Cet article analyse le caractère politique du nouveau gouvernement Takaichi et le paysage politique japonais actuel, en le replaçant dans un contexte politique international plus large. Il cherche également à clarifier les défis et les tâches auxquels est confrontée la gauche.
Le 21 octobre, lors de la session extraordinaire de la Diète, la présidente du PLD (Parti libéral-démocrate), Sanae Takaichi, a été nommée Premier ministre, la constitution du gouvernement Takaichi étant le fruit d’une coalition entre le PLD et le JIP (Parti japonais de l’innovation).
Ceci a mis temporairement fin à une période d’un mois et demi de « réalignement politique » qui avait débuté avec l’annonce de la démission de l’ancien Premier ministre Ishiba à la suite de la défaite écrasante du PLD aux élections de la Chambre haute en juillet, et s’était poursuivie avec l’élection de la nouvelle présidente du PLD, Takaichi.
La perte de la majorité de la coalition LDP-Komeito lors des élections à la Chambre haute de juillet et le réalignement politique qui s’en est suivi
Lors des élections à la Chambre haute en juillet, la coalition au pouvoir LDP-Komeito a subi une défaite majeure, avec la perte de sa majorité dans les deux chambres de la Diète. Prenant ses responsabilités, le Premier ministre Ishiba a été contraint de démissionner moins d’un an après son entrée en fonction. Dans le même temps, le parti populiste d’extrême droite, le Sanseito (Parti du « Faites-le vous-même ! »), a obtenu un nombre important de voix. Si l’on prend aussi en considération les résultats des élections à la Chambre des représentants de l’année dernière, cela signifie que les partis situés à droite du PLD dans le paysage politique japonais ont été pour la première fois été en mesure de se comporter comme une force unie au parlement. . Ce changement a eu une influence considérable sur l’élection à la présidence du PLD qui a suivi la démission du Premier ministre Ishiba. Contrairement aux attentes générales qui voyaient Shinjiro Koizumi remporter cette élection et poursuivre les politiques du gouvernement Ishiba, c’est Sanae Takaichi, une représentante de l’aile droite du PLD qui avait publiquement déclaré son intention de poursuivre les politiques d’Abe, qui est devenue la nouvelle présidente du parti.
Par la suite, une série de remaniements politiques majeurs se produisirent, pour la première fois au XXIesiècle : le Komeito se retira de la coalition, ne supportant pas la perspective d’un gouvernement de coalition avec Takaichi ; le Parti constitutionnel démocratique (CDP) a tenté, sans succès, de présenter un candidat unique de l’opposition à l’élection du Premier ministre ; un accord a été conclu pour former une coalition entre le PLD et le JIP (Parti japonais de l’innovation), le JIP soutenant le gouvernement sans y participer ; et finalement, Takaichi a été élue Premier ministre lors de la session extraordinaire de la Diète.
Mais dans cette vague de réalignements politiques, la faction libérale de gauche, qui comprend la gauche parlementaire et les forces de centre-gauche au sein du CDP, a été complètement laissée pour compte. La direction du CDP a tenté d’unifier les candidats de l’opposition derrière Tamaki, le leader du Parti démocratique pour le peuple (DPFP), lors de l’élection du Premier ministre, une initiative destinée à se rapprocher davantage du centre-droit, mais celle-ci a été catégoriquement rejetée par Tamaki lui-même. Au contraire, elle a seulement servi à le contraindre à accepter la position du parti sur « l’acceptation de l’énergie nucléaire » et « l’acceptation de la législation sur la sécurité ».
L’une des principales caractéristiques du réalignement politique depuis les élections à la Chambre haute est qu’il s’est opéré parmi les forces politiques du centre-droit, dans un contexte où, d’une part, la pression du populisme d’extrême droite se fait sentir, mais où, d’autre part, il n’y a absolument aucune menace (ni même un soupçon de perturbation) de la part de la gauche.
Comment appréhender le cadre politique mondial
S’il est certes nécessaire, pour analyser le réalignement politique actuel, de se pencher sur les multiples péripéties qui ont marqué la formation du gouvernement de coalition au cours de cette période, la question la plus cruciale est de savoir comment appréhender le cadre général de la situation politique, en particulier dans une perspective internationale. Sur la base de cette compréhension et en tenant compte de la position actuelle de la gauche, nous devons clarifier les tâches et les responsabilités qui incombent à la gauche, y compris à nous-mêmes.
