Il y a trente ans, le 7 avril 1994, débutait au Rwanda le génocide de la minorité tutsi, organisé par un gouvernement soutenu par la France (sous la houlette du social-colonialiste Mitterrand) et dirigé par les racistes du Hutu Power que menaçait l’offensive du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame, majoritairement tutsi, considéré par Paris comme pro-anglosaxon. En 100 jours, entre 800 000 et un million de Tutsi, mais aussi de Hutu modérés, sont exterminéEs.
Pour les anticolonialistes, commémorer ce sanglant événement c’est honorer la mémoire des victimes, exiger réparation, dénoncer la complicité de l’État et de l’impérialisme français, en finir avec la Françafrique. Pour Macron et le « complexe militaro-industriel » qui décident de la politique africaine de la France, le « commémorer » est une cynique opération visant à défendre les intérêts économiques et géostratégiques d’un impérialisme en déclin.
L’État français et le génocide ? « Responsable mais pas coupable » !
Pour le pouvoir français, les temps ne sont plus à nier ni l’existence de ce génocide ni même une implication hexagonale. Macron, en mai 2021, se fendait à Kigali d’un pompeux discours qui a fixé ce qui est désormais la ligne en la matière : « En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, ce jour, je viens reconnaître l’ampleur de nos responsabilités. » Lesquelles ? La France « n’a pas su entendre la voix de ceux qui l’avaient mise en garde », « n’a pas compris que, en voulant faire obstacle à un conflit régional ou une guerre civile, elle restait de fait aux côtés d’un régime génocidaire ». Bref, la France (impérialiste) a péché par incompréhension et même par bonnes intentions ! Quelques semaines avant, avait été publié le rapport de la commission Duclert qui, respectant l’ordre de mission que lui avait confié son commanditaire élyséen, concluait lui aussi aux « responsabilités lourdes et accablantes » de la France… par « aveuglement », pour mieux la disculper de sa complicité active dans ce génocide.
Nombre de travaux de chercheurEs et d’associations, comme Survie1 , prouvent que, loin de l’« incompréhension » ou de l’« aveuglement », c’est une politique bien consciente qui a été mise en œuvre. Avant et pendant le génocide, l’État français a apporté en toute connaissance de cause au régime criminel de Kigali son soutien militaire, financier, politique — au point que c’est à l’ambassade de France que, début avril, était constitué le gouvernement génocidaire. Y compris après la victoire du FPR, l’armée française, présente à des fins prétendument humanitaires, a exfiltré les génocidaires dans le pays voisin, l’actuelle République démocratique du Congo. Elle s’est rendue coupable aussi de viols de femmes tutsi dans les camps de réfugiéEs.
La Françafrique coupable
Aujourd’hui, les temps sont devenus durs pour l’impérialisme français, contesté par les peuples africains et concurrencé par d’autres impérialismes dans ce qui fut longtemps sa chasse gardée. Pour continuer, la politique françafricaine, indispensable à la « grandeur de la France », doit s’adapter aux nouvelles réalités mondiales et africaines. Macron, comme avant lui Sarkozy, lorgne sur le Rwanda « anglophone » qui joue de plus en plus un rôle dans une des régions les plus stratégiques et riches. Reconnaître ses « responsabilités » est indispensable pour s’attirer les bonnes grâces de Kagame qui, de son côté, en quête d’appuis occidentaux pour satisfaire ses ambitions de puissance régionale, en Afrique centrale, se satisfait du « responsable mais pas coupable » de Macron. Une « réconciliation » avec le génocide comme monnaie d’échange !
Outre la complicité française, Macron se garde évidemment de reconnaître que la « responsabilité » passée de la France dans ce génocide est le fruit de sa politique impérialiste, toujours présente. Le génocide au Rwanda prend place dans la liste interminable des crimes, plus ou moins sanglants, plus ou moins massifs, de « notre » impérialisme en Afrique et qui lui sont indispensables pour maintenir sa domination. France hors d’Afrique !
Publié par L’Anticapitaliste le 4 avril 2024.
- 1Lire notamment L’État français et le génocide des Tutsis au Rwanda, de Raphaël Doridant et François Graner Éditions Agone/Survie, 2020.