Succès du Bloc de gauche sur fond d'une victoire historique de la gauche

par Pedro Sales
Pedro Sales est membre de la direction de l'APSR, (Association politique socialiste révolutionnaire, section portugaise de la IVe Internationale, une des composantes à l'origine de la formation du Bloc de gauche (BE, Bloco de Esquerda). L'APSR fait suite au Partis socialiste révolutionnaire, qui s'est transformé en associaltion lorsque le Bloc de gauche s'est transformé en parti politique).

Aux élections du 20 février, le Portugal a tourné à gauche. Pour la première fois en trente ans de démocratie, le Parti socialiste (PS) s'assure, avec 45 % des suffrages exprimés, la majorité absolue au Parlement. Cette ascension électorale ne s'est pourtant pas faite au détriment des partis situés à sa gauche : le Parti Communiste Portugais (PCP), s'il est encore loin de ses résultats de 1999, parvient à freiner son irréversible déclin électoral et le Bloc de gauche (BE, Bloco de Esquerda) fait une percée sans précédent, passant de 3 à 8 député(e)s. Le BE a fait également élire l'unique groupe parlementaire paritaire, avec 4 femmes et 4 hommes (1).

 

 

 

 

PS

PSD

PCP

PP

Bloco

Élections

Voix%

Voix%

Voix %

Voix%

Voix

%

1999

2,385,922 44,06

1,750,158 32,32

487,058

8,99

451,643

8,34

132,333

2,44

2002

2,055,986

37,84

2,181,672

40,15

378,640

6,97

475,515

8,75

149,543

2,75

2005

2,573,406

45,04

1,639,240

28,70

432,000

7,56

414,922

7,26

364,407

6,38

 

Le rejet de la droite a atteint un seuil catastrophique : le Parti Social Démocrate (PSD) ne dépasse pas les 28,7 % et le Parti Populaire (PP), un parti ultra conservateur qui soutenait le gouvernement, descend jusqu'à 7,3 %. Trois années de politique s'en prenant violemment contre les droits des travailleurs et le droit à l'emploi, conduisant à l'augmentation brutale de la pauvreté et au recul vers des valeurs rétrogrades, le tout renforcé par une erreur de nomination de Santana Lopes à la tête de l'exécutif, expliquent ces résultats. L'opinion populaire a provoqué l'effondrement de la cohabitation et des directions des partis concernés.

 

Ce sont les politiques de l'austérité, de la précarisation de l'emploi et des services publics, de la criminalisation de l'avortement et de la guerre qui ont étés déroutées. C'est la politique de l'indifférence face au chômage qui a perdu. Ce 20 février 2005, les Portugais ont exigé un changement.

 

 

La chute de la Droite

Les législatives du 20 février 2005 ne se sont pas déroulées dans un contexte de normalité politique. Lorsque la droite a obtenu, lors des européennes de 2004, seulement 33 % des voix, le premier ministre d'alors, Durão Barroso, qui affirmait alors avoir compris la signification du vote des Portugais, a décidé de fuir ses responsabilités et s'est envolé vers la présidence de la Commission Européenne. En partant, et souhaitant éviter les élections anticipées, il s'en assure auprès du Président de la République, Jorge Sampaio (PS). En dépit de l'opinion de la majeure partie de la population, le Président refuse alors de provoquer des élections et permet à Barroso de passer le relais au numéro deux du parti, le maire de Lisbonne, Pedro Santana Lopes. Cette méthode " monarchique », que la population désapprouve, et le profil populiste comme le manque de consistance politique du nouveau premier ministre suffisent à renforcer l'exigence d'élections anticipées.

 

Les six mois de gouvernement de Santana Lopes auront été ponctués d'une succession de faux pas et d'incidents. Croyant que l'exposition médiatique lui garantissait une légitimation que personne ne lui reconnaissait, le nouveau premier ministre présentait quotidiennement à la télévision des propositions, suivies — sans exception — du démenti du ministre en cause. Entaché par le scandale de la rentrée scolaire (effectuée pour la première fois avec un mois de retard) et caractérisé par une nécessité absolue du contrôle éditorial de la communication (allant jusqu'à démentir une brève information affirmant que le premier ministre avait fait une sieste après un débat), ce gouvernement a sombré dans les sondages et a perdu jusqu'au soutien de l'élite de son propre parti, qui a commencé à le critiquer dans la presse.

