Vers un pôle anticapitaliste

par Jan Malewski
PAris, 1<sup>er</sup> juin 2008. Photothèque Rouge/JMB

Jan Malewski, militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France), est rédacteur d'<i>Inprecor</i> et membre du Bureau exécutif de la IV<sup>e</sup> Internationale.

Voilà plusieurs années que les organisations de la Gauche AntiCapitaliste Européenne (GACE) ont tissé des liens et se rencontrent régulièrement pour débattre, mieux se connaître et tenter d'agir ensemble à l'échelle continentale. Les 31 mai et 1er juin 2008, une telle rencontre à Paris avait permis de faire un pas en avant : une centaine de représentant(e)s de 37 organisations venant de quinze pays européens ont débattu durant deux jours de l'offensive capitaliste et de comment passer à la nécessaire contre-offensive, de l'évolution de la social-démocratie et des partis communistes, de la dynamique de la lutte des classes. Le débat a fait apparaître des convergences et confirmé les points de repère communs sur les principales mesures anticapitalistes et la nécessité d'une politique d'indépendance nette vis-à-vis de la social-démocratie. Toutes les organisations présentes ont réaffirmé la nécessité de rejeter toutes les politiques de coalitions parlementaires ou gouvernementales avec le social-libéralisme, de la social-démocratie ou du centre gauche. Ces références capitales pour reconstruire un nouveau mouvement ouvrier et une alternative anticapitaliste n'épuisaient pas tous les débats indispensables afin d'élaborer un projet socialiste, sur les diverses expériences en Europe, sur des questions clés — la formulation d'un programme anticapitaliste européen, le problème de la guerre, la réponse écosocialiste à la crise écologique —, et sur le contenu et les formes du socialisme du XXIe siècle.

Ce succès était bien sûr lié à la curiosité et la sympathie pour l'initiative de la LCR, la construction d'un nouveau parti anticapitaliste (NPA), mais il y a plus. Un changement de période historique travaille tout le mouvement ouvrier et toutes les organisations, depuis plusieurs années. Ce processus arrive peut-être à maturité dans une série de pays. La conjugaison, dans le cadre de la globalisation capitaliste, de la crise actuelle du capitalisme, du redoublement des attaques contre les droits sociaux et démocratiques, et de l'évolution sociale-libérale de la gauche traditionnelle, ouvre un espace pour la gauche radicale.

Les organisations présentes à Paris le 1er juin 2008 ont décidé de se revoir avant la fin de l'année et de poursuivre le débat sur la manière de faire vivre un pôle de la gauche anticapitaliste en Europe, en particulier à l'occasion des élections européennes de juin 2009.

Ce fut fait le 13 décembre à Paris. Une nouvelle fois c'est la LCR et le NPA en construction qui ont pris en charge l'organisation de la réunion. Moins nombreuse — la plupart des 12 organisations de Grèce présentes en juin n'ont pu effectuer le déplacement cette fois, investissant toutes leurs forces dans la mobilisation antigouvernementale de la jeunesse grecque alors que d'autres avaient des réunions nationales le même jour — elle a permis d'avancer vers la mise en place d'un pôle anticapitaliste lors des prochaines élections européennes et aussi d'affermir les liens nationaux (par exemple la LCR de Belgique et le Parti socialiste de lutte — PSL, ex-MAS — ont depuis décidé de mener ensemble la campagne électorale européenne, dans le cadre du pôle de la gauche anticapitaliste européenne). Le Parti polonais du travail (PPP), le Parti socialiste (SP) de Suède, la gauche anticapitaliste (IA) de l'État espagnol, la Gauche critique (SC) d'Italie ont annoncé leur volonté de s'engager dans une campagne européenne commune aux côtés du NPA de France, tentant de faire apparaître un pôle anticapitaliste au cours des élections européennes. C'est incontestablement un pas en avant. La déclaration adoptée par les courants et les organisations anticapitalistes d'Europe témoigne d'une volonté de discuter et d'agir ensemble.

La crise, comme les résistances sociales aux plans de restructuration capitaliste des gouvernements de l'Union européenne, a, à coup sûr, un effet accélérateur. Les discussions sur la situation en Grèce ont bien montré qu'il ne s'agissait pas d'un exemple isolé.

Ce type de réunion est aussi utile pour " penser Europe » : les points communs des situations face à la crise, mais aussi leurs spécificités dans le développement inégal des mouvements sociaux. Pour tous les délégués, et c'est une différence avec les autres courants de la gauche, il ne s'agit pas de s'attaquer aux seuls excès du capital financier ou de revenir à l'État providence, comme le propose Die Linke en Allemagne. Il faut rompre avec le capitalisme, satisfaire les revendications et les besoins sociaux des classes populaires et, pour cela, s'en prendre à la propriété et au pouvoir patronal.

Dans le même sens, à la différence de la majorité des forces regroupées au sein du Parti de la gauche européenne, les anticapitalistes rejettent la participation à des gouvernements ou à des coalitions parlementaires avec la social-démocratie et le centre gauche. Car ce qui est en jeu dans toutes ces discussions, c'est l'émergence d'un nouveau courant politique à l'échelle de l'Europe : un pôle anticapitaliste. Après la social-démocratie, les Verts et le Parti de la gauche, qui réunit essentiellement les partis communistes européens, il doit y avoir " les anticapitalistes ».

