Alors que nous avons vu dès les premières heures du dimanche 17 avril un spectacle dégradant, une explication de vote résume honnêtement l'impeachment de la présidente du Brésil, qui s'est révélé comme un coup d'État contre un gouvernement démocratiquement élu : " Pour une certaine valeur conservatrice, qui n'a rien à voir avec le pédalage fiscal de Dilma, mon vote est oui ».
Synthèse et articles Inprecor
Le lendemain matin, les titres de la presse internationale ont ridiculisé la farce dominicale : " Dieu et les petits-enfants des députés ont fait tomber la présidente du Brésil » était le résumé la majorité des journaux depuis le New York Times jusqu'à Newsweek.
Les explications de vote des 367 députés favorables à l'impeachment étaient claires. Ils ont voté " pour ma femme Paula », " pour mon petit-fils Gabriel », " pour ma nièce Helena », " pour ma tante qui m'a soigné quand j'étais enfant », " pour les courtiers des assurances au Brésil », " pour les évangélistes », " pour en finir avec la Centrale unique des travailleurs et ses marginaux », " pour la dictature militaire de 1964 et en hommage au tortionnaire Alberto Brilhante Ulstra », qui avait torturé Dilma Rousseff »…
Ceux qui au Portugal se sont empressés de faire la claque aux putschistes de la droite brésilienne n'ont plus qu'à se taire dans la honte. Et vous pouvez le voir : entre Dieu et le monde, tout était un argument pour renverser la présidente du Brésil. Tout, sauf la responsabilité d'un crime, qui aurait été l'unique justification légale d'un impeachment.
Le débat a eu lieu, mais aucun fondement formel de l'impeachment n'est apparu. Même pour servir d'excuses boiteuses à ce qu'ils faisaient, ces arguments ont été oubliés par les organisateurs du coup d'État. Et on ne peut qu'espérer que la lutte contre la corruption ne connaîtra pas le même sort.
Personne ne nous entendra blanchir le marécage de corruption qui domine la politique brésilienne. Personne ne nous entendra nier la responsabilité de hauts dirigeants du Parti des travailleurs (PT) dans les scandales du " mensalão », de " Lava Jato » ou autres, qui visent à favoriser des individus ou des partis politiques au détriment du peuple brésilien. Au Brésil, comme au Portugal, il faut lutter contre la corruption et les corrompus doivent être soumis à la justice la plus implacable.
Mais rien de tel n'a eu lieu ce dimanche 17 avril. Si cela avait été le cas, tout le système politique brésilien aurait dû être la cible de l'impeachment, car il est fondé sur l'achat des votes, le financement privé des partis politiques, le troc des faveurs et la corruption du pouvoir politique.
Si quelque chose avait pu empêcher l'issue inconstitutionnelle de cette histoire, c'est une réforme politique et la démocratisation du système - ce que le PT avait promis lui-même et qu'il n'a pas réalisé.
Contrairement à Dilma Rousseff, 60 % des députés qui ont voté en faveur de sa destitution sont poursuivis par la justice. Tout le monde connaît le cas de la députée du PSD brésilien, Raquel Moniz, qui a dédié son vote à son mari, Ruy Moniz, maire de Montes Claros, présenté comme l'exemple de gestionnaire public aux mains propres. Il a été arrêté le lendemain matin par la police fédérale pour son implication dans la corruption.
L'argument de la transparence n'a aucune crédibilité dans la bouche des corrompus. Par exemple les organisateurs de ce coup d'État :
• Michel Temer, actuel vice-président et prétendant à la succession à la présidence, est suspecté dans les enquêtes du " Lava Jato ».
• Eduardo Cunha, père de l'impeachment et Président de la Chambre des députés, est accusé devant la Cour suprême fédérale dans l'affaire de " Lava Jato » et risque de perdre son mandat pour avoir menti à la commission d'enquête parlementaire en cachant ses comptes bancaires à l'étranger. La vérité, c'est que le processus de la destitution d'Eduardo Cunha est beaucoup plus lent que celui de l'impeachment de Dilma Rousseff… et on verra si la gratitude de la droite brésilienne ne signifiera pas pour lui amnistie et impunité.
À l'issue des 72 heures de débats dans la Chambre des députés une question s'impose : l'impeachment résout-il de quelque façon que ce soit le problème de la corruption ? La réponse négative s'impose. Ce qui saute aux yeux, c'est que l'impeachment est une victoire de la corruption. L'impeachment c'est une victoire d'un système inique et d'une droite conservatrice qui a vu là une occasion pour s'emparer du pouvoir.
Il est vrai que l'impeachment est un instrument légal, mais il a des règles prévues par la Constitution. Lorsque les causes qui le justifieraient sont fausses, quand il y a des motifs politiques mais aucun motif juridique, lorsque les preuves manquent, que les arguments sont contrefaits, alors nous assistons à une farce, à un putsch des opportunistes.
Pour masquer le népotisme et pour protéger leurs propres intérêts, les putschistes ne se sont pas limités à s'opposer au gouvernement, ils s'en sont pris à la Constitution et, avec elle, à la démocratie. La question est de savoir s'ils oseront réviser la Constitution de 1988, car, tout compte fait, il suffit qu'une majorité de députés s'unisse pour la cause des mêmes épouses et petits-enfants.
Le Bloc de gauche ne vient pas aujourd'hui à cette tribune pour discuter des gouvernements, des gouvernants et de leurs options politiques. Ici nous nous levons en défense de la démocratie ainsi que de nombreux démocrates, pour déplorer qu'au Brésil un gouvernement élu ne puisse pas tomber du fait du vote populaire, mais du fait d'un putsch au nom des intérêts des corrupteurs et des corrompus.
Ceux-là mêmes qui nous ont accusés d'ingérence lorsque nous défendions la démocratie en Angola n'ont pas hésité à défendre le putsch au Brésil. Par conséquent, et avant que l'hypocrisie des intérêts ne perturbe votre raisonnement, nous sommes ici pour vous rappeler que le rôle des démocrates est de défendre la démocratie, partout et toujours.
Il y a quelques semaines, lorsque le Bloc de gauche s'est clairement prononcé contre le coup d'État de l'impeachment, il n'a pas manqué de contradicteurs qui nous ont accusés de complicité et de dissimulation. Comme je l'ai dit, personne ne peut espérer que le Bloc se taise ou qu'il soit complaisant devant les privilèges et les abus du pouvoir. Mais maintenant, après ce que tout le monde a pu voir au cours des dernières semaines au Brésil, je pose la question à tous les députés et en particulier à ceux des bancs de la droite parlementaire : Pensez-vous vraiment que c'est pour la démocratie et pour la transparence que la droite putschiste a agi au Brésil ? ■
* oana Mortágua est députée et membre de la direction nationale du Bloc de gauche du Portugal. Nous reproduisons ici le texte écrit de sa déclaration politique devant le Parlement du Portugal le 21 avril 2016, qui a été d'abord publié par Esquerda.net : http://www.esquerda.net (Traduit du portugais par JM).