Raul Pont, ex-maire de Porto Alegre et un des fondateurs du Parti des travailleurs (PT), rejette la polarisation proposée par Berzoini. Pour lui, le second tour ne sera pas un affrontement entre ceux qui défendent et ceux qui ne défendent pas le gouvernement Lula, mais un débat sur les politiques qui ont entraîné le PT dans la crise.
Député dans l'État de Rio Grande do Sul, de la tendance Démocratie socialiste, Raul Pont participera au second tour des élections internes du PT, prévues pour le 9 octobre, contre le député fédéral, Ricardo Berzoini, du Camp majoritaire. Arrivant troisième au début du décompte des voix du premier tour du Processus d'élection directe (PED), Pont a progressé dans le décompte de la vérification, pratiquement bulletin après bulletin lors du décompte des dernières urnes, face à Valter Pomar, candidat d'Articulation de gauche. Maintenant, l'ex-maire de Porto Alegre se prépare pour un nouveau combat, avec le défi d'unifier les secteurs de la gauche du parti, de contrer les dissidences qui menacent de quitter le parti et de parvenir à obtenir aussi l'appui de ses secteurs plus modérés pour tenter de mettre en échec le camp majoritaire au second tour.
Ce sera un nouveau défi politique dans la vie de ce ga·cho d' Uruguaiana, qui est au PT depuis le début. Pont a commencé son militantisme politique dans le mouvement étudiant de la fin des années 1960, lorsqu'il a été élu président de la Direction centrale des étudiants de l'Université fédérale de Rio Grande do Sul. Diplômé d'histoire et docteur en Sciences politiques de l'Université de Campinas (Unicamp), il a enseigné l'économie et la sociologie politique à l'Université. Député étatique et fédéral durant quatre législatures, il a été aussi maire de Porto Alegre, où il a participé à l'instauration du budget participatif.
Ferme défenseur de la participation populaire en tant que politique de gestion publique et de promotion de la citoyenneté, Pont est auteur de livres tels "De la critique du populisme à la construction du PT", "Brève histoire du PT, des origines au premier congrès, 1979-1991", "Démocratie, participation, citoyenneté — une vision de gauche". En 2002 il a été élu une fois de plus député dans l'État de Rio Grande do Sul, arrivant en tête des candidats du PT et en seconde position parmi les élus, avec 69 453 votes.
Dans l'interview accordée à Carta Maior, Raul Pont analyse la signification de l'affrontement avec Ricardo Berzoini à un moment où le PT fait face à la plus grave crise de son histoire. Il rejette la polarisation mise en avant par le candidat du camp majoritaire, selon lequel l'affrontement du second tour sera entre ceux qui défendent et ceux qui ne défendent pas le gouvernement Lula. " Berzoini essaye de créer un débat vicié et fallacieux », dit Pont, indiquant quel devrait être le ton de sa campagne qui tentera de convaincre la majorité des militants du PT que ce dont il est question est de fournir une orientation nouvelle au parti.
Carta Maior : Selon vous, quelle est la signification de l'affrontement de ce second tour à un moment où le PT traverse la plus grave crise de son histoire ?
Raul Pont : Une des principales conclusions que nous pouvons tirer du premier tour, c'est qu'il fut une démonstration de la vitalité et de la force du militantisme du parti. La base militante a répondu à l'appel de se saisir non seulement de la question de la succession interne, mais avant tout d'affronter la campagne qui a été construite ces derniers mois, au milieu de la vague de dénonciations de la corruption, qui s'est transformée en une attaque directe contre le parti. Pour beaucoup de nos adversaires cette campagne visait à détruire le PT en tant que force politique. Et notre militance a donné une vigoureuse réponse à cela. Maintenant, au second tour, il s'agit de renforcer cette mobilisation et de travailler pour donner une nouvelle orientation au parti.
Carta Maior : Comment appréciez-vous les chances de votre candidature dans ce combat ?
Raul Pont : Si nous faisons la somme des six courants qui se sont opposés au camp majoritaire, nous obtenons près de 170 000 membres (1) qui se sont prononcés en faveur de thèses critiques de la direction actuelle du parti et de la manière dont le PT a conduit certaines des politiques du gouvernement Lula, en particulier dans le domaine économique. Ces votes expriment clairement une aspiration à réorienter le parti et le gouvernement. Nous avons des critiques, nous voulons corriger ces orientations, sans quitter le parti et sans cesser de défendre le gouvernement. C'est ce qui a reçu le soutien massif des membres et qui, nous le croyons, pourra s'exprimer dans le second tour. Il n'y a aucune garantie que cela se produira, mais les conditions sont favorables.
Carta Maior : La décision de Plínio de Arruda Sampaio de quitter le parti, avec un groupe de parlementaires et de militants, nuit-elle à votre campagne du second tour ?
