Malgré le silence persistant des chaînes de la TV, la tentative d'assassinat au vitriol contre la syndicaliste immigrée (bulgare) Kostantina Kouneva, secrétaire générale du syndicat des nettoyeuses de la région d'Athènes, a secoué l'opinion publique et est en train de mettre le feu aux poudres dans la société grecque. Meetings, manifestations, occupations des bâtiments publics et autres actions de protestation exemplaires se succèdent à Athènes, Thessalonique et dans les villes de province, tandis que se multiplient les actes de solidarité des citoyens " anonymes » avec la victime et son syndicat.
L'émotion des uns et la rage des autres sont facilement compréhensibles si on tient compte que cette affaire est exemplaire de tout point de vue. D'abord, à cause de l'extrême barbarie des assassins : ils ont déversé une énorme quantité de vitriol non seulement sur le visage mais aussi dans la bouche de la victime qui n'a plus ni estomac ni œsophage. Ensuite, en raison du fait que K. Kouneva est non seulement à la fois femme et immigrée, mais aussi dirigeante d'un syndicat qui organise les plus exploitées et opprimées des précaires, et qu'elle est à l'avant-garde du syndicalisme de classe et de combat !
Mais, l'exemplarité de cette affaire s'explique mieux quand on sait qu'on a ici une tentative d'assassinat annoncée, l'aboutissement d'une très longue série de menaces et de violences de tout ordre, d'une véritable terreur patronale ayant comme cible Kostantina et ses camarades ! Et tout ça de la part d'un patronat mafieux très lié à cette social-démocratie néolibérale qui a introduit et généralisé la sous-traitance dans le secteur public sous les gouvernements Simitis (1996-2004) : le patron de Kouneva a été candidat du PASOK aux dernières élections préfectorales…
En somme, cette affaire, arrivant dans la foulée de la grande révolte de la jeunesse, contient tous les ingrédients d'un cocktail social et politique plus explosif ! Mais, à une condition : que la réaction en solidarité avec Kouneva et son syndicat et contre la terreur patronale soit massive et se fasse dans l'unité. D'ailleurs, c'est ce que demandent les camarades de Kostantina, c'est ce que souhaite la société grecque révoltée. Alors, unité d'action sans aucune exclusion de tous ceux qui, allant de Syriza à l'extrême gauche et même aux libertaires et autonomes, se mobilisent déjà pour préparer une riposte d'envergure digne de la colère populaire provoquée par la barbarie du crime accompli. Tant en Grèce que partout en Europe…
Communiqué de presse du 25 décembre 2008
de l'Union des Nettoyeuses et du Personnel Domestique d'Attique1
Nous dénonçons la tentative d'assassinat contre Kostantina Kouneva, (secrétaire générale du syndicat des nettoyeuses)
Lundi 22 décembre 2008, vers 24h10, Kostantina Kouneva, secrétaire générale de l'Union des Nettoyeuses et du Personnel Domestique d'Attique, rentrant chez elle après son travail, a subi un attentat contre sa vie avec de l'acide. Elle est hospitalisée dans un état critique à l'unité des soins intensifs de l'hôpital Evangelismos, ayant subi des lésions graves aux yeux et au visage, avec comme conséquences la perte de la vue d'un œil et des lésions permanentes à d'autres organes vitaux. Sa vie est en danger.
Kostantina est femme, mère d'un enfant, travailleuse, syndicaliste et immigrée. Mais tout ça ne lui suffisait pas, elle voulait et persistait à être une vraie syndicaliste luttant pour les droits des travailleurs. Une telle insolence ne pouvait être tolérée. Elle devait être ciblée et punie !!!
Kostantina et le syndicat des nettoyeuses essayent sans cesse depuis des années de tirer le rideau pour dévoiler tout ce qui est caché derrière les sous-traitances, plus spécialement aux services publics. Silence !!! L'État dort et ne comprend pas ! Les directions des organismes, des entreprises, des hôpitaux dorment et ne comprennent pas. Le syndicalisme officiel ne comprend pas !