Ce courant " anti » va au-delà des organisations qui ont signé la déclaration finale. Des relations doivent aussi être tissées ou renforcées avec des partis comme le Bloc de gauche au Portugal, Syriza en Grèce ou les courants de gauche de Die Linke.

Dans la foulée de ces rencontres, des délégations de la LCR et du NPA de France, ont été en Pologne en décembre 2008 pour rencontrer les militants du Parti polonais du travail (PPP) et du Syndicat libre " Août 80 » (qui est à l'origine de la construction de ce nouveau parti) et ont participé le 17 janvier 2009, à Ruda Slaska, à la réunion nationale de ce parti, organisée en vue de préparer la campagne des élections européennes, qui a décidé d'engager le PPP dans la construction d'une gauche anticapitaliste à l'échelle européenne.

Les organisations présentes en décembre à Paris ont aussi décidé d'agir ensemble pour contribuer au succès de la manifestation unitaire contre l'Otan à Strasbourg et se sont donné rendez-vous, à Strasbourg, début avril, pour poursuivre la construction de ce pôle anticapitaliste européen.

Déclaration de la Gauche anticapitaliste européenne

Une conférence de la Gauche anticapitaliste européenne s'est tenue à Paris, à l'invitation de la LCR et du NPA. Nous tenons d'abord à manifester notre solidarité avec la révolte de la jeunesse grecque contre l'assassinat du jeune Alexandros Grigoropoulos. Dans ces heures graves, nous soutenons pleinement le combat des organisations de la gauche anticapitaliste contre la répression, les plans capitalistes et la corruption du gouvernement Karamanlis.

Cette explosion sociale est révélatrice des tensions qui sont en train de s'accumuler en Europe contre les plans des capitalistes et des gouvernements de l'Union européenne (UE). D'autant que, face à la crise capitaliste, les politiques des classes dominantes et des gouvernements vont aggraver les conditions de vie de millions de travailleurs.

Nous rejetons les plans des gouvernements de l'UE, qui sauvent les banques et pas les peuples. Cette Europe n'est pas la nôtre, comme l'a clairement exprimé le "non" à la Constitution européenne en France et en Irlande.

Nous proposons, au contraire, un plan d'urgence anticapitaliste qui s'oppose aux centaines de milliers de licenciements prévus par les patrons ; qui donne la priorité à l'emploi, aux salaires, aux services publics ; qui mette en avant la nationalisation intégrale des systèmes bancaires et de crédit, sous contrôle des salariés et des populations ; et qui satisfasse les besoins sociaux, face à la crise écologique et climatique. Car il ne s'agit pas de remettre en cause les prétendus excès de la "financiarisation" et d'améliorer la gestion du système, mais de rompre avec le capitalisme et sa logique.

Dans ces conditions, et en tenant compte des particularités de chaque pays, nous nous engageons à construire une opposition coordonnée et unitaire aux attaques patronales et gouvernementales et, en même temps, à créer les conditions d'une alternative politique et d'un pôle anticapitaliste qui s'appuie sur les mobilisations populaires, qui défende une Europe au service des travailleurs et des peuples, et qui refuse tout soutien ou participation à des gouvernements en alliance avec le social-libéralisme des partis sociaux-démocrates ou du centre gauche.

C'est sur cette base, et au-delà des possibilités et des choix de chaque organisation, que nous comptons être présents, pour défendre nos propositions politiques, lors des prochaines élections européennes.

Mais, avant ces échéances, nous participerons à une grande manifestation unitaire contre l'Otan à Strasbourg, à l'occasion du 60e anniversaire de cette organisation, symbole du militarisme impérialiste dans le monde.

Paris, le 13 décembre 2008

Belgique : Ligue communiste révolutionnaire (LCR-SAP) ; Espagne : Izquierda anticapitalista (IA, Gauche anticapitaliste) ; France : Ligue communiste révolutionnaire (LCR) ; Royaume-Uni : Socialist Party (SP, Parti socialiste) et Socialist Workers Party (SWP, Parti socialiste ouvrier) ; Grèce : Enantia (Gauche anticapitaliste unie), Sosialistiko Ergatiko Komma (SEK, Parti socialiste ouvrier), OKDE-Spartakos, KOE (Organisation Communiste Grecque, partie prenante de la Coalition de la gauche radicale Syriza), DEA (Gauche Ouvrière Internationaliste, partie prenante de la Coalition de la gauche radicale Syriza, Rosa (partie prenante de la Coalition de la gauche radicale Syriz, Kokkino (Rouge, partie prenante de la Coalition de la gauche radicale Syriza) ; Italie : Sinistra critica (SC, "Gauche critique) ; Irlande : People Before profits (PBP, Le peuple avant les profits) ; Pologne : Polska Partia Pracy (PPP, Parti polonais du travail) ; Suède : Socialistiska Partiet (SP, Parti socialiste).

 

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