Féroce répression des Comités de Défense de la République accusés de " terrorisme » !

par Yorgos Mitralias

Les épigones de Franco à Madrid ne cachent plus leurs intentions : Faire absolument tout pour écraser le peuple catalan qui persiste à résister. Et décidés comme ils sont de frapper très fort, ils s'attaquent maintenant non plus aux personnalités de l'indépendantisme catalan - d'ailleurs en exil ou en prison -, mais à la masse " anonyme » de militants, au peuple de cette Catalogne intrépide qui ne se rend pas, aux Comités de Défense de la République (1).

Et l'accusation portée contre ces militants des CDR déjà arrêtés (2), emprisonnés ou recherchés est on ne peut plus éloquente : " rébellion » et... " terrorisme » ! " Terroristes » donc les CDR qui ont fait de la non-violence la règle d'or de leur conduite et aussi " terrorisme » la résistance pacifique aux provocations et autres agressions répétées des prétoriens de la Guardia Civil. " Terrorisme » les manifestations indépendantistes et " terrorisme » et " rébellion » les formes de lutte totalement pacifiques comme les barrages routiers ou les chaînes humaines devant et autour les bâtiments publics. Et évidemment, " terrorisme » l'organisation des grèves générales que les CDR ont déjà préparées et dirigées ou qu'ils appellent aujourd'hui de tous leurs vœux. On ne sait pas si on devrait rire de l'hystérie répressive de M. Rajoy ou pleurer des lendemains cauchemardesques que promet son actuel extrémisme antidémocratique…

Synthèse

Mais, pourquoi cette rage répressive de Madrid contre les CDR ? La réponse n'est pas difficile : Parce que les Comités de Défense de la République sont devenus en l'espace de quelques mois, le protagoniste de la lutte pour l'indépendance mais aussi pour la liberté et la démocratie du peuple catalan ! Et aussi, parce que les CDR se développent comme nulle autre force sociale ou politique. Et surtout parce que leur développement fulgurant traduit cette évolution de la situation qui fait le plus peur aux centres de pouvoir tant à Madrid qu'à... Barcelone : la transcroissance d'un combat initialement strictement indépendantiste en une lutte pour une République catalane au contenu démocratique et social radical et de classe.

D'ailleurs, personne dans le bunker espagnoliste de Madrid ne cache sa peur devant la tournure que prennent les événements en Catalogne, et plus précisément devant le renforcement continu et l'influence croissante de ces CDR qui jouissent déjà d'un grand prestige dans la société catalane. Les médias de Madrid, le quotidien El Pais en tête, pestent en permanence contre ces " noyaux de la révolution en préparation » baptisés pour la circonstance... " soviets à la catalane », tandis que le personnel politique du front " unioniste » ne fait que demander la mise des CDR " hors d'état de nuire » avant qu'il ne soit trop tard. Et aussi bizarre que cela puisse paraître, c'est le n° 3 de la social-démocratie espagnole qui a demandé le premier la répression et la mise hors la loi des CDR avec l'argument imbattable que " ce n'est pas un hasard si leurs initiales sont les mêmes que celles des CDR tristement célèbres de Cuba, du Nicaragua et du Venezuela » !

Depuis lors, ce sont les partis de l'opposition (de Sa Majesté), le PSOE social-démocrate et les Ciudadanos néolibéraux qui appellent jour après jour à la répression des CDR et le gouvernement du parti Populaire qui passe aux actes. Et malheureusement, même la maire de Barcelone Ada Colau, désormais isolée et en chute libre dans les sondages, y met du sien dénonçant les actions de CDR " qui ne facilitent pas le fonctionnement normal des entreprises » avant de critiquer leur assimilation à des terroristes car " cela est une banalisation qui offense les victimes »…

Cependant, tout ce beau monde se lamente d'un hic inhérent à la répression des CDR : Les CDR sont pratiquement... introuvables car ne possédant ni locaux, ni directions, ni dirigeants connus et porte paroles publics. Et si tout cela ne suffisait pas, les CDR respectent tous les partis indépendantistes et progressistes tout en ne se reconnaissant en aucun d'entre eux, bien que les procureurs de Madrid s'empressent d'accuser un célèbre militant et ex-deputé de la CUP indépendantiste et libertaire, le très populaire David Fernandez d'en être le " cerveau ». D'ailleurs, comme on l'écrivait dans un article précédent " les CDR ne sont ni une invention ni un faire-valoir d'un parti ou d'une organisation. Ils sont les produits directs de la radicalisation de la société catalane » (3).