Dans la résolution présentée par la section japonaise au 18e congrès de la Quatrième Internationale, les points suivants ont été soulevés concernant la situation politique japonaise :
D’une manière générale, le système capitaliste ayant déjà perdu sa capacité à intégrer toutes les couches de la société, les sociétés de nombreux pays sont de plus en plus polarisées et l’extrême droite est en plein essor. Certains secteurs de la bourgeoisie se tournent vers la domination autoritaire et en viennent à soutenir politiquement l’extrême droite. Les structures politiques de nombreux pays, principalement en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine, se sont de plus en plus tripolarisées entre l’extrême droite, les conservateurs/centristes (souvent appelés « centristes extrêmes ») et la gauche, les conservateurs/centristes étant de plus en plus attirés par la droite. Les structures politiques communes à celles de l’Europe apparaissent également en Asie de l’Est, bien que de manière moins significative qu’en Europe.
Au Japon, alors que la coalition au pouvoir (Parti libéral-démocrate et Komeito [Parti Komei]) a perdu sa majorité lors des élections générales de l’automne dernier, deux partis d’extrême droite (le Parti conservateur japonais et le Sanseito [Parti du « Faites-le vous-même ! »]) ont obtenu pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale un certain nombre de sièges au parlement. D’autre part, la coopération politique entre la coalition au pouvoir et les partis de centre-droit se développe, et il semblerait qu’une « grande coalition » excluant les partis de gauche soit envisageable.
Le Parti libéral-démocrate au pouvoir présente à la fois des tendances de centre-droit et d’extrême droite, et la direction actuelle est dominée par des responsables de centre-droit. Ayant perdu sa majorité, il cherche à renforcer sa coopération avec les partis d’opposition de centre-droit. En fonction du résultat des élections à la Chambre haute de juillet 2025, la possibilité d’une « grande coalition » ne peut être exclue. Ainsi, même au Japon, on observe les prémices d’une structuration tripartite entre l’extrême droite, les conservateurs/centristes (parfois appelés « extrême centre ») et la gauche, mais malheureusement, la gauche japonaise est nettement affaiblie.
Comme nous l’avions analysé ici, au niveau international, dans le cadre de cette tripartition entre l’extrême droite, le centre conservateur et la gauche – typique en Europe –, la montée de l’extrême droite entraîne non seulement les forces conservatrices traditionnelles, mais aussi les forces réformistes du centre vers la droite. Cela reflète également la profondeur de la crise actuelle du système capitaliste. Dans ce contexte, des tendances telles que le réarmement militaire mondial, la montée des régimes autoritaires et la prolifération des sentiments xénophobes se sont accentuées.
Un exemple frappant est celui du Royaume-Uni (Angleterre), où le parti d’extrême droite Reform UK a gagné du terrain lors des élections locales et s’est hissé à la première place dans les sondages d’opinion. En réponse, la tête du Parti conservateur a changé en novembre 2024, au profit de Kemi Badenoch, représentante de l’aile droite. Elle avait fait campagne autour de promesses de retrait de la Convention européenne des droits de l’homme et d’abrogation de la législation sur le changement climatique, rompant ainsi de manière décisive avec la ligne centriste conservatrice du parti. En réponse à cette situation, le journal libéral britannique The Guardian a publié un article exprimant son inquiétude quant à la disparition du Parti conservateur en tant que force conservatrice modérée. Cela n’est pas sans rappeler les manifestations « Ne laissez pas partir Ishiba » qui eurent lieu au Japon à un certain moment, principalement dans les milieux libéraux.
La conjoncture politique japonaise doit être vue sous l’angle d’une tentative de rattraper le retard accumulé par rapport à l’Europe. Cependant, contrairement à l’Europe ou aux Amériques, le Japon a toujours été confronté à une situation où la gauche est nettement affaiblie, sans influence sur le paysage politique, et où les mouvements de masse et les mouvements sociaux n’ont pas réussi à acquérir un poids significatif. C’est dans ce contexte, où il n’y a aucune nécessité de tenir compte des pressions ou des menaces de la gauche, que le réalignement politique au sein des forces conservatrices centristes a progressivement avancé ces derniers temps.
