Solidarité avec le peuple kényan !

par CADTM
A variation on the Kenyan flag. (2006). © Kevin Walsh – Creative Commons Attribution 2.0 Generic license.

Déclaration du CADTM et de ses partenaires kényans sur la situation économique du pays et les mobilisations sociales.

Nous, le réseau CADTM international et nos partenaires kényans :

Préoccupés par la mainmise du Fonds monétaire international (FMI) sur le gouvernement kényan, ce qui contribue à approfondir la crise de la dette dans ce pays.

  • Affirmons notre solidarité avec le peuple kényan dans sa lutte contre les politiques néolibérales et néocoloniales que le FMI impose au gouvernement kényan, politiques qui ont mené à une Révolution des paysan·nes kényan·es contre le FMI, avec à sa tête des jeunes que l’on connaît sous le nom de « Génération Z. ».
  • Rappelons qu’en avril 2021, alors sous la présidence d’Uhuru Kenyatta qui avait comme vice-président l’actuel président Ruto, le Kenya a signé un accord avec le FMI pour un allègement de la dette sous forme d’un programme de 38 mois, qui se terminait en juin 2024.

Conscients que le projet de loi de financement 2024, tout comme les précédents, a été rédigé par le FMI et imposé au peuple kényan.

Conscients que l’objectif de la taxe punitive proposée dans le projet de loi de financement de 2024, qui comprend une TVA de 16% sur le pain, sur les vélos électriques, sur les panneaux solaires, et sur le transport de canne à sucre des champs aux usines de transformation, était de s’assurer que le Kenya serait en mesure de payer la somme due en juin 2024.

Percevant le lien direct entre ces mesures néolibérales et néocoloniales, et l’actuelle Révolution paysanne menée par la Génération Z.

Opposés à la privatisation proposée de parastataux publics dans des secteurs aussi divers que les semences, la littérature, le transport, les carburants, l’immobilier, les produits laitiers ou l’informatique, privatisations liées aux négociations sur l’allègement de la dette en avril 2021.

  • Appelons à annuler tous les partenariats publics-privés par lesquels se poursuit la privatisation de parastataux kényans.
  • Réitérons notre appel à abolir toute forme de dettes odieuses, illégales et illégitimes — publiques et privées — y compris les dettes de microcrédit, les dettes paysannes et étudiantes, les emprunts hypothécaires et autres qui prennent la population du Kenya en otage.
  • Affirmons notre volonté de lutter contre tous les prêts, investissements et accords commerciaux prédateurs, qu’ils proviennent d’institutions financières internationales comme le FMI, de puissances du Nord ou de puissances émergentes comme la Chine, la Turquie, la Russie, l’Iran, l’Afrique du Sud et l’Inde, dont les politiques ont des conséquences négatives qui plongent la majorité des paysans kényans dans un cercle vicieux d’austérité, de chômage et de pauvreté.
  • Exigeons la fin immédiate de toutes sortes de prêts illégaux, illégitimes et odieux de la part des gouvernements, du FMI, des banques multilatérales de développement et autres, qui détruisent et dévastent les vies et les moyens de subsistance des paysans kényans et ravagent la nature.
  • Nous opposons au déploiement de la police kényane en Haïti dans le cadre de la Mission multilatérale de soutien à la sécurité (MSS), car cela fait partie des politiques néolibérales et néocoloniales du FMI qui contribueront à l’endettement odieux du Kenya.
  • Nous opposons aux tentatives de l’establishment politique kényan, soutenu par le FMI, de détourner la révolution paysanne menée par la Génération Z en appelant à la création d’un Forum national multisectoriel (NMF) soutenu par le gouvernement et d’une Convention nationale soutenue par l’opposition, car ils sont tous basés sur la même logique qui a créé le problème menant à la Révolution paysanne sous l’égide de la génération Z.
  • Rejetons la présentation incessante de la microfinance et du microcrédit par le FMI, la Banque mondiale et le gouvernement kényan comme une solution pour sortir la population kényane de la pauvreté, car elle a eu des effets désastreux sur les populations pauvres du pays.
  • Nous opposons aux taux d’intérêt abusifs et aux conditions de la microfinance et du microcrédit qui ont plongé les Kényans ordinaires dans le piège de l’endettement, les obligeant à contracter de multiples prêts pour rembourser les premiers, et à faire d’énormes sacrifices pendant des années et des décennies.

