îuvres complètes vol. 30, pp. 202, 204, 206].

38. A.M. Коллонтай, op. cit., p. 184.

39. Десятый съезд РКП(б), p. 536-537.

40. Ф. Чуев, Молотов: Полудержавный властелин [F. Tchouiev, Molotov : Un oligarque semi-étatique], Олма-Пресс, Москва 1999, p. 240.

41. L. Trotsky, " Factions and the Fourth International (1935) » dans N. Allen, G. Breitman (sous la dir. de), Writings of Leon Trotsky (1935-36), Pathfinder Press, New York 1977, p. 186. " Loin de préserver la pureté de la dictature prolétarienne, ces mesures l'ont soumise à la pire des influences de l'ennemi de classe, transmisse par l'intermédiaire de la bureaucratie. Loin de préserver l'unité et l'intégrité du parti de classe, elles ont précipité celui-ci dans une lutte intestine violente, de laquelle il sortit ruiné en tant qu'instrument de la lutte ouvrière. » E. Germain [Mandel], op. cit., p. 58.

42. Т.А. Санду, op. cit., pp. 112-127 ; B.C. Allen, op. cit., pp. 179-190.

43. E. Germain [Mandel], op. cit., p. 58.

44. С.В. Цакунов, В лабиринте доктрины. Из опыта разработки экономического курса страны в 1920-е годы [S.V. Tsakounov, Dans le labyrinthe de la doctrine. De l'expérience du développement de l'orientation économique du pays dans les années 1920], Россия молодая, Москва 1994, p. 37.

45. Д.И. Апальков, Внутрипартийная борьба в РКП(б)-ВКП(б) (1920-е-начало 1930-х гг.) (Диссертация) [D.I. Apalkov, Lutte interne dans le PCR(b)-PC(b) de l'URSS (1920-début des années 1930) (Thèse)], Московский государственный университет имени М.В. Ломоносова. Исторический факультет, Москва 2017, p. 29.

46. À la demande de Lénine, dans une résolution secrète du Xe Congrès il a été décidé qu'en " dernier recours » le Comité central pouvait expulser un membre de son sein et même du parti par un vote à la majorité des deux tiers. En août 1921 Chliapnikov a été le premier membre du Comité central contre lequel cette procédure a été appliquée à la demande de Lénine. Pour l'expulser il a manqué une voix. Т.А. Санду, op. cit., pp. 128-160 ; B.C. Allen, op. cit., pp. 191-226.

47. В.И. Ленин, " Материалы к X Всероссийской конференции » [V.I. Lénine, " Matériaux pour la Xe conférence panrusse »], dans idem, Полное собрание сочинений vol. 43, p. 403.

48. В. Виленский (Сибиряков) (sous la dir. de), Политики и писатели запада и востока о В.И. Ленине [V. Vilenski (Sibiriakov), Les politiciens et les écrivains de l'Ouest et de l'Est sur V.I. Lénine], Главлит, Москва 1924, p. 38.

49. J.-J. Marie, Lénine, p. 473.

50. В.И. Ленин, " Новая экономическая политика и задачи политпросветов », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 44, Политиздат, Москва 1970, p. 161 [Lénine, îuvres complètes vol. 33, p. 59]

51. Ibidem, p. 151 [Lénine, îuvres complètes vol. 33, p. 59].

52. " 15. Le prolétariat se déclasse-t-il ? Oui ! Conclusions ? Idéologie de petits propriétaires. 16. La grande production et les machines - base matérielle et psychologique du prolétariat. Inde [d'où] déclassement ». В.И. Ленин, " План речи на съезде профсоюзов », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 43, p. 401 [Lénine, îuvres complètes vol. 42, p. 317].

53. Л. Крицман, Героический период, op. cit., p. 238.

54. S. Fitzpatrick, Tear Off The Masks! Identity and Imposture in Twentieth-Century Russia, Princeton University Press, Princeton-Oxford 2005, p. 53.

55. В.И. Ленин, " XI съезд РКП(б). 27 марта - 2 апреля 1922 г. Политический отчет Центрального Комитета РКП(б) 27 марта », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 45, Политиздат, Москва 1970, pp. 85, 106-107 [Lénine, îuvres complètes vol. 33, pp. 283, 305].

56. Одиннадцатый съезд РКП(б). Март-апрель 1922 г. Протоколы [Onzième congrès du PCR(b). Mars-avril 1922. Procès-verbal], Партиздад ЦК ВКП(б), Москва 1936, pp. 108-110, 197.

57. " Заявление двадцати двух », dans М. Зоркий (sous la dir. de), " Рабочая оппозиция ». Материалы и документы 1920-1926 гг., Госиздат, Москва-Ленинград 1926, p. 59 [en français : " Appel des 22 aux membres de la conférence de l'Internationale Communiste », dans C. Ovtcharenko (éd.), Manifestes, thèses et résolutions des quatre premiers congrès de l'Internationale communiste 1919-1923. Textes complets, Les Classiques des sciences sociales, Chicoutimi-Saguenay 2011, pp. 426-427].

58. R.B. Day, " Leon Trotsky and the Dialectics of Democratic Control », dans P. Wiles (sous la dir. de.), The Soviet Economy on the Brink of Reform. Essays in Honor of Alec Nove, Routledge, London-New York 2013, p. 16.

59. Т.А. Санду, op. cit., pp. 168-190 ; B.C. Allen, op. cit., pp. 244-251.

60. J.-J. Marie, Lénine, p. 501.

61. О.Г. Назаров, Сталин и борьба за лидерство в большевистской партии в условиях НЭПа [O.G. Nazarov, Staline et la lutte pour la direction du parti bolchevik dans les conditions de la NEP], Институт всеобщей истории РАН, Москва 2002, pp. 48, 50, 181.

62. В.И. Ленин, " Письмо к съезду », dans idem, Полное собрание сочинений vol. 45 [Lénine, îuvres complètes vol. 36, p. 607].

63. Voir l'entretien avec M. Lewin dans MARHO (The Radical Historians Organization), Visions of History, Manchester University Press, Manchester 1983, pp. 281-308, ainsi que R.G. Suny, " Living in the Soviet Century: Moshe Lewin, 1921-2010 », History Workshop Journal vol. 74 n° 1, 2012, pp. 192-209.

64. M. Lewin, La Formation du système soviétique, Gallimard, Paris 1987, pp. 390-391

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