La crise du mondialisme néolibéral « réduit l’éventail des choix politiques ».
En ce sens, l’observation du professeur Koji Aikyo de l’université Waseda, publiée dans le numéro 2883 (édition du 20 octobre) de notre journal (basée sur le résumé de sa conférence au « Stop the Constitutional Revision ! Osaka Network »), explique bien la situation politique décrite ci-dessus.
Dans une société mondialisée où les inégalités se creusent, l’éventail des choix politiques se rétrécit. Si les citoyens ont davantage d’occasions de participer aux processus démocratiques, le sentiment que les gouvernements nationaux ne tiennent pas compte de leur opinion publique suscite un mécontentement croissant. Dans les pays industrialisés avancés, quel que soit le parti au pouvoir, une pression constante est exercée pour que les orientations politiques nationales favorisent les riches. L’idée que les grandes entreprises sont mieux placées que les gouvernements en matière de connaissances est devenue une idéologie incontestée.
C’est précisément parce que la marge de manœuvre politique est réduite qu’elles recourent à des guerres culturelles. Les inégalités massives s’enkystent, la propagande remplace la politique, et on passe ainsi de choix politiques dictés par la nécessité ponctuelle à une politique pour l’éternité. La politique de la nécessité apporte la démocratisation par le développement économique, mais dans la politique pour l’éternité, le rôle du gouvernement n’est pas de promettre le bonheur futur, mais de protéger la société actuelle contre ce qui est perçu comme des menaces. Le personnel politique en place pour l’éternité fabrique des crises et manipule les émotions qui en résultent. Dans les sociétés complexes d’aujourd’hui, incapables de présenter une vision pour l’avenir, leur gravitation les entraîne vers les guerres culturelles. La politique de Trump en est l’archétype."
Plus encore, dans l’entretien avec Enzo Traverso intitulée « Autoritarisme et démocratie au XXIe siècle » (International Viewpoint, 7 août), celui-ci analyse avec justesse la signification de la montée actuelle de l’extrême droite et de l’émergence des régimes autoritaires. Traverso, auteur de « Les nouveaux visages du fascisme : populisme et extrême droite », définit l’extrême droite actuelle comme « post-fascisme » et décrit ses différences par rapport au fascisme passé comme suit.
« Aujourd’hui, je ne perçois rien de comparable dans la nouvelle droite. Il n’y a ni horizon utopique, ni projet de civilisation en tant que tel. C’est précisément pour cette raison que je considère le concept de « post-fascisme » comme opérant : ces mouvements d’extrême droite sont avant tout profondément conservateurs. Leur dynamique n’est pas tournée vers l’avenir, mais vers le passé ; leur objectif est de restaurer un ordre traditionnel. Les valeurs qu’ils brandissent – souveraineté, famille, nation – constituent une sorte de fil conducteur qui les unit.
Cette obsession du retour à la tradition, illustrée par Trump, se manifeste aussi dans son hostilité à l’égard de l’environnementalisme, son rejet de toute politique mondiale sur le climat, et son attachement à la production nationale au détriment des accords internationaux. Le slogan « Make America Great Again » alimente une certaine imagination de l’avenir, mais il s’agit d’une imagination régressive : un retour à une époque où les États-Unis étaient puissants, prospères et hégémoniques. Il ne s’agit pas d’une proposition novatrice, mais d’une idéalisation nostalgique du passé. »
L’extrême droite (ainsi que les forces du centre conservateur), incapables d’articuler leurs différences politiques ou d’offrir une vision pour l’avenir, cherchent à soulager l’anxiété et la stagnation en expulsant les ennemis perçus comme proches (« guerres culturelles ») afin d’atteindre la stabilité politique. C’est l’une des raisons pour lesquelles les forces du centre conservateur sont entraînées vers l’extrême droite.
Comment interpréter l’élection de Takaichi à la tête du PLD et le retrait du Komeito de la coalition ?
