Les campagnes de haine contre Greta Thunberg

par Yorgos Mitralias

Greta Thunberg subit depuis des semaines une agression violente et vulgaire ayant pour objectif de la discréditer et avec elle surtout le mouvement de jeunes de plus en plus radical et de masse qui s'inspire de son exemple.

A la tête de la campagne contre Greta, ponctuée de centaines de textes et de photomontages souvent très vulgaires, il y a trois de plus importants partis européens d'extrême droite: Le Rassemblement National français, l'AFD allemand et l'UKIP britannique. Et derrière ces partis d'extrême droite et leur campagne, deux think-tanks climato-sceptiques conservateurs, l'EIKE (Institut Européen pour le Climat et l'Énergie) et le CFACT-Europe (Comité pour un Lendemain Créatif), lesquels soutiennent de manière multiforme la négation de la catastrophe climatique.

L'Institut EIKE, de la bouche de son vice-président Michael Limburg, nie avoir le moindre rapport avec AFD, et pourtant a été récemment candidat de ce même AFD !

EIKE organise avec l'AFD des journées climato-sceptiques y compris à l'intérieur du Parlement allemand. Il est sorti de l'anonymat grâce à la conférence annuelle qu'il organise depuis des années avec un certain succès, puisqu'elle a pu influencer l'attitude de l'UE au sujet du changement climatique. Cette conférence annuelle de EIKE est co-organisée par deux organisation américaines : le CFACT-US, qui finance sa filiale européenne du même nom, et, surtout, l'Institut Heartland, lequel, selon The Economist, " est le think-tank mondialement le plus connu parmi ceux qui défendent le scepticisme au sujet du changement climatique dû à l'homme ».

Les enquêtes de Institute of Strategic Dialogue (ISD) britannique et de Greenpeace ont mis en lumière les forces économiques qui sont derrière ceux qui nient la catastrophe climatique. En effet, le CFACT-US et l'Institut Heartland sont financés par le grand capital américain, ExxonMobil, la famille Koch, deuxième plus riche famille étasunienne qui domine dans le secteur du pétrole, la famille Mercer qui est aussi un de principaux créancier du président Trump, ou même Microsoft et RJR Tobacco. Il faut noter que Heartland a des antécédents puisque il fut jadis l'agent principal de la propagande des géants du tabac qui niaient la rapport existant entre le tabagisme et le cancer. A cette époque son principal financier était Philip Morris (1).

Mais, il ne faut pas croire que l'Institut Heartland est un simple " outil » dépourvu de ses propres thèses et actions. De ce point de vue, le CV de son nouveau président Tim Huelskamp est éloquent. Dirigeant du très conservateur Tea Party, Huelskamp s'est distingué comme député (qu'il a été jusqu'à 2017) de l'aile la plus réactionnaire des Républicains et a toujours entretenu des liens étroits avec l'extrême droite américaine. Il est aussi à noter que de tous les députés américains, c'est lui qui, pendant très longtemps, a reçu les plus grandes sommes d'argent de la part des compagnies de combustibles fossiles, et qu'il les a " remercié » en votant toujours contre toute tentative de légiférer contre leurs intérêts.

Grâce à un document interne de Heartland qui a fuité, on a pu apprendre en détail non seulement l'étendu de son financement par le grand capital (plusieurs millions de dollars), mais aussi l'utilisation de ces sommes dans un large éventail d'activités qui vont du paiement de salaires à des bloggers qui influencent l'opinion publique, à des " scientifiques » qui parcourent le monde niant la catastrophe climatique, à l'écriture et la publication du matériel propagandiste qui cible les écoles et leurs élèves. Par exemple, le groupe de " scientifiques » chargé de " contredire » les conclusions des travaux du GIEC reçoit 300.000 dollars par an, tandis que la propagation de la thèse qui veut que " la question du changement climatique soit controversée et incertaine » dans les écoles primaires coûte 100.000 dollars.

Nous voici donc devant une réalité qui jette la lumière sur quelques-uns des traits de notre époque. Tout d'abord, l'extrême droite européenne entretient des liens étroits avec un centre/état major politique et économique qui se trouve aux États-Unis, et plus précisément à la Maison Blanche ainsi que parmi les financeurs du président Trump !(2)

Cette " internationale brune » semble être arrivée à la conclusion que la question de la catastrophe climatique et l'ample mouvemen tradical de jeunes qui luttent contre elle représentent la plus grande menace pour ses intérêts et pour la domination du système capitaliste dans les années à venir. Ainsi sa " section » européenne concentrent aujourd'hui en toute priorité leur attaques sur la personne de Greta Thunberg, l'incontestable égérie, théoricienne et en même temps coordinatrice des mobilisations de jeunes presque partout en Europe et au-delà.

Voici donc comment se présente actuellement le rapport de l'extrême droite avec le grand capital. Non pas de façon abstraite, mais concrètement, avec des financeurs identifiables. Cependant, tout ce beau monde ne fait que son boulot. Si la gauche faisait le sien, la situation serait bien différente…

* Yorgos Mitralias, journaliste, un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM, anime le site EuropeansForBerniesMassMovement qui fournit, surtout en anglais et en grec, des informations quotidiennes sur les actions des mouvements sociaux et de la gauche états-unienne (https://www.facebook.com/EuropeansForBerniesMassMovement/). Cet article, paru d'abord en grec sur son site, a été traduit du grec par l'auteur.

notes
1. Voir https://unearthed.greenpeace.org/2019/05/14/germany-climate-denial-populist-eike-afd ainsi que l'article du The Guardian: https://www.theguardian.com/environment/2019/may/14/germanys-afd-attacks-greta-thunberg-as-it-embraces-climate-denial

Et aussi: https://www.liberation.fr/planete/2019/05/25/climat-l-activisme-de-greta-thunberg-a-remobilise-la-rhetorique-de-l-extreme-droite_1729243

2. Pour une meilleure connaissance de tout ça ainsi que des développements au sommet et surtout à la base de société nord-américaine, voir le Facebook : https://www.facebook.com/GreeksForBerniesMassMovement/

 

Auteur·es

Yorgos Mitralias

Yorgos Mitralias, journaliste retraité, ancien militant de la section grecque de la IVe Internationale et de Syriza, un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM, a animé le site EuropeansForBerniesMassMovement qui fournissait, surtout en anglais et en grec, des informations quotidiennes sur les actions des mouvements sociaux et de la gauche étatsunienne.