Notre conclusion ne pourrait qu'être alarmiste : La situation est critique car la nouvelle Inquisition des épigones de Franco qui règnent à Madrid est décidé d'aller jusqu'au bout de ses projets antidémocratiques, répressifs et autoritaires. Et les Comités de Défense de la République catalane en constituent manifestement la cible prioritaire et idéale. C'est pourquoi la solidarité active au peuple catalan, à sa lutte et à son avant-garde de masse que sont les CDR n'est pas seulement une obligation morale, un devoir internationaliste. C'est aussi et peut être surtout un acte d'autodéfense de nous tous vivant hors de l'État Espagnol, car force est de constater que le régime de Madrid est maintenant en train de transformer la Catalogne en un laboratoire grandeur nature et le peuple catalan en cobayes des visées répressifs et antidémocratiques d'une certaine " sensibilité » très autoritaire du néolibéralisme européen !

Alors, attention : Si on laisse maintenant les bourreaux de Madrid embastiller dans l'indifférence générale les gouvernants et les directions très démocratiquement élues de Catalogne ou assimiler au " terrorisme » les grèves ou les manifestations publiques, alors on peut être sûr que très bientôt on va voir nos propres gouvernements profiter du précédent catalan et faire - hélas - de même chez nous ! Raison donc de plus pour soutenir les CDR catalans en leur manifestant au plus vite toute notre solidarité active. Partout en Europe mais tout spécialement en France où on assiste désormais à l'émergence d'une jeunesse assez radicale pour être sensible aux appels à la solidarité et aux combats communs venant de l'autre côté des Pyrénées. Allons camarades… car ça urge !

* Yorgos Mitralias, journaliste, est l'un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l'Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l'appel de soutien à cette Commission. Nous reprenons cet article du site web du Comité pour l'abolition des dettes illégitimes (CADTM) : http://www.cadtm.org

notes
1. Pour une présentation de l'apparition des CDR, on peut lire : J. Malewski, " Un nouveau acteur politique, l'auto-organisation », Inprecor n° 644-646 d'octobre-décembre 2017 (http://www.inprecor.fr/article-ESPAGNE%20%20%20CATALOGNE-Un%20nouveau%20acteur%20politique,%20%20l%E2%80%99auto-organisation?id=2086)

2. Le Guardia Civil espagnole a arrêtée le 10 avril Tamara Carasco, militante des CDR, qui avait été candidate sur une liste Podem aux élections municipales de 2015, pour " terrorisme ». Elle est accusée d'avoir ouvert des péages d'autoroutes et d'avoir bloqué des routes. Le 12 avril elle a été mise en liberté provisoire. En parallèle les Mossos (police catalane) ont arrêté le 10 avril six autres membres des CDR qui avaient manifesté le 30 janvier, jour prévu pour l'investiture du président de Catalogne) devant le parlement catalan. Ces derniers ont été laissés en liberté provisoire.

3. Cf. Y. Mitralias, " Catalogne : Les Comités de Défense de la République (CDR) changent la donne ! », site du CADTM, 4 décembre 2017 (http://www.cadtm.org/Catalogne-Les-Comites-de-Defense)

 

Auteur·es

Yorgos Mitralias

Yorgos Mitralias, journaliste retraité, ancien militant de la section grecque de la IVe Internationale et de Syriza, un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM, a animé le site EuropeansForBerniesMassMovement qui fournissait, surtout en anglais et en grec, des informations quotidiennes sur les actions des mouvements sociaux et de la gauche étatsunienne.