 

Le contrôle de la communication, exercé de manière maladroitement évidente, est devenu la cible d'une critique acharnée. Le gouvernement a souffert de quelques altérations : le premier ministre a éloigné du pouvoir certains de ses " amis de toujours » et a subi la démission de l'un d'entre eux, offensé. Le manque de crédibilité du gouvernement était devenu si considérable, que face à cette " dégringolade », le PP, petit parti de la droite radicale, qui soutenait le gouvernement, a tenté d'éviter une mort annoncée par tous les sondages de l'année passée. Devant l'incapacité évidente de la coalition de droite à assurer la gestion, le Président de la République a jugé que les élections anticipées pouvaient être convoquées.

 

Cependant, dans le conflit autour de la convocation anticipée des législatives, le PS a aussi perdu son dirigeant, Ferro Rodrigues, qui a démissionné lorsque son ami Sampaio a nommé Santana Lopes après le départ de Durão Barroso. Le congrès du PS choisit alors José Sócrates pour secrétaire général. Ce dernier a fait le choix de positionner son parti au centre. En outre, le nouveau leader socialiste, et actuel Premier Ministre, a abandonné l'engagement socialiste qui prévoyait la révocation du Code du Travail, approuvée par la droite.

 

" Dis quelque chose de gauche, dis quelque chose de civique »

Cette célèbre interpellation du cinéaste italien Nanni Moretti a Massimo d'Alema (dirigeant de la démocratie de gauche italienne) résume au mieux le positionnement centriste suivi par les socialistes pour atteindre la majorité absolue. Tout en fuyant, jusqu'aux limites du possible, toutes les questions posées pendant la campagne électorale, la stratégie du PS a été celle de gérer le mécontentement populaire et l'insensibilité sociale du gouvernement pour conquérir les électeurs de droite déçus par le manque de crédibilité de Santana Lopes. Sans se compromettre, pour ne pas risquer d'éloigner un seul électeur potentiel, les socialistes se sont contentés d'attendre que le pouvoir leur soit servi sur un plateau. Le Parti socialiste a abandonné les principales préoccupations politiques de gauche faisant appel au " vote utile » sans même établir une réelle discussion politique.

 

Le Bloco a décidé de faire face à cet appel en centrant sa campagne autour de deux arguments fondamentaux. Le premier argument — " une gauche de confiance » — concerne le Bloco de Esquerda et son expérience concrète en tant que groupe parlementaire acharné dans sa lutte contre une politique de privatisation et de destruction des secteurs publics émanant de droite. Car alors que le PS passait son temps à faire opposition à ses propres dirigeants, c'est le groupe parlementaire Bloco qui s'est montré capable, par une véritable résistance à l'agressivité néolibérale, de représenter au mieux les mouvements de lutte sociale. Il a gagne la confiance grâce à une lutte respectée par la gauche sociale.

 

Le second argument consistait à présenter des propositions politiques contradictoires à celles du PS ; les électeurs de gauche pouvaient alors choisir entre deux politiques distinctes d'autant plus que le Bloco a toujours fourni des réponses claires en ce qui concerne son programme. La présentation de 10 priorités pour les 100 premiers jours a permis de centrer la campagne électorale sur des questions précises (3). Cela a été le cas en ce qui concerne l'emploi, la qualification et la formation professionnelle, la révision du Pacte de Stabilité, la reconstruction du Service National de Santé, la légalisation de l'avortement, la légalisation des immigrés, les mesures contre la concentration de la communication ou la réforme de la justice. Pendant 40 jours de campagne, ces propositions ont pu êtres discutées. Plus de 300 dirigeants de syndicats nationaux et membres de commissions de travailleurs ont approuvé les mesures présentées indiquant ainsi le début d'un changement du rapport de forces politiques au sein du mouvement ouvrier.

 

Ces deux raisons expliquent pourquoi la droite a choisi le Bloc de gauche comme un de ses principaux adversaires politiques. D'abord, étant habituée à la faiblesse de l'opposition traditionnelle, elle n'a jamais pardonné le rôle que le BE a joué dans le mouvement social contre la guerre. En particulier, la droite n'a pas oublié une affiche du BE qui est devenu l'une des icônes de cette résistance. On y pouvait voir une " photo de famille » de Bush, Blair, Aznar et Barroso, lors de la rencontre des Açores, qui a décidé la guerre, avec la phrase " Ils mentent, ils perdent ». Pour la première fois, le parti au pouvoir a consacré le temps dont il disposait à la télé et même ses affiches pour dénoncer un parti qui n'avait que trois députés. Dans les meetings et dans les débats de la télé, l'argument central du discours de Santana Lopes consistait à dénoncer un éventuel accord secret entre le Bloc et le Parti Socialiste, accusant ce dernier de livrer le pays à la " gauche radicale contre l'Union Européenne ».

