Des déplacements dans la gauche renforcent le PSOL

par José Correa Leite

José Correa Leite, animateur du Forum social mondial, est membre du Comité International de la IVe Internationale. Militant de la gauche de la Tendance Démocratie socialiste, il a quitté le Parti des travailleurs (PT) pour rejoindre le Parti du socialisme et de la liberté (PSOL) en septembre 2005.

Plus de 2 500 militants ont quitté le Parti des Travailleurs au cours de la dernière semaine de septembre, et la majorité est entrée dans le PSOL. Parmi eux se trouvent cinq députés fédéraux Orlando Fantazini (de São Paulo) et João Alfredo (Ceará) de Democracia Socialista, Ivan Valente (São Paulo) et Maninha (Brasília) de Ação Popular Socialista et Chico Alencar (Rio de Janeiro) lié à la gauche catholique quatre députés d'États, des dizaines de conseillers municipaux, quatre membres de l'exécutif national de la CUT et Plínio de Arruda Sampaio principal leader politique de la gauche chrétienne, qui venait de disputer le premier tour de l'élection directe pour la présidence du PT (où il avait recueilli près de 40 mille voix d'adhérents du parti). Ce mouvement a impliqué plusieurs courants pétistes : Ação Popular Socialista, le Movimento de Unidade Socialista, le secteur de Democracia Socialista critique à l'égard de la ligne gouvernementaliste de la majorité de sa direction, la fraction dissidente d'Articulação de Esquerda et plusieurs groupes structurés au niveau de régions. En résulte un important renforcement relatif du PSOL.

Ce mouvement a été conditionné par la législation électorale brésilienne, qui établit que pour être candidat pour un parti, on doit y être affilié un an avant l'élection. Et nous aurons le 3 octobre 2006 des élections presque générales avec le renouvellement de presque tous les mandats législatifs et exécutifs au niveau fédéral et à celui des États, y compris celui du Président de la République et des gouverneurs des États. Ces sorties se sont produites en lien avec le positionnement de ceux qui vont se présenter en 2006. Pour les militants qui ne se présenteront pas aux prochaines élections, il n'y a pas de date limite d'affiliation, de sorte que de nouvelles sorties du PT vers le PSOL continuent à se produire depuis. Le 9 octobre a eu lieu le second tour de l'élection à la présidence du PT ; Ricardo Berzoini, soutenu par Lula et Zé Dirceu, a battu Raul Pont, de l'aile de Democracia Socialista qui soutient le gouvernement, appuyé par les secteurs de gauche de différentes nuances qui restent encore au PT. Nombre de militants mécontents du cours du PT étaient restés dans le parti afin de voter pour Raul et sont effectivement sortis ou vont le faire maintenant, les uns pour aller au PSOL, les autres pour rester des militants du mouvement social.

Renforcement du PSOL et résistance du PT

Ces déplacements changent profondément le PSOL. Le parti a été fondé en janvier 2004 par des parlementaires exclus du PT au bout de la première année de gouvernement de Lula et a depuis concentré presque toute son énergie militante à rendre possible son enregistrement légal l'actuelle législation sur les partis exige la signature de plus de 400 mille électeurs pour légaliser un nouveau parti. Le PSOL était, jusqu'à maintenant, très petit et sa présence politique était limitée. Il reste petit en comparaison avec le PT, mais sa taille a été multipliée par trois et il dispose désormais de ressources comparativement bien supérieures.

En outre, même si le parti comptait la sénateure Heloísa Helena (de l'État d'Alagoas) et deux députés fédéraux Luciana Genro (Rio Grande do Sul), du Movimento de Esquerda Socialista, et Babá (Pará), de Corrente Socialista dos Trabalhadores, deux courants issus du trotskisme moréniste sa composition et son image en faisaient aux yeux d'importants secteurs de la gauche brésilienne un petit parti gauchiste. Maintenant le PSOL comprend une partie importante de la gauche qui combat les orientations du gouvernement Lula au sein du PT. En outre, les nouveaux militants et les parlementaires qui entrent donnent au PSOL une visibilité politique et une viabilité électorale supérieures, susceptibles de traduire les intentions de vote en faveur de Heloísa Helena pour la présidentielle, aujourd'hui dans une fourchette de 7 % à 10 % selon différentes enquêtes, en implantation dans les États, en plus forte présence politique et en organisation militante. Le PSOL peut ainsi se présenter comme héritier organique d'une fraction importante de la gauche pétiste qui s'opposait au cours néolibéral du gouvernement Lula, y compris du Bloc Parlementaire de Gauche qui a gagné un grand crédit dans les débats du PT au cours de l'année passée et de secteurs significatifs de la gauche catholique.