Dans mon article d’analyse sur les élections à la Chambre haute de juillet (11 août, Kakehashi Hebdo), j’ai écrit ce qui suit :
Si le Premier ministre Ishiba était contraint de démissionner et que l’aile droite du PLD remportait l’élection à la présidence, le Sanseito deviendrait un partenaire potentiel pour des consultations politiques, une coopération hors cabinet, voire une coalition. Cependant, le Sanseito ne détient actuellement que trois sièges à la Chambre des représentants. Cela en ferait un parti minoritaire au pouvoir, ce qui nécessiterait des élections générales anticipées afin d’augmenter considérablement son nombre de sièges à la Chambre (le leader du Sanseito, Kamiya, a déclaré que « 25 à 30 sièges est un chiffre réaliste pour les prochaines élections générales »). Parallèlement, ce choix comporte le risque que le PLD perde encore plus de sièges. Les options immédiates du PLD sont donc limitées. La voie la plus réaliste consiste à poursuivre les discussions politiques, la coopération extra-gouvernementale et même l’élargissement de la coalition gouvernementale par le biais d’une « alliance » conservatrice-centriste de facto englobant le Parti démocrate du peuple, le Parti de l’innovation du Japon et le Parti constitutionnel démocratique. Par conséquent, le PLD choisira probablement un président capable de favoriser cette stratégie (ou conservera le Premier ministre Ishiba).
Cette prévision s’est avérée largement erronée en ce qui concerne les perspectives de réalignement politique, compte tenu de l’élection de Sanae Takaichi à la présidence du PLD et du retrait du Komeito de la coalition. Je pense que cela s’explique par une sous-estimation de l’impact de la montée du populisme d’extrême droite, comme en témoigne la progression du Sanseito, sur le PLD (et ses répercussions indirectes sur le Komeito). Le sentiment de crise au sein du PLD face à la défection de la « base conservatrice solide comme le roc » qui avait soutenu l’administration Abe, déclenché par la progression du Sanseito, était probablement plus fort que nous ne l’avions imaginé.
Par ailleurs, l’ancien Premier ministre Aso, qui soutient Takaichi, aurait envisagé de former un gouvernement de coalition avec le PLD, le Komeito et le Parti démocrate pour le peuple, de dissoudre la Diète avant terme pour organiser des élections générales, d’assurer la majorité au PLD et au Parti démocrate pour le peuple, puis d’expulser le Komeito de la coalition (Hokkaido Shimbun en ligne, 11 octobre).
Le Komeito aurait anticipé les intentions d’Aso et dissous la coalition de manière préventive. On dit également que le maintien de la coalition avec le PLD dirigé par Takaichi aurait pu conduire à une situation où la dissolution du parti lui-même aurait été une possibilité réelle pour le Soka Gakkai et le Komeito.
Le réalignement des forces du centre-droit et la formation du gouvernement de coalition entre le PLD et le JIP
Examinons maintenant le processus de réalignement des forces du centre-droit à la suite des élections à la Chambre haute de juillet, qui a conduit à la formation du gouvernement de coalition de Takaichi le 21 octobre. Bien sûr, il est important de noter que ce processus n’est pas terminé et se poursuit.
Tout d’abord, le Komeito, qui n’appréciait pas la coalition avec la présidente du PLD, Takaichi, en raison de ses positions de droite, s’est retiré du gouvernement de coalition qui perdurait depuis 26 ans. Alors que le Komeito semblait initialement envisager une certaine coopération avec le PLD, il s’est clairement positionné comme un parti d’opposition centriste après la formation du gouvernement PLD-JIP. Il a également commencé à évoquer la possibilité d’une coopération électorale avec le Parti constitutionnel démocratique.