 

 

La droite désemparée

Cette désorientation stratégique a été le point dominant de la campagne du PSD qui a choisi de se centrer sur la personnalisation de son leader, ce qui n'était jamais arrivé dans la politique portugaise. Le PSD était convaincu que son chef, l'un des principaux personnages de la presse du coeur, était invincible. Toute la campagne a été donc conduite autour de cet " enfant guerrier » ! Dans un premier moment de la campagne électorale, le PSD a choisi de " faire la victime » face à la décision du Président de la République ; plus tard, en ayant conscience de la défaite, le parti a commencé à répandre des bruits et des insinuations sordides sur la prétendue homosexualité de José Sócrates. Le PSD a essayé d'exploiter les valeurs conservatrices de la famille, en imitant d'une façon non critique la recette Bush et en l'appliquant à un pays qui voulait surtout connaître les réponses des partis politiques à la grave crise sociale. Finalement, Santana a changé de voie en essayant de profiter de l'émotion des électeurs catholiques provoquée par la mort de la soeur L·cia, une des " voyantes » de Fátima.

 

Face à la débâcle de la campagne du PSD, le Parti populaire, le petit parti ultra conservateur qui était aussi au pouvoir, a essayé de se séparer du poids négatif du gouvernement, en se présentant comme le garant de la stabilité de la droite. Il croyait qu'il pouvait profiter de la chute du PSD pour augmenter ses votes jusqu'à 10 % ou encore plus. La réduction de son poids électoral a démontré qu'il n'a pas d'avenir.

 

Le " Petit Paulo des foires » (c'était ainsi qu'on appelait son leader Paulo Portas dans le passé) qui consacrait les campagnes électorales à dire que le Revenu minimum garanti était un " appel à la paresse », tout en faisant appel aux sentiments xénophobes contre les citoyens gitans, avait plus de votes que le " Petit Paulo » actuel, qui se servait de la raison d'État (il était ministre de la Défense) pour s'affirmer. Le PP n'a pas d'avenir et Paulo Portas a démissionné le jour des élections en disant " que dans un pays démocrate on ne peut accepter que la démocratie chrétienne soit dépassée par un parti trotskiste ». Son argument est un résumé de l'obsession que le Bloc est devenu pour la droite.

 

 

Le PCP sectaire et opportuniste à la fois

En ayant commencé la campagne électorale avec un nouveau leader dont les idées staliniennes n'étaient pas connues des Portugais, le Parti communiste (PCP) a été bien reçu et par le peuple et par la presse. Son passé ouvrier et le fait d'abandonner le seul débat de la télé où tous les leaders des partis politiques étaient présents, à la suite d'une crise d'aphonie, lui ont permis d'acquérir une sympathie populaire que le PCP ne connaissait plus depuis longtemps.

 

Pendant la campagne, la presse parlait chaque jour des " dangers » qui pourraient se concrétiser si les politiques d'un gouvernement socialiste minoritaire étaient soumises au vote des députés du Bloc. Alors elle a tout fait pour arrêter la croissance du Bloc, en le considérant comme le principal danger de ces élections. Ça n'a pas arrêté l'hostilité du PC contre le Bloc qui a été choisi, à côté de la droite, comme l'ennemi principal. On s'est habitué, tout au long de la campagne, à entendre les militants communistes protester lorsqu'on entendait le nom du Bloc dans les meetings.

 

Quoique le Bloco ait toujours affirmé qu'il ne voulait pas une coalition avec un gouvernement PS minoritaire, en se disposant seulement à voter favorablement les propositions qui étaient en ccord avec les siennes, le PCP a utilisé la campagne électorale pour dire que le Bloc allait donner un chèque en blanc au Parti Socialiste. Mais en même temps le PCP se déclarait disponible pour constituer un gouvernement avec le Parti Socialiste. Les derniers jours de la campagne, le PCP a même disqualifié les électeurs et les électrices du Bloc. Ce sectarisme provoque la fragmentation des gauches qui sont dans l'opposition et il heurte l'opinion des électeurs du PCP.