Le plus décisif est que ces déplacements amorcent un courant durable de militants du PT vers le PSOL et créent les conditions de l'existence d'un outil politique susceptible de devenir le levier d'un vaste processus politique de recomposition de la gauche inévitable du fait de l'adhésion de Lula et de la majorité du PT au néolibéralisme. Une grande partie des socialistes étaient immobilisés au sein du PT, incapables d'impulser la formation d'une opposition de gauche au gouvernement Lula. La crise politique déclenchée en juin de cette année par les scandales de corruption et d'achat de votes de parlementaires de droite par le PT sur des projets décisifs du gouvernement Lula en approfondissant la crise structurelle de la gauche, a facilité les sorties vers le PSOL. Maintenant, avec cette recomposition partielle, une opposition de gauche gagne du poids et de la crédibilité.

Cette victoire ne doit pas obscurcir la caractérisation générale de la conjoncture : les socialistes traversent une période très difficile au Brésil. Revenue de ses illusions du fait des promesses non tenues par Lula et le PT, méfiante à l'égard des politiques qu'elle voit comme tous pratiquement pareils, la population se tient à l'écart et reste passive. Le PSOL prend vie dans le cadre d'une crise profonde de la gauche, alors que de nombreux mouvements sociaux restent attachés au gouvernement par des liens matériels, alors qu'une partie importante de la génération de gauche des années 1970 et 1980 (qui a créé le PT, la CUT et le MST) a été cooptée dans les institutions, alors que l'on connaît une érosion des références idéologiques socialistes et une crise d'orientation stratégique. Des fractions croissantes de la jeunesse mettent en question la nécessité de partis politiques. Et le PT subsiste avec une puissante machine électorale et bureaucratique ; elle a été, encore qu'en grande partie de façon clientéliste, capable de mobiliser plus de 300 000 votants lors du premier tour de ses élections internes.

Mais en dépit de toutes ces limites, le renforcement relatif du PSOL établit un rapport de forces qui permet, au moins, une présence significative de la gauche dans les luttes sociales et dans l'affrontement électoral de 2006 et donc dans la définition du nouveau cours que les socialistes brésiliens doivent prendre à la suite de l'expérience traumatisante du gouvernement Lula.

Les raisons de l'échec

La crise du projet pétiste a ouvert un débat sur les raisons de son échec, important surtout parce qu'il aura des incidences sur la définition de l'orientation à venir des différents secteurs qui construisent aujourd'hui le PSOL. Au moins quatre explications sont présentées dans les discussions en cours. Une première remarque que l'arrivée de Lula au gouvernement a déplacé en profondeur le rapport de forces au sein du parti. Jusqu'alors la marge de manœuvre de Lula et de son groupe était conditionnée par le cadre plus large des relations entre les différents courants au sein du PT. Depuis, Lula et ses proches ont, à partir du gouvernement, littéralement balayé les oppositions (exclusion d'une partie des parlementaires les plus critiques fin 2003, cooptation de secteurs de gauche par la participation au gouvernement, etc.) et ont transformé le parti en une courroie de transmission du gouvernement.

Une seconde explication met l'accent sur un long processus de transformation du parti en une machine électorale gérée par des politiciens professionnels qui se sont intégrés au jeu politique parlementaire et gouvernemental. Une partie de la gauche avait déjà dénoncé l'implantation d'une contre-réforme bureaucratique dans le parti à la fin des années 90, conduite par José Dirceu centrée sur l'élimination des négociations dans les congrès pour la composition des directions qui ont désormais été élues directement par les adhérents, dans des élections du type primaires, sans aucun débat politique et grâce à des machines politiques (cabinets parlementaires, exécutifs locaux, syndicats, tendances du parti, etc.) mobilisant des clientèles pour faire voter pour leurs candidats. Le sociologue Francisco de Oliveira va plus loin et voit dans ce processus l'expression de l'ascension sociale d'une couche de militants issus du mouvement syndical des années 1980, profondément impliqués depuis une décennie dans la gestion des fonds de pension et ayant le contrôle non seulement de la machine du PT mais aussi celle de la Centrale Unique des Travailleurs. La bureaucratisation des organisations des travailleurs aurait été ainsi approfondie par les réformes néolibérales des années 1990.