Le DPFP (Parti démocratique pour le peuple) semblait être le plus proche idéologiquement et politiquement de Takaichi sur des questions telles que la révision constitutionnelle, l’acceptation des visites au sanctuaire Yasukuni et la poursuite d’une politique budgétaire expansionniste. Il semblait viser un gouvernement de coalition sous la direction de Takaichi, composé du PLD, du Komeito et du DPFP. Cependant, face au retrait du Komeito de la coalition, qui a effectivement dissous l’alliance entre le PLD et le Komeito, il n’a pas pu s’engager dans une coalition avec le PLD seul. « Avec le départ du Komeito, même si nous rejoignions le gouvernement, nous n’atteindrions pas la majorité, donc la discussion est devenue plutôt inutile », a déclaré le député Tamaki. De plus, la Confédération japonaise des syndicats (Rengo), la plus grande centrale syndicale nationale, pro-capitaliste, avait clairement indiqué qu’elle n’accepterait pas que les partis qu’elle soutenait, le DPFP et le CDP, soient divisés entre le camp au pouvoir et l’opposition. Entre-temps, l’un des dirigeants du CDP à la Diète, Azumi, a proposé l’idée de « faire de Tamaki, président du DPFP, le candidat unique de l’opposition à la nomination au poste de Premier ministre ». Le DPFP a également rejeté cette proposition, invoquant des divergences politiques fondamentales. En conséquence, ils ont été « devancés » par le Parti japonais de l’innovation, ce qui a suscité des protestations telles que « Si seulement ils avaient réagi plus tôt ». Même dans les sondages effectués après la nomination, le DPFP a enregistré une baisse significative de ses soutiens, l’administration Takaichi recueillant l’adhésion des générations relativement plus jeunes.
Le Parti japonais de l’innovation (JIP) était initialement désireux de rejoindre une coalition gouvernementale avec le PLD et le Komeito, car il pensait que Koizumi deviendrait président du PLD et espérait pouvoir mettre en œuvre son idée de se doter d’une capitale secondaire sous sa direction. Cependant, saisissant l’occasion créée par la réticence du DPFP à rejoindre la coalition après les résultats de l’élection présidentielle du PLD, il s’est rapidement engagé dans la formation d’une coalition avec le PLD sous la direction de Takaichi. Il a ensuite conclu un accord de coalition avec cette dernière, qui souhaitait à tout prix devenir Première ministre, la forçant ainsi à accepter l’ensemble de ses revendications politiques. Cependant, le PLD a émis de nombreuses réserves sur plusieurs mesures. De plus, en choisissant la forme d’une « coopération en dehors du cabinet » ( ce qui s’expliquerait en particulier par la difficulté de coopérer électoralement avec le PLD dans la région du Kansai, y compris à Osaka), il s’agissait d’une « coalition » tiède et instable qui pouvait être abandonnée à tout moment.
La raison d’une telle empressement à former une coalition résidait dans le caractère critique de cette situation : défections successives de membres de la Diète et mauvais résultats aux élections locales, y compris dans leur bastion d’Osaka. Après les trois membres de la Chambre des représentants qui ont annoncé leur départ le 8 septembre et formé le nouveau groupe « Association pour la réforme », la députée Hayashi Yumi, élue dans la circonscription proportionnelle de la chambre des Conseillers de Kinki, a également présenté sa démission du parti. De plus, Seiki Sorimoto, membre de la Chambre des Représentants élu dans la 4e circonscription d’Hiroshima, a également fait part de son intention de se présenter en tant qu’indépendant aux prochaines élections (en formant le parti régional « Hiroshima no Taiyo »), laissant entendre qu’il quitterait le parti. Il était nécessaire de mettre un terme à cette situation. De plus, lors des cinq élections municipales organisées à Osaka en septembre, le parti a subi une baisse significative des voix par rapport aux élections précédentes. Il a perdu trois sièges à Settsu et un siège à Hannan, ce qui a entraîné un sérieux affaiblissement de son poids politique.
Le Parti constitutionnel démocratique (CDP) a appelé à la présentation d’un candidat unique de l’opposition (centriste) à l’élection du Premier ministre lors de la session extraordinaire de la Diète, mais cette initiative a échoué car Tamaki a exigé un changement de politique par rapport à la ligne du CDP sur la « politique nucléaire » et la « politique de sécurité ». Actuellement, le parti se positionne comme une force d’opposition centriste alliée au Komeito. Cependant, l’ancien dirigeant Edano, un libéral du parti, ayant modifié sa position antérieure en déclarant que la législation sur la sécurité, y compris la reconnaissance du droit d’exercer la légitime défense collective, ne contenait « aucun élément inconstitutionnel et qu’il n’était donc pas nécessaire de la modifier », le glissement vers une position de centre-droit engagé sous la direction de Noda s’accélère. Cela isole encore davantage l’aile gauche du parti.
