Déclaration adoptée par le Bureau exécutif de la IVe Internationale le 22 octobre 2006.
Pour la 12e fois depuis 1998, le peuple vénézuélien a rendez-vous avec les urnes le 3 décembre prochain. Pour la 12° fois, le peuple vénézuélien devra mettre en échec la droite vénézuélienne, bras électoral d'une stratégie impérialiste d'affaiblissement du processus vénézuélien.
Ce sera aussi l'occasion de démontrer que, malgré les limites de l'action du gouvernement en faveur des travailleurs et des plus pauvres du Venezuela, en dépit du maintien d'une structure d'État issue de la démocratie bourgeoise, Hugo Chavez est un point d'appui décisif pour la victoire du processus révolutionnaire vénézuélien.
1. Battre la droite impérialiste
Le gouverneur du Zulia, la province la mieux dotée en pétrole, proche des milieux séparatistes, adoubée par toutes les forces de la droite vénézuélienne et par le département d'État des États-Unis, Manuel Rosales est le candidat d'une droite qui veut défaire tout ce que le processus révolutionnaire a mis en œuvre depuis 1998. Les acquis démocratiques que les vénézuéliens ont gagné par leurs luttes depuis 1989 — en passant par la défaite du coup d'État de 2002, le lock-out de l'hiver 2002-2003, les multiples tentatives de déstabilisation armée et économiques — seraient immédiatement remis en cause pour revenir à un État strictement au service des possédants.
Nous ne sommes pas toujours d'accord avec Hugo Chavez dans ses choix de politique internationale qui confond parfois diplomatie et internationalisme. Il en va ainsi des blancs-seings qu'il a délivré au gouvernement biélorusse, iranien ou au Parti Communiste Chinois. Provoquer le gouvernement des États-Unis n'implique pas de faire passer pour des progressistes des gouvernements qui mènent des politiques anti-populaires, même dans le cadre d'une politique internationale liée au caractère pétrolier du Venezuela.
Cependant, ces désaccords ne sauraient cacher notre appui à nombre de prises de position du gouvernement vénézuélien qui mène une politique sans concession face aux États-Unis. Ses oppositions successives aux guerres impérialistes, le retrait de son ambassadeur en Israël pour protester contre la guerre au Liban, sa condamnation de l'intervention armée en Haïti, sa condamnation sans appel de la politique de Tony Blair au Moyen-Orient, son appui non dissimulé à la gauche latino-américaine, son activisme diplomatique en Afrique (le Venezuela est devenu le pays latino-américain le plus présent sur le continent africain avec Cuba) et au Moyen-Orient ont fait de Chavez une des figures de proue de la lutte anti-impérialiste.
Une large victoire de Chavez serait un appel aux luttes sur l'ensemble du continent. Ce serait de nouveau la preuve qu'on peut, même président d'un État, maintenir des positions intransigeantes.
2. Vers une Venezuela socialiste, favoriser l'auto-organisation, rompre avec le modèle capitaliste
Au Venezuela, la situation reste marquée par un processus révolutionnaire. Une bataille est en cours entre deux courants. D'un côté ceux qui estiment que le plus gros est fait, qu'il faut maintenant gérer les affaires courantes au mieux pour la population mais dans le cadre du capitalisme mondial réellement existant et y trouver la place du Venezuela. De l'autre les partisans d'une accélération, d'un approfondissement du processus, souvent relayés par Chavez lui-même et probablement majoritaires dans le pays qui estiment que les conquêtes démocratiques et sociales ne sont qu'un tout premier pas vers l'objectif affiché qui est " le socialisme du XXIe siècle », traduit par la centrale syndicale UNT par " un socialisme sans bureaucrates, ni patrons, ni latifundiaires ».
Les travailleurs organisés dans les entreprises jouent un rôle de plus en plus important dans le processus vénézuélien, rejoignant l'avant-garde qui s'est auto-organisée dans les quartiers populaires pour résister à la police de la droite, obtenir l'amélioration de ses conditions de vie, voire gérer directement les quartiers.
