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Danemark : La bataille pour les terres agricoles

par Socialistisk Arbejderpolitik
La photo montre l'installation solaire sur le bâtiment de la société AS Solar à Hanovre (Allemagne). © Christoffer Riemer / CC BY 3.0

La gestion lucrative de l’installation de parcs solaires et éoliens suscite une opposition populaire importante – et justifiée – à de nombreux projets. La gauche et le mouvement pour le climat doivent se joindre à la bataille pour les terres agricoles. Une politique radicalement différente est nécessaire pour l’installation d’énergies renouvelables (ER). Il faut arracher ces dernières des mains des investisseurs spéculatifs. Et la résistance aux énergies renouvelables hostiles à la nature et à l’homme doit être arrachée des mains des climatosceptiques d’extrême droite.

Soyons clairs : même si nous devons réduire notre consommation d’énergie, il est absolument nécessaire de développer massivement les énergies renouvelables, tant en mer que sur terre, afin de pouvoir rapidement abandonner les énergies fossiles. Le soleil et le vent sont, du moins à court terme, les sources d’énergie non fossiles les plus importantes.

Opposition aux « champs de ferraille » et aux méga-éoliennes

Cela signifie-t-il pour autant que le mouvement pour le climat et l’environnement devrait soutenir avec enthousiasme tous les projets d’énergie solaire et éolienne ? Pas du tout ! Et ce n’est absolument pas le cas dans la pratique, du moins pas dans les communes rurales. Le problème est en effet que, dans la pratique, ce sont très souvent les grands investisseurs et les propriétaires fonciers qui décident où installer ces « champs de ferraille » à perte de vue et ces éoliennes de 150 mètres de haut. Et leurs « critères d’aménagement » ne tiennent compte ni de la nature ni des personnes, mais uniquement du rendement économique le plus élevé possible. Cela signifie généralement que :

• Les projets sont implantés sur des terrains qui ne sont pas aussi productifs que les terres cultivables (par exemple, les basses terres, les marais, etc.), mais qui présentent souvent un grand intérêt sur le plan de la nature, des loisirs et/ou de la biodiversité.

• Les dispositions relatives à la distance par rapport aux habitations, à la taille des éoliennes, etc. visent exclusivement à maximiser le rendement énergétique, sans tenir compte des intérêts des habitants de la région.

• Que la population locale ne pourra pas se voir attribuer la propriété de l’installation ni bénéficier d’une partie de l’électricité produite, mais au mieux une compensation ou une indemnisation qui, même après que le gouvernement aura doublé son montant, ne suscitera guère d’enthousiasme.

• Au contraire, l’électricité peut être affectée à des projets plus que douteux. L’électricité destinée à un gigantesque centre de données américain, par exemple. Ou, plus absurde encore : l’électricité pour des projets PtX [transformation en vecteurs d’énergie chimique ndt], hautement subventionnés par l’État et dont la mise en œuvre a pris beaucoup de retard, qui pourraient un jour réussir à produire du carburant vert à partir d’électricité et de lisier provenant de l’industrie porcine, hostile à l’environnement et aux animaux – si nous n’avons pas réussi à les arrêter avant.

 

Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait souvent une forte opposition locale dans les régions (rurales) où ces projets sont implantés. Une opposition qui est une aubaine pour les partis bourgeois qui minimisent la crise climatique et veulent continuer à utiliser les combustibles fossiles et/ou créent de faux espoirs quant à des miracles nucléaires imminents. Les Démocrates danois, en particulier, sont à la tête de cette opposition et gagnent des partisans grâce à une opposition stupide et climato-sceptique aux énergies renouvelables. Mais le DF [Dansk Folkeparti, populiste de droite ndt] et d’autres partis leur emboîtent le pas.

Pour une alternative de gauche

Il est donc urgent que la gauche et le mouvement pour le climat entrent dans la bataille et proposent de meilleures réponses aux problèmes. Peut-être parce que la gauche et le mouvement pour le climat ont tous deux leurs centres dans les grandes villes, cela s’est fait attendre. Certains ont qualifié les opposant·es aux installations d’énergie renouvelable d’hypocrites « NIMBY » (« Not In My BackYard », « Nous soutenons l’énergie renouvelable, mais pas dans notre jardin ») – ce qui est facile à dire quand on vit dans une ville où personne ne rêve d’installer des parcs solaires et des éoliennes géantes.

Mais peu à peu, des exigences sont formulées qui répondent à la fois aux préoccupations de la population rurale en matière d’énergies renouvelables et aux exigences incontournables du mouvement climatique. C’est possible – à condition, bien sûr, de renoncer à l’idée que les « investisseurs verts » et les « forces du marché » doivent être responsables de la mise en place des énergies renouvelables. Et si l’on est prêt à imposer des exigences en matière de propriété et de contrôle.

Les points clés doivent être les suivants :

• Les panneaux solaires ne doivent en principe pas être installés dans la « nature », mais sur des bâtiments et des revêtements, par exemple des parkings, au-dessus et le long des routes, des voies ferrées, etc. Est-ce suffisant ? Oui ! L’Agence danoise de l’énergie prévoit l’installation de panneaux solaires sur une superficie totale de 440 km² dans un Danemark sans énergie fossile en 2050. Et il y a par exemple plus de 700 km² de toits de bâtiments et plus de 2 000 km² de routes et de voies ferrées dans le pays. La surface terrestre est nécessaire pour la production de nourriture bio, la restauration de la nature et le reboisement.

• L’énergie éolienne doit surtout être produite en mer, où elle dérange le moins la nature et les humains.

• Que les propriétaires fonciers et les spéculateurs qui jouent actuellement un rôle moteur et directeur dans la mise en place des énergies renouvelables (ou, dans le cas de l’éolien offshore, dans le freinage des énergies renouvelables) soient écartés au profit de différentes formes de propriété publique ou collective et de contrôle par les utilisateurs.

 

Plus concrètement, cela se traduit par