Une troisième explication, de type plus sociologique, voit dans le PT et la CUT l'expression d'une classe ouvrière fordiste, qui s'est mise en mouvement à la fin des années 1970 et dans les années 1980, forgeant ses instruments de lutte et d'organisation. Cette classe ouvrière a été profondément remaniée par les transformations impulsées par les politiques néolibérales en vigueur dés 1990, avec les gouvernements Collor et Fernando Henrique. La classe ouvrière brésilienne a perdu sa colonne vertébrale : les ouvriers des grandes concentrations industrielles aujourd'hui fragmentés et divisés par la dérégulation du marché du travail, soumis à la pression du chômage et par l'ouverture de l'économie nationale. Cela a produit non seulement l'atonie des luttes ouvrières et populaires, mais aussi une profonde perte d'efficacité des outils de la gauche brésilienne, construits sur la base d'une réalité qui n'existe plus.

Enfin, une quatrième explication met l'accent sur l'incapacité de la gauche brésilienne à comprendre et s'adapter aux transformations qui se produisaient, prisonnière de son propre succès initial et de l'inertie des organisations qu'elle avait bâties dans cette logique. La société brésilienne a beaucoup changé et rapidement, et la gauche ne l'a pas compris ou du moins n'a-t-elle pas été capable d'en tirer les conséquences. Certains dirigeants de la gauche qui a rompu avec le PT disent que le gouvernement Lula est le mur de Berlin qui est tombé sur la gauche brésilienne, un événement qui catalyse une série de faiblesses et a montré sa corruption interne jusqu'alors masquée. D'autres affirment qu'il est nécessaire que la gauche redécouvre le Brésil produit par quinze ans de politiques néolibérales, un pays qui ne peut être compris à partir de la théorie sociale forgée au XXe siècle par le projet social développementiste.

Ces explications doivent encore compter avec une autre constatation : le projet politique qui a cherché à se présenter comme alternative de gauche au PT, le Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado (PSTU), impulsé par le trotskysme moreniste depuis sa rupture avec le PT en 1993, a lui aussi échoué spectaculairement. Au moment même où le PT a révélé sa crise profonde, le PSTU s'est montré incapable d'en attirer le moindre secteur et est entré en crise. Des secteurs importants du PSTU ont rompu avec ce parti et ont rejoint la formation du PSOL. La crise de la gauche brésilienne paraît, de cette manière, être la crise d'un horizon partagé par presque tous les courants socialistes.

Toutes ces explications appréhendent probablement une partie de la réalité vécue par la gauche brésilienne. L'ensemble renvoie à une profonde rediscussion des projets politiques socialistes dans le pays et à un dialogue rénové avec la gauche internationale. Et apporte au moins une partie des réponses pratiques aux défis que la gauche aura à affronter dans la prochaine période.

Un outil politique efficace

Le premier défi, le plus immédiat, est de construire le PSOL en tant qu'outil politique efficace pour peser sur le vaste processus de recomposition en cours qui s'exprimera dans la conjoncture exigeante de 2006. En ce moment, la tâche centrale est de créer les conditions de l'entrée et du regroupement dans le PSOL des militants liés à l'ensemble des secteurs qui quittent le PT. Il y a là un gigantesque travail d'organisation à faire dans l'immédiat.

Le PSOL a affronté, jusqu'à maintenant, surtout le défi de la légalisation et il l'a fait sur la base d'une dynamique de fonctionnement de front de courants politiques. Sa vie interne a été, jusqu'à ce moment, déterminée par les accords (et désaccords) entre les principaux courants qui ont constitué le parti début 2004. Maintenant, avec sa considérable croissance relative, nous avons un parti qualitativement plus large et pluriel, avec de nouveaux courants politiques et différentes couches de militants aux insertions et optiques bien plus différenciées. Cela entraîne de nouvelles exigences quant au fonctionnement du parti et la nécessité pour lui d'approfondir sa démocratie, etc. La capacité d'absorber ces militants va déterminer le profil du PSOL en tant que parti et sa faculté de continuer à incorporer des fractions plus ou moins larges des travailleurs politisés et des militants sociaux, de la jeunesse engagée, etc. Et il faudra certainement au parti une structure d'organisation large et efficace s'il veut croître au cours des campagnes électorales de 2006.

Mais l'organisation des militants dans le PSOL est maintenant bien plus difficile que lorsqu'on agissait dans le PT. Ce parti, alors identifié avec presque toute la gauche, lié réellement ou imaginairement aux luttes des pauvres, des exploités, du peuple, exprimait la conquête d'une identité de classe élémentaire des travailleurs brésiliens. Le PSOL, pour exister, devra établir l'identification avec un projet politique bien plus précis, partant de la critique de l'échec de l'expérience du PT (et du PSTU) et se proposant de le dépasser positivement ce qui n'a rien d'évident dans le cadre de la crise d'horizon stratégique des socialistes.