La rébellion contre les bureaucrates incrustés dans l'appareil d'État, qu'ils soient issus de l'ancien appareil d'État ou nés au sein du bloc " bolivarien » au pouvoir se heurte à une série d'obstacles mais elle avance, au sein du mouvement syndical, dans les milieux paysans, au sein des communautés populaires voire dans les batailles électorales. Elle est un élément essentiel de l'avancée du processus bolivarien.
Les luttes pour la terre, les mobilisations de plus en plus importantes des populations les plus pauvres pour de nouveaux et meilleurs services publics, la santé, l'éducation, l'eau ; l'aspiration à ramener le pouvoir au plus proche de la population montre la profondeur du processus révolutionnaire et la disposition du peuple vénézuélien à continuer à se mobiliser.
Les secteurs les plus combatifs regroupés autour de l'Union Nacional de Trabajadores, du Front Ezequiel Zamora (la centrale paysanne), de l'Association Nationale des Medias Communautaires Libre et Associatifs ou des forces politiques telles que le Partido Revolucion y Socialismo, le Proyecto Nuestra America, ou l'association étudiante Utopia ainsi que des milliers de militants non-organisés collectivement mais essentiel dans les processus d'auto-organisation le disent depuis des années : pour libérer toutes ces énergies, pour que la révolution demeure, qu'elle prenne définitivement le pouvoir, il faut s'attaquer aux structures politiques du pays, mettre à bas l'appareil d'État reproducteur de bureaucratie, de corruption et de clientélisme, il faut s'attaquer aux grands propriétaires de la terre, des banques, de la sidérurgie, ouvrir le débat national attendu par les travailleurs de l'industrie pétrolière sur la gestion de leur entreprise PDVSA et la mettre sous cogestion avec les travailleurs.
C'est le sens de notre appui à ces forces politiques et notre engagement à relayer leurs luttes dans nos pays, car seules ces luttes et les nôtres permettront d'avancer dans le construction d'une société débarrassée du capitalisme.
Une fois Chavez réélu, ce sont de nouvelles luttes que les travailleurs et les pauvres du Venezuela devront mener. Chaque victoire des vénézuéliens sera un espoir pour les luttes des travailleurs et des peuples du monde entier.
3. Quelle organisation politique au service de la révolution bolivarienne ?
L'image de la forme parti a été sérieusement écornée par 50 années de clientélisme, de corruption et de gestion loyale des affaires de la bourgeoisie pro-impérialiste. Cependant, après 8 ans de processus, la question se pose aujourd'hui avec acuité : quel parti doit être organisé et sous quelle forme pour approfondir la révolution bolivarienne ?
Nous appuyons toutes les tentatives de création d'organisation politique qui permettraient de faire confluer les secteurs radicalisés cités plus haut. L'alliance entre l'Union Popular de Venezuela, la tendance classiste de l'UNT et le PRS, ou la proposition de la Ligue Socialiste d'organiser un Congrès d'Organisation des Socialistes, montrent que des secteurs importants ont conscience de la nécessité d'une organisation révolutionnaire.
A une échelle plus large, Chavez a proposé la création d'un un parti fédérant toutes les organisations appuyant le processus bolivarien, précisant qu'il le souhaitait " non réformiste ». La proposition est intéressante. Cependant, cette organisation ne peut être construite avec les forces politiques que les organisations populaires combattent dans leurs lutte antibureaucratique, pour l'approfondissement de la réforme agraire ou l'extension du rôle des travailleurs dans la gestion de l'économie. L'émergence d'une telle organisation résoudrait au moins deux problèmes auxquels est confronté le processus bolivarien : la centralité de la figure de Chavez qui affaiblit le rôle des masses vénézuéliennes et la confusion entre diplomatie et politique internationaliste.
Ce processus de construction devrait en conséquence permettre de mener les discussions stratégiques sur les voies nécessaires pour battre le capitalisme et jeter les bases d'une société socialiste.