Raul Pont : Je considère cette décision de Plínio, d'Ivan Valente et d'autres camarades comme une erreur politique. C'est une attitude lamentable, car elle prend le chemin de l'éclatement et de l'atomisation de la gauche et n'aide en rien à donner une nouvelle orientation à l'expérience la plus importante que la gauche brésilienne ait construite. Cela nous portera préjudice, mais je crois que la majorité des membres qui ont voté en faveur de la candidature de Plínio resteront dans le parti et nous soutiendront au second tour. Pour cette raison je ne crois pas que nous ayons perdu la majorité de ces votes. Selon ce qui a été annoncé jusqu'à maintenant, la décision de sortir du PT se limite à l'APS (Action populaire socialiste). De larges secteurs liés à l'église catholique et les tendances Forum socialiste et Brésil socialiste (qui ont soutenu Plínio) resteront avec nous au second tour. Mais c'est lamentable. Dans divers débats que nous avions réalisés pour le premier tour, Plínio avait dit qu'il soutiendrait au second tour la candidature de gauche qui arriverait en tête. Les autres candidatures de ce camp ont fait le même engagement. En se retirant du parti, il affaiblit cette unité.
Carta Maior : Comment comptez-vous dépasser cet obstacle pour pouvoir réorienter le parti ?
Raul Pont : Nous défendons l'unité de toutes les forces qui s'opposent à la manière dont le camp majoritaire a dirigé le parti, avec l'objectif d'orienter le PT sur une voie nouvelle. Dans ce but nous défendons, ce que nous avions formulé dès le début : la convocation d'un congrès du parti avant la fin de l'année et nous voulons mener à son terme le processus d'évaluation des irrégularités qui ont été commises et de la sanction de ceux qui en ont été responsables. En ce qui concerne le congrès, il ne s'agit pas seulement d'actualiser notre programme et de préparer le parti pour les élections de 2006, mais aussi de définir une politique pour infléchir, à court terme, l'orientation du gouvernement. Nous voulons modifier, par exemple, la politique qui établit un impressionnant excédent budgétaire primaire — un mécanisme qui assure le transfert d'une part très importante des économies faites par le pays à la rente financière. Nous voulons préparer le gouvernement et le parti pour affronter un second mandat. Pour cela, nous affirmons que nous avons besoin d'une politique d'alliances différente de celle pratiquée jusqu'à maintenant. Nous défendons aussi la reprise du débat stratégique sur le socialisme pétiste. Nous avons besoin de retrouver le nord d'une utopie pour notre stratégie. Sans cela, nous n'irons nulle part.
Carta Maior : Quelle doit être votre stratégie pour la campagne du second tour, qui, comme nous le savons, sera très brève ?
Raul Pont : C'est vrai. Nous aurons peu de jours pour faire la campagne. Je crois qu'il serait important de réaliser au moins un grand débat transmis à l'échelle nationale, comme le débat avant le premier tour qui a été transmis par CBN. Nous n'aurons pas le temps de nous rendre dans tous les États. Nous avions la prétention de nous rendre dans les États que nous n'avions pu visiter avant le premier tour, mais nous devrons concentrer nos forces dans les principaux collèges électoraux. Ce n'est pas une entorse. Par exemple São Paulo constitue le plus grand collège électoral du pays et c'est là que se trouve la force principale de Berzoini. Outre São Paulo, nous avons d'autres grands collèges électoraux tels Rio de Janeiro, Minas Gerais et Paraná, ou est concentrée la majorité des membres du parti. A Rio Grande do Sul et à Santa Catarina nous pouvons déjà compter sur le soutien annoncé d'autre courants de la gauche, comme c'est le cas de l'Articulation de gauche. Nous devons nous garantir le soutien à São Paulo, Paraná, Minas Gerais et Rio de Janeiro, car ce sont les principaux collèges électoraux. Nous avons environ une semaine et demie pour faire cela et pour nous rendre là où ce sera possible.
Carta Maior : Le candidat Ricardo Berzoini a dit que le second tour sera une élection polarisée entre ceux qui défendent et ceux qui ne défendent pas le gouvernement Lula. Comment évaluez-vous cette affirmation ?
Raul Pont : C'est une fausse polarisation que Berzoini tente d'imposer. Il essaye de créer un débat vicié et fallacieux. La question n'est pas d'être contre ou en faveur du gouvernement Lula. La question débattue par l'ensemble du parti est la crise que nous vivons aujourd'hui. Il s'agit de savoir si la politique d'alliances qui a été adoptée a donné de bons résultats, si elle nous a conduit à un bon objectif. Et à cette question la réponse est négative. C'est de cela que nous avons besoin de débattre et d'y apporter une réponse. En fin de compte, cette politique d'alliances a-t-elle été positive pour le parti ? La gouvernance construite avec ces forces a-t-elle aidé notre gouvernement à réaliser les réformes et les politiques qu'il prétendait réaliser ? Il semble évident que non. Aujourd'hui même nous sommes une fois de plus mis en difficultés dans l'élection de la présidence de la Chambre des députés. Et c'est à partir de cette évaluation que nous formulons nos critiques et faisons notre bilan et non à partir de cette polarisation fallacieuse. Tout le PT a élu et défend le gouvernement. Ce dont nous avons besoin, c'est de discuter comment le faire avancer et comment ne pas répéter les erreurs qui ont été commises et qui nous coûtent très cher à tous.