Conscients que les femmes kényanes sont de loin les premières victimes de la microfinance et du microcrédit, et nous exprimons notre solidarité avec leurs luttes contre le microcrédit au Kenya.

  • Nous opposons à la dette dans toutes ses manifestations car elle pèse directement sur les Kényan.es ordinaires puisque le gouvernement est obligé de prélever d’énormes portions du budget de l’État pour la rembourser, ce qui entraîne des coupes budgétaires dans les secteurs publics qui bénéficient à la majorité des Kényan·es, comme les services de santé publique, l’eau, l’enseignement, la sécurité, l’emploi et les services sociaux.
  • Remarquons que le système dette promu par le FMI au Kenya entraîne un transfert massif de richesse de la population du pays à ses créanciers, tandis que les classes dominantes locales s’en attribuent un part.
  • Répétons que la dette publique est un instrument de domination servant à perpétuer la dépendance au marché et au secteur privé par opposition au secteur public financé par l’État, ce qui fait perdurer le néocolonialisme.
  • Décidons de poursuivre la lute contre le système capitaliste qui crée, perpétue et exacerbe les inégalités et renforce toutes les oppressions sociales, dont le patriarcat, le tribalisme, le racisme, l’ultranationalisme, le fondamentalisme religieux, la corruption, par l’exploitation où tant les citoyens kényans que les ressources naturelles sont des marchandises à valoriser au maximum pour le plus grand profit des institutions multinationales et de la classe dirigeante, ainsi que du Nord global, au détriment de la population kényane, du climat et de l’environnement.
  • Répétons que le système capitaliste n’utilise pas seulement la dette comme instrument de subjugation économique mais aussi à des fins de domination politique, car capitalisme et système dette sont inséparables.
  • Notons que le gouvernement kényan continue de puiser dans son budget national pour rembourser la dette, ce qui laisse très peu d’argent à consacrer aux secteurs sociaux tels que l’éducation, les soins de santé, l’eau, l’alimentation et d’autres secteurs de la sécurité sociale, obligeant les ménages kényans à se tourner vers l’emprunt privé, ce qui entraîne une augmentation de l’endettement des ménages, ceux-ci étant contraints d’emprunter pour accéder à des services que leurs États devraient leur fournir, mais qu’ils n’ont pas réussi à obtenir en raison de l’augmentation des dépenses liées au service de la dette.
  • Appelons à la constitution immédiate d’une Commission d’audit de la dette citoyenne afin d’établir à quoi sont affectées toutes les dettes kényanes, qui a décidé de les contracter au nom des Kényans, si le Kenya a reçu le montant total emprunté, qui les détient, qui a jusqu’à présent profité de la dette kényane, les taux d’intérêt de remboursement, quels intérêts ont été payés jusqu’à présent, quel est le montant de la dette kényane, la part du budget kényan utilisée pour le service de la dette kényane, les conditions des créanciers, la manière dont le Kenya finance le remboursement de la dette, et les effets sociaux, économiques, écologiques, de genre et régionaux des prêts ainsi que leur impact sur la vie des citoyen·nes kényan·es.
  • Demandons la transparence et la justification comptable de tous les projets financés par les prêteurs étrangers et les institutions financières internationales, y compris le FMI au Kenya, et demandons que tous ces projets soient soumis à un contrôle démocratique par le biais d’une participation publique.
  • Exhortons à trouver des solutions alternatives telles que des subventions, des prêts à taux zéro sans discrimination, des projets communautaires gérés socialement et collectivement par le biais de partenariats entre communautés, etc.
  • Appelons au développement de services publics gratuits et de qualité et à l’augmentation des fonds disponibles pour les dépenses sociales au Kenya.
  • Appelons enfin tous les citoyens kényans à s’unir dans la lutte contre le système illégal, illégitime et odieux de la dette et les accords de libre-échange qui humilient et exploitent le peuple, pillent et détruisent l’environnement, et poussent des populations entières vers la misère et le désespoir.

Le 24 juillet 2024, publié par le CADTM.

 

Le dernier numéro

Auteur·es