Orientation politique

Un second défi sera de tracer et mettre en oeuvre une orientation politique dans le PSOL et dans les mouvements sociaux en mesure de combattre plus efficacement les politiques néolibérales. Elle doit dialoguer avec la situation concrète des mouvements sociaux et des différents secteurs de l'avant-garde et être en mesure d'inciter la majorité des secteurs organisés des travailleurs à dépasser leurs attaches avec le PT et à se lier au processus de recomposition en cours.

Le débat doit être mené avec la conscience qu'inciter à la reprise de la lutte sociale et proposer des alternatives de gauche constitue un défi considérable après 15 ans de néolibéralisme maintenant légitimé par le PT, ce qui compromet en grande partie le sens de l'indépendance de classe conquis dans ce processus. Il y a des ressources à mobiliser (les secteurs qui ont pris des distances vis-à-vis du PT, l'autonomisation de la gauche catholique vis-à-vis de la direction luliste, les avancées de l'organisation et la démocratisation de la " société civile » brésilienne au cours des dernières décennies) et des contradictions à exploiter (l'approfondissement des inégalités sociales, les questions environnementales ignorées par le gouvernement, etc.). Mais l'analyse de la conjoncture oriente vers la construction du PSOL à partir d'une perspective d'accumulation de forces plus prolongée, d'une recomposition de l'ensemble des instruments d'organisation des travailleurs brésiliens et de la lutte pour la récupération du considérable espace idéologique perdu au profit du néolibéralisme.

Si la campagne électorale de 2006 tend à stimuler des initiatives politiques et peut se traduire par un score relativement important (quelque chose de l'ordre, par exemple, de 10 % des voix à la présidentielle), l'analyse de la situation politique conduit à un accent renouvelé sur le travail de masse et sur la réinsertion de la gauche socialiste dans les luttes populaires. En ce sens, l'activité des socialistes doit partir de la compréhension aussi bien de la nature défensive de la conjoncture que de la caractérisation du PSOL comme levier pour un processus large et durable de recomposition de la gauche brésilienne.

Une question importante pour le PSOL sera sa capacité (ou pas) d'associer les secteurs organisés de la classe travailleuse qui soutiennent encore leurs directions au combat sans trêve contre le gouvernement Lula, c'est-à-dire contre la coopération entre la majorité du PT et les différents partis de droite pour constituer le personnel politique chargé de gérer l'appareil de l'État bourgeois en groupe responsable de l'approfondissement des politiques néolibérales au Brésil. Issu des luttes populaires, le PT a unifié presque toute la gauche et impulsé l'indépendance de classe des travailleurs, avant de connaître une dérive social-démocrate dans les années 1990 et, plus récemment, d'adhérer au social-libéralisme. Cette histoire explique aujourd'hui la persistance d'une base populaire, déclinante mais bien réelle, pour le PT, les contradictions résultant de l'existence en son sein de secteurs critiques à l'égard du néolibéralisme bien que limités dans leurs critiques (la Democracia Socialista de Raul Pont et du ministre Miguel Rosseto, l'Articulação de Esquerda, de Valter Pomar) et surtout l'existence de mouvements sociaux qui gravitent encore autour du champ politique structuré par le lulisme.

L'incapacité d'entretenir un dialogue avec des secteurs plus larges de la gauche a été une des causes fondamentales de l'échec politique du PSTU, fondé comme alternative à sa dérive social-démocrate. Le PSTU est, autant que le PT, un contre-modèle que la gauche brésilienne doit éviter aujourd'hui. Une orientation adéquate pour la campagne de 2006 est ainsi inséparable d'une orientation vers le travail de masse qui rejette les projets tendant à l'autoproclamation et l'auto-isolement.