Chaque jour, sont perpétrés des petits et des grands crimes, les droits de l'homme sont bafoués, la dignité humaine est raillée et tous feignent de ne pas comprendre. Le ministre, l'administrateur de l'hôpital, le président de l'organisme répondent d'une même voix :" moi cela ne me concerne pas ». Mais, tous les droits du travail sont bafoués, ils ne nous donnent pas nos timbres des assurances sociales, ils ne nous payent pas les heures qu'on a travaillé, ils nous obligent à signer des feuilles blanches avec des salaires qu'ils ne nous ont jamais donnés, lors de l'embauche nous signons en même temps notre départ de plein gré, ils déclarent des heures fictives, ils ne nous payent pas les heures supplémentaires, ils n'accordent pas la pénibilité et nous ne pouvons pas fonder nos droits à la retraite, ils nous harcèlent psychologiquement, nous soumettant au chantage avec des menaces de licenciements et de " listes noires ».
Les contremaîtres et les chiens de garde des sous-traitants mettent sur pied des syndicats patronaux pour qu'ils nous représentent. Nous le dénonçons quotidiennement aux services de contrôle, à la Sécurité Sociale, aux plus hautes instances syndicales. Nous introduisons des actions en justice, collectives et individuelles. Nous demandons des données concernant nos rapports de travail et ils invoquent la non-divulgation des données personnelles !!! Quand nous arrivons, après mille efforts, à approcher les bureaux ministériels pour que soit appliqué ce qui est évident et pour que change le régime qui permet aux patrons des entreprises publiques et privées d'avoir recours à des pratiques dignes de la Cosa Nostra, ils ne comprennent pas, même si nous révélons aux ministres que les sous-traitants du nettoyage font les mêmes saloperies avec leurs propres ministres aussi !!! Et nous sommes traitées plus ou moins de la même façon par l'Inspection du Travail et le Centre de Prévention des Dangers Professionnels quand on leur demande d'inspecter nos lieux de travail. Il y a un énorme dossier sur nos actions concernant le comportement criminel du patronat. Nous l'avons aussi dénoncé aux médias. La réponse en actes de tous est toujours la même : cela ne nous concerne pas !
Mais, est-ce possible ? Que dans votre ministère, dans votre hôpital, dans votre entreprise publique des bus urbains ou travaillait Kostantina… ne soient pas appliquées même ces lois et règlements incomplets, qu'il y ait des îlots noirs de sous-traitants ? Leur réponse est désarmante ! " Nous passons commande et nous payons les sous-traitants pour qu'ils nettoient. C'est leur affaire de choisir avec qui ils travaillent, cela ne nous concerne pas ». Kostantina a déclaré la guerre à tout ce pouvoir et c'est pourquoi ils lui ont donné cette réponse odieuse !!!
Kostantina est en danger, elle est pour le quatrième jour aux soins intensifs et aucune procédure n'est encore mise en marche pour faire découvrir les coupables ! Ils vont encore une fois tenter de répondre : cela ne nous concerne pas. Mais, nous allons insister, nous tirerons de nouveau le rideau autant qu'il le faudra, et nous allons dévoiler tout ce qui se cache derrière.
Ils ont essayé d'assassiner Kostantina Et cela nous concerne !
Nous appelons tous les travailleurs grecs et immigrés, la jeunesse qui est descendue dans les rues, chaque être humain honnête et digne à manifester sa solidarité et son soutien. Démasquons les auteurs moraux et matériels qui se cachent derrière la tentative d'assassinat contre Kostantina.
— Démasquons tous ceux qui nous tuent chaque jour parce que nous tous, Grecs et immigrés, cela nous concerne !
— Nous appelons le gouvernement à assumer ses responsabilités.
— Les coupables doivent être découverts et exposés tout de suite.
— Il faut appliquer les droits des travailleurs et casser les ghettos de travail des sous-traitants du nettoyage.
— Hors des ministères et des services publics les sous-traitants esclavagistes !
— Nous appelons tous les syndicats, toutes les collectivités et les travailleurs des mass media à nous soutenir activement.
Dévoiler le crime odieux est un devoir moral pour chaque être humain civilisé.
Le silence, c'est de la complicité !
1. Union des Nettoyeuses et du Personnel Domestique d'Attique : Email : , Forum : <www.pekop.formyjob.net>. Vous pouvez adresser vos contributions d'aide à la famille de Kostantina Kouneva au compte bancaire suivant de la Banque du Pirée (Trapeza Pireos) : Decheva Elena Todor, Kuneva Kostadina, compte n° 5012-019021-277