Comment caractériser la nature du gouvernement de coalition LDP-JIP dirigé par Takaichi
Le gouvernement de coalition LDP-JIP dirigé par Takaichi est issu du réalignement des forces politiques du centre conservateur. Comment caractériser sa nature politique ? Tout d’abord, en matière de politique de sécurité et de défense, il va sans aucun doute accélérer la tendance à un renforcement des capacités militaires amorcée par les administrations Kishida et Ishiba.
L’accord de coalition signé par le PLD et le JIP le 20 de ce mois traduit clairement le passage d’une alliance PLD-Komeito à une alliance PLD-JIP. Il s’est immédiatement orienté vers des politiques bellicistes, en commençant par la promotion d’une « nation indépendante », l’augmentation des dépenses de défense et la volonté d’acquérir des sous-marins, notamment nucléaires. De nombreuses autres mesures mettent l’accent sur la « nation », notamment la promulgation d’une loi sur le « délit de dégradation de l’emblème national » lors de la session ordinaire de la Diète de 2026 afin de punir les actes portant atteinte au drapeau Hinomaru, et la formulation explicite d’une intention d’examiner une « législation anti-espionnage » afin de lutter contre l’espionnage par des puissances étrangères.
Il s’agit là de mesures réclamées depuis longtemps par l’aile conservatrice du PLD, mais difficiles à mettre en œuvre dans le cadre du gouvernement de coalition avec le Komeito. La mesure la plus symbolique est la suppression des dispositions qui limitent les exportations d’armes à cinq catégories, telles que les « opérations de sauvetage ». Les factions conservatrices du PLD ont fortement insisté pour supprimer ces catégories afin de lever complètement les restrictions sur les exportations d’armes létales, mais le Komeito a maintenu sa position prudente, laissant ces dispositions pratiquement intactes. (22 octobre, Hokkaido Shimbun en ligne)
De plus, dans le cadre de l’accord de coalition. Kimi Onoda, membre de la Chambre haute dont les propos xénophobes avaient déjà suscité des controverses, a été nommé au poste nouvellement créé de ministre chargé de la « coexistence » avec les étrangers. L’accord précise : « Nous élaborerons d’ici à l’exercice 2026 une « stratégie démographique » qui inclura la gestion quantitative des résidents étrangers en prenant en compte les tensions sociales potentielles liées à l’augmentation de la proportion de la population étrangère, ainsi que des objectifs chiffrés et des mesures de fond pour l’accueil des étrangers. »
Dans son discours inaugural, la Première ministre Takaichi a déclaré : « Nous tirons un trait clair sur la xénophobie », mais elle a également déclaré que « le gouvernement réagirait avec fermeté » aux « actes illégaux et aux violations des règles commis par certains étrangers », signalant clairement une volonté de durcir la réglementation applicable aux étrangers.
En matière de politique économique, elle vise à poursuivre les politiques d’Abe et à développer non pas l’« Abenomics », mais la « Sanaenomics ». Bien que cette politique serve pleinement les intérêts des 1 % les plus riches, il lui faut tout de même mentionner explicitement la « lutte contre la hausse des prix » comme « priorité absolue ». Par conséquent, l’éventail des options politiques envisageables ne devrait pas être totalement illimité. En effet, la classe dirigeante bourgeoise japonaise recherche avant tout la stabilité politique. En ce sens, le gouvernement de coalition instable et fragile entre le PLD et le JIP, qui repose sur une « coopération en dehors du cabinet », n’est que transitoire, et un réalignement politique plus substantiel est inévitable. Cela pourrait inclure une « grande coalition » qui ferait encore plus glisser le Parti constitutionnel démocratique vers la « droite ». La classe dirigeante bourgeoise japonaise n’a pas de vision claire de la configuration future de la société. Par conséquent, elle cherchera probablement à maintenir une stabilité grâce aux forces centristes conservatrices. Cependant, cette approche même crée un espace propice à la montée du populisme d’extrême droite. Là encore, la marginalisation et l’isolement de la gauche, associés à son incapacité à présenter et à rendre visible une nouvelle alternative, restent le problème décisif.
Comment la gauche va-t-elle faire face à la situation politique actuelle ?