En ce sens, la campagne électorale de 2006 devra être menée dans une optique très différente de celle que la gauche brésilienne a eue depuis la fin des années 1980. Il ne s'agit pas d'organiser une campagne pour conquérir le gouvernement central, objectif qui se trouve complètement hors de portée, ni de faire de la propagande pour le socialisme, mais de construire une campagne qui débatte de certaines questions de société pour en faire un levier pour la lutte populaire, qui suggère des issues, qui impulse les campagnes de masse, etc. La plate-forme politique accumulée par le Bloc Parlementaire de Gauche, qui était encore au sein du PT cette dernière année, constitue un point de départ important mais insuffisant pour cela. Un point central dans le débat est justement la relation qu'un parti de gauche doit établir dans l'actualité entre les institutions de la démocratie libérale et les différentes sphères de la machine de l'État, tout comme entre la participation aux institutions et le rôle central des mouvements sociaux. Établir un programme du parti (qui aura nécessairement un caractère limité, vu l'ampleur des discussions que les socialistes doivent mener), une plate-forme électorale et, principalement, le profil pratique d'intervention du parti, telle va être la tâche fondamentale du 1er Congrès du PSOL, prévu pour mars 2006 congrès qui élira aussi la première direction effective du parti.

Dans la construction de ce profil politique, l'intervention du PSOL doit aussi valoriser les thématiques et les initiatives résultant des nouvelles configurations de la lutte politique qui ont émergé ces dernières années comme la pratique internationaliste, évidente, par exemple, dans le Forum Social Mondial et dans les campagnes contre le libre-échange, la lutte écologique, où le bilan du gouvernement Lula est vraiment tragique, et des thèmes comme la déforestation de l'Amazonie et le détournement des eaux du fleuve São Francisco permettant un important débat de société, la question des droits humains, etc. Elles sensibilisent fortement une nouvelle génération qui entre dans la lutte politique dans le cadre d'une crise généralisée du mouvement socialiste.

Nous ne pouvons enfin comprendre la crise de la gauche brésilienne en dehors des dilemmes stratégiques de la gauche latino-américaine. Il est significatif qu'aujourd'hui l'expérience vénézuélienne, renforcée par le soutien cubain, polarise la gauche latino-américaine et joue le rôle autrefois joué par le PT. La définition de conceptions et de pratiques internationalistes est centrale pour la reconstitution d'un projet politique de gauche dans l'actualité, qui doit travailler avec une articulation très différente de celle du passé entre luttes nationales et luttes globales.

La question de la direction

La construction d'un parti large exige un processus d'unification et d'accords politiques entre les différentes composantes du PSOL de façon que le parti ait une direction stable, capable de vertébrer une intervention politique claire et une construction démocratique ouverte du parti dans la prochaine période.

Il existait, avant ce déplacement de forces, des discussions entre des secteurs qui aujourd'hui entrent au PSOL et certains courants qui avaient fondé le PSOL à partir de l'exclusion des parlementaires en décembre 2003. Cette convergence prend maintenant de la force, incluant des secteurs venus de Democracia Socialista, d'Articulação de Esquerda, du Movimento de Unidade Socialista e du Fórum Socialista, d'une part, et d'autre part du courant Liberdade e Revolução du PSOL (auquel appartiennent Heloísa Helena et João Machado), lui-même issu dans une large mesure de la DS. En décembre 2005 aura lieu la première conférence de ce regroupement qui est connu sous le nom d'Enlace. Les secteurs qui entrent maintenant dans le PSOL ont en général participé à la campagne de Plínio Sampaio pour la présidence du PT et conservent un cadre de contacts entre eux. Et les groupes impliqués dans le processus de convergence ont aussi un dialogue significatif avec le Coletivo Socialismo e Liberdade, un courant du PSOL bien implanté syndicalement.

Le problème majeur réside dans le rapport avec les courants qui partagent une conception " dirigeante » et substitutiste du parti, qu'Ernest Mandel avait jadis appelée " parti-fraction-secte ». Dans les conditions du Brésil, ils allient fréquemment une orientation générale gauchiste et propagandiste avec un grand pragmatisme électoral. C'est ainsi qu'ils dialoguent très peu avec l'attente politique des militants qui rompent avec le PT ou cherchent une alternative pour le faire. Ils ont impulsé la formation d'un regroupement syndical alternatif à la CUT, le Conlutas, au caractère très minoritaire, et font de même au sein du mouvement étudiant avec le Conune (par oppositon à l'Union Nationale des Étudiants UNE). Dans l'un et l'autre cas, ils agissent avec le PSTU, en s'adressant aux secteurs les plus radicalisés du mouvement et en tournant le dos au dialogue avec la base sociale la plus large du bloc démocratique et populaire.

Quel va être le degré d'accord politique non seulement dans les programmes, mais aussi dans les pratiques, et donc quel va être le degré d'unité dans la direction entre tous les secteurs les plus importants du PSOL ? Cela n'est pas tranché. Mais de cela dépend, dans une large mesure, son avenir.