Modification du prix de la force de travail en Chine

par Jack Radcliff
é Andrew Hitchcock

19 février 2012

La Chine connaît des pénuries de main-d'œuvre. Cette tendance se confirme avec la fin des fêtes Nouvel an où plus de 100 millions de travailleurs migrants sont retournés chez eux pour passer ces fêtes avec leur famille. Avec la fin des vacances, des villes comme Beijing, Shenzhen et Guangzhou sont confrontées à un manque criant de main-d'œuvre. Dans le but d'attirer de nouveaux travailleurs et de pousser à revenir ceux qui sont en poste, certaines entreprises offrent des primes. Certaine entreprises offrent même une prime à ceux qui reviennent accompagnés avec de nouveaux candidats à l'embauche. Dans de nombreux secteurs, des augmentations salariales allant de 10 à 30% sont maintenant devenues la norme.

La province du Shandong n'a pas récupéré un bon tiers de sa force de travail migrante et la province du Hubei a enregistré une perte de plus de 600 000 travailleurs.

Synthèse

Jusqu'à présent, le pays obtenu sa croissance économique en déplaçant un grand nombre d'agriculteurs vers des emplois industriels. Aujourd'hui, la limite semble atteinte, ce qui pousse à une augmentation des salaires. En outre, la hausse des coûts de la vie dans les grandes villes — notamment du logement — et l'amélioration des conditions dans les zones rurales poussent aujourd'hui un grand nombre de travailleurs à chercher un travail plus proche de chez eux.

Il y aussi un changement générationnel dans la main-d'œuvre. La génération la plus âgée, qui a connu les période brutales du maoïsme, a été contrainte à tout accepter pour améliorer ses conditions de vie et tout simplement pouvoir manger. C'est elle qui servi de base au modèle de main-d'œuvre migrante sur lequel l'industrie chinoise repose, avec des très longues durées de travail (six à sept jours par semaine avec des journées parfois de 14 heures) dans des conditions insalubres et avec des salaires misérables. Comme cela a été illustré par les conditions de travail chez Foxconn — le plus gros exportateur et un des plus gros employeur de Chine qui fabrique des composants pour Apple, Hewlett-Packard et Dell — il y a encore beaucoup de travailleurs migrants qui vivent et travaillent selon ce modèle (1). Les travailleurs migrants sont logés près des usines souvent dans des dortoirs.

Mais aujourd'hui la jeune génération n'est plus disposée à supporter de telles conditions s'il n'y a pas un espoir rapide d'amélioration de ses conditions. Selon un rapport du gouvernement, 70 % des migrants ruraux ont maintenant moins de 30 ans. Ils ont grandi pendant la reprise économique capitaliste et n'ont pas connu les périodes maoïstes précédentes.

Aujourd'hui, ces travailleurs migrants se sentent suffisamment en sécurité pour commencer à être exigeants. Ils revendiquent des salaires plus élevés, des prestations de base, de meilleures conditions de travail et des emplois moins difficiles physiquement.

Ce n'est qu'un début mais, pour de nombreuses usines, ces demandes sont trop coûteuses pour être acceptables. Pour le gouvernement et les capitalistes chinois, qui viennent de passer les trois dernières décennies à exploiter une main-d'œuvre très bon marché sans se préoccuper de leurs conditions de travail, on entre dans une ère nouvelle, inconnue et dangereuse. Ces revendications portent un sérieux coup à l'avantage compétitif qui a permis aux usines chinoises de devenir des mastodontes internationales. ■

* Jacques Radcliff est rédacteur pour Inprecor. Les informations de cet article sont tirées d'un article de Michelle Dammon Loyalka, journaliste du New York Times vivant à Pékin.

notes
1. Après le tollé international créé par les informations sur les conditions de travail dans ses usines chinoises, Foxconn a annoncé qu'il allait augmenter ses salariés de 25% avec des augmentations pouvant aller jusqu'à 400 dollars par mois (NYT, 19/02/2012). Il reste à voir si elles seront vraiment réalisées où s'il s'agit d'annonces bidon habituelles dans cette entreprise.