Lors de l’élection du gouverneur de la préfecture de Miyagi qui s’est tenue le 26 octobre, le candidat Masamune Wada, qui a reçu le soutien total du Sanseito grâce à un accord politique, a mené une campagne acharnée, et a réduit l’écart avec le candidat sortant Yoshihiro Murai à un peu plus de 15 000 voix. De plus, dans la ville de Sendai, la plus peuplée de Miyagi, Wada a obtenu plus de 36 000 voix d’avance.
Dans son « mémorandum politique » conclu avec le Sanseito, le candidat Wada s’est engagé à « revoir la privatisation de l’eau et promouvoir sa remunicipalisation », à « s’opposer aux politiques de promotion de l’immigration », à « rejeter les mesures destinées à autoriser les incinérations » et à « freiner ou mettre fin aux projets éoliens et solaires à grande échelle ». Cette stratégie intégrait habilement les politiques antiglobalisation et écologiques de la gauche (tout en les rattachant au nationalisme autour de la « vente des services d’eau à des capitaux étrangers ») et les combinait avec des politiques xénophobes. C’était exactement la même position que celle adoptée par l’extrême droite européenne. Dans la lutte contre la montée de ces forces d’extrême droite en émergence, il ne suffit pas de se contenter de critiquer la xénophobie. Nous devons également mettre en avant des mesures et des slogans qui s’inscrivent dans une perspective de gauche, capables de briser la méfiance et le sentiment que le système actuel est en pleine stagnation, facteurs qui alimentent la croissance de l’extrême droite, et leur donner une traduction concrète au sein de mouvements sociaux. De plus, nous devons relever ce défi précisément parce que la gauche n’est pas visible, en particulier pour les jeunes générations.
Dans un contexte où la situation politique est instable et où un réalignement politique est en cours depuis un certain temps, un espace s’ouvre pour que divers mouvements de masse et mouvements sociaux traduisent leurs revendications en politique. De ce fait, ces mouvements de masse et mouvements sociaux ont le potentiel de gagner en dynamisme. De plus, les forces de gauche au sein du parlement étant extrêmement faibles, l’importance des mouvements de masse et des mouvements sociaux devrait s’accroître. Cependant, il est également possible que les fruits de ces mouvements soient récoltés par les forces d’extrême droite.
Aujourd’hui, dans de nombreux pays à travers le monde (Bangladesh, Indonésie, Népal, Maroc), les jeunes de la génération Z sont à l’avant-garde des mouvements de masse et des soulèvements. Les rébellions menées par la génération Z manquent souvent d’organisation ou de directions claires, une caractéristique particulièrement visible lors du soulèvement de Hong Kong en 2019. Mais là encore, la gauche a une responsabilité.
Au Japon, les jeunes générations, et notamment la génération Z, n’ont connu que le gouvernement de coalition LDP-Komeito et n’ont donc pas vraiment le sentiment que « les choses peuvent changer dans le domaine politique ». Cependant, cette situation est clairement en train de se modifier. Le Reiwa Shinsengumi (que nous considérons comme un parti populiste progressiste), dirigé par Taro Yamamoto1, a été le premier à percevoir clairement ce changement, en affirmant que « les choses peuvent changer en politique » et en obtenant un soutien important. Lors des élections générales de 2024 et des élections à la Chambre haute cette année, les jeunes ont apporté leur appui à des partis tels que le DPFP et le Sanseito. Cependant, cette tendance n’est pas irréversible. Il faut considérer que la génération Z japonaise rattrape son retard, même si celui-ci est de cinq à dix ans, par rapport à l’émergence de la génération Z sur la scène politique en Europe, en Amérique et en Asie. Cela représente une chance considérable pour la gauche. Se préparer idéologiquement, programmatiquement et organisationnellement à cette évolution est le défi auquel est confrontée la gauche, et nous-mêmes.
10 novembre 2025, Kakehashi Hebdo
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro, traduit du japonais en anglais par Tsutomu Teramoto à partir de Kakehashi Hebdo du 10 novembre 2025
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Taro Yamamoto était un acteur célèbre avant de se lancer en politique en 2012. Il a été élu membre de la Diète et a fondé un nouveau parti, Reiwa Shinsengumi, en 2019. Il a une orientation politique de populiste progressiste progressiste, mais il n’est pas socialiste et ne vise pas à rassembler les socialistes (note ajoutée).