Disons d'emblée qu'en dépit d'une différence de ton et de style (à l'avantage du "refondateur"), ces deux livres partagent un même point de vue et utilisent la même terminologie approximative pour tenter de le définir.
Pour eux, l'ère des révolutions est close avec l'effondrement du "socialisme réel" : les diverses tentatives de rupture brutale avec le capitalisme sous la direction d'une "avant-garde éclairée" n'ont mené qu'à de nouvelles sociétés d'oppression. Le marxisme est à revoir de façon non dogmatique et au seuil du troisième millénaire on ne peut plus considérer la lutte de classe comme le moteur de l'Histoire. C'est maintenant à chaque individu de s'approprier la maîtrise de sa vie.
Certes, Robert Hue est particulièrement exaspérant avec sa manière de personnaliser à outrance ses réflexions et ses conseillers en communication sont certainement à l'origine de ce "produit" dont la seule première demi-page comporte 13 fois le pronom (très) personnel "je". Mais en ce qui concerne le flou des expressions et des perspectives esquissées, on peut dire que nos deux auteurs sont sur la même longueur d'ondes : c'est plusieurs fois par page que l'on retrouve le "dépassement du capitalisme", "l'intervention citoyenne", le "progressisme", les "traces" qu'il faut laisser pour ne pas perdre la "visée communiste", la "radicalité" et même, pour Robert Hue, le "révolutionnement" (inconnu dans la langue française).
Aucun des deux ouvrages ne se risque à analyser d'éventuelles situations révolutionnaires qui auraient pu survenir en Europe avant et après la deuxième guerre mondiale et aucun n'ose reconnaître franchement que logiquement, d'après leur analyse, Bernstein avait eu raison contre Rosa Luxembourg, Kautsky contre Lénine et Léon Blum contre Trotski.
Quand Robert Hue fait l'éloge du mouvement qui " changera la société pour changer de société » on pense inévitablement à l'aphorisme de Berstein contre lequel s'insurgeait Rosa Luxembourg il y a tout juste un siècle : " Pour moi le but final, quel qu'il soit, n'est rien, le mouvement est tout ».
Certes la société a profondément changé depuis cette époque mais elle est demeurée capitaliste et personne n'a encore pu démontrer que par un "mouvement" fait de réformes successives on parviendrait à faire du salarié autre chose qu'un vendeur de sa force de travail et du capitaliste un individu qui pour survivre dans la jungle de la concurrence doit réaliser le maximum de profit au détriment du salarié.
On va bientôt célébrer le 80e anniversaire de l'assassinat de Rosa. C'est l'occasion de relire son Réforme sociale ou révolution. On y découvrira que le " nouveau projet » communiste n'a vraiment pas le privilège de la nouveauté... ■
Dans Inprecor
2. Robert Hue, Communisme, un nouveau projet, Stock, janv.I999.