 

 

Le Bloc, un mouvement socialement établi

Si l'ensemble de la gauche a fait un bond en avant électoral, celui du Bloc de gauche a devancé tout autre parti en passant de 150 mille à 365 mille voix. Dans la majeure partie des 22 circonscriptions électorales, le BE devient la quatrième force politique : il arrive devant le Parti Communiste Portugais (PCP) à Madère, aux Açores, à Aveiro, à Bragança, à Guarda, à Leiria, à Porto, à Viana do Castelo et à Viseu ; et devant le Parti Populaire (PP) à Beja, à Evora, à Lisbonne, à Portalegre et à Setubal. A Faro et à Coimbra, il est le troisième parti juste après le PS et le PSD. Dans 70 % des villes du pays, le Bloco est en quatrième position et dans plus de 10 % d'entre elles c'est la troisième force politique. Ses meilleurs résultats, le BE les obtient dans les communes de Entroncamento (12,8 %), de Marinha Grande (11,5 %) et de Setubal (11,4 %), villes symboles du mouvement ouvrier portugais et où la main-d'œuvre industrielle a encore un poids certain dans la composition sociale de l'électorat.

 

Les résultats électoraux nous montrent le développement d'une tendance déjà pressentie lors des dernières élections européennes et confirment que le vote pour le BE ne se limite plus à certaines communes des grandes zones métropolitaines de Lisbonne et Porto en se répartissant de façon plus équilibrée sur l'ensemble du pays. Pour les zones de moins de 5 mille électeurs, le Bloco a obtenu près de 230 mille voix et une moyenne de 8,5 % alors que pour les zones de plus de 5 mille électeurs, le résultat atteint presque 140 mille voix et une moyenne de 5,7 %. Un changement radical par rapport à 2002, élections pendant lesquelles 60 % des voix obtenues par le Bloco provenaient des zones de plus de 5 mille électeurs.

 

En plus du vote des grands centres urbains, le Bloc a obtenu de nombreuses voix dans plusieurs communes de la plupart des districts et régions autonomes sans compter avec une augmentation dans les zones rurales ou semi-rurales. Dans tous les districts, il y a des communes où le vote pour le BE a doublé ou triplé, non seulement pour celles où dominent les secteurs de services, mais aussi pour celles où l'industrie maintient un poids important. Le vote pour le BE s'est affirmé par sa diversité populaire, faisant fi de la dévalorisation systématique de certains journalistes politiques qui le présentaient, lors même de sa fondation, comme une mode passagère des jeunes élites urbaines sans implantation sociale. L'analyse des résultats dans les différents circonscriptions, indique, en tout cas, le profil jeune du votant. Il est fréquent que le pourcentage dépasse les deux dizaines en ce qui concerne les plus jeunes électeurs. Cependant, vu l'augmentation du nombre d'électeurs, on peut remarquer une certaine disparité entre les votants les plus âgés et les plus jeunes. Cette nouvelle capacité d'attrait de différents secteurs de l'électorat permet au BE de développer une plus grande représentativité socioculturelle.

 

Apparemment, l'idée semble se confirmer : aucun parti n'est propriétaire des voix de ses électeurs. Le Bloc, avec son profil populaire, a aujourd'hui plus de force pour faire face au chantage du " vote utile » traditionnellement exercé par le PS.

 

 

Construire une alternative socialiste

Le PS a bénéficié des appels qu'il a faits à la stabilité et de la position au centre où il s'est placé. C'est pourquoi il a reçu aussi bien l'appui de beaucoup de groupes économiques importants, partisans des privatisations, et de vastes secteurs populaires voulant maintenir les conquêtes sociales. Sa base électorale est donc hétérogène et contradictoire. La politique de son gouvernement ne sera pas celle d'une rupture avec le modèle de l'économie libérale. Les élections ont créé un état d'expectative. Le PS occupe, tout seul, le centre.

 

Mais les résultats électoraux confirment qu'il y a un énorme espoir de changement. Le PS a obtenu la majorité absolue, mais la gauche a eu un résultat historique, en ayant obtenu presque deux tiers des sièges au Parlement. Le Bloc de gauche interprète ces résultats comme l'expression d'un désir de rupture avec le gouvernement néolibéral de droite, partisan de la privatisation et du démantèlement de la qualité des services publics.

 

La composition du nouveau gouvernement socialiste a confirmé les pires expectatives en particulier celles qui concernent la continuité des politiques libérales. Dans plusieurs domaines les décisions du gouvernement sont encore inconnues, parce qu'il n'y a pas d'engagements électoraux. Les ministres de l'économie et des finances sont des technocrates libéraux. Il faudra suivre l'activité de l'exécutif pour connaître ses orientations politiques.

 

Fidèle à ses engagements électoraux, le Bloc de gauche présentera à l'Assemblé de la République les principales propositions qu'il a faites pendant la campagne électorale : — D'abord celles qui concernent la révision du Code du Travail, en proposant de nouvelles lois (sans s'opposer à la nomination d'une commission du travail pour établir une systématisation de l'ensemble de la législation du travail afin d'obtenir la révocation du code imposé par l'ex-ministre Bagão Félix).

 

— La question de la dépénalisation de l'avortement constitue pour le Bloc la pierre de touche, par son importance démocratique, par le respect aux droits humains, voire par son caractère symbolique dans la société portugaise. Les hésitations de la nouvelle majorité et la tendance à ajourner cette question redonnent un souffle nouveau à la droite et constituent une inadmissible punition pour les femmes. C'est une perte de temps !

 

— Un temps qui se perd aussi quand on ne répond pas avec des mesures contre le chômage et contre le manque de qualité des services publics. Tout indique que la période de " l'état de grâce » de ce gouvernement sera du temps perdu pour les urgences de caractère social.

 

Le Bloc de gauche doit aussi s'affirmer et augmenter sa force hors du Parlement. En tant qu'une des forces de la gauche socialiste moderne, il faut repenser de nouveau ses caractéristiques de parti/mouvement, plus enraciné, plus représentatif du point de vue social, attentif à tout ce qui se passe dans l'espace public. C'est pourquoi le thème central choisi pour les débats de la quatrième Convention Nationale du Bloc, qui se tiendra en mai, sera : " Le Bloc en tant qu'alternative socialiste pour le pays ». La confiance que les électeurs nous ont manifestée nous place devant un regard beaucoup plus exigeant et nous impose d'augmenter notre capacité de répondre d'une façon plus efficace à l'implantation sociale de notre parti.

 

Les résultats des dernières élections ont modifié le profil du parti : maintenant, le Bloc est un parti national, jeune mais ayant pénétré dans des groupes plus âgés, populaire et non seulement restreint aux classes moyennes urbaines. Les nouvelles formes d'organisation du Bloc devront réfléchir cette nouvelle réalité. Le Bloc doit se lier à toutes les gauches non capitalistes, et d'abord à celles qui se trouvent dans l'espace européen. Le travail en réseau des partis de la gauche alternative appartenant aux anciens et aux nouveaux mouvements sociaux est une condition pour l'émergence de nouvelles modalités d'action, originales et imaginatives ; il représente aussi une façon d'échanger des expériences émancipatrices où les objectifs collectifs se croisent avec la réalisation personnelle et subjective.

 

Dans l'Europe, en particulier, il faut réunir des énergies contre le traité constitutionnel européen, mais aussi contre les directives qui proposent des semaines accablantes de travail de 65 heures et qui présentent la flexibilité de la dérégulation des rapports du travail comme le seul chemin de la compétitivité.

 

Le nouveau cadre politique stimule et permet un nouveau mouvement de participation sociale de la part de tous les réseaux d'intervention sociale. Tout le potentiel revendicatif, en particulier concernant le chômage et la pauvreté, qui était étouffé par le pouvoir de la droite, peut désormais s'exprimer. Notre engagement se fait exclusivement avec la lutte sociale ; la lutte sociale est la seule forme d'obtenir des victoires contre un gouvernement qui a une majorité absolue. Un gouvernement PS n'est pas un tranquillisant de la lutte sociale. Au contraire, le combat contre ce gouvernement est l'espace démocratique du conflit. Face à l'actuelle conjoncture, la défense et l'élargissement de l'intervention de l'État dans la sécurité sociale, dans la santé et dans l'éducation seront l'expression de l'antagonisme contre la rhétorique de Sócrates. La tâche du Bloc dans les prochaines années sera exigeante, mais aussi stimulante. Il devra être capable de donner une voix à ce mécontentement et de bâtir l'opposition socialiste qui pourra refondre le champ de la gauche à la gauche du gouvernement.

 

1. Inprecor n° 501/502 de janvier-février 2005 a publié un dossier présentant la campagne électorale du Bloc de gauche.

 

2. Cf. Inprecor n° 495/496 de juillet-août 2004

 

3. Inprecor n° 501/502 de janvier-février 2005 a publié les 10 priorités du Bloc de gauche pour les 100 premiers jours d'un gouvernement souhaitant entamer un profond changement de la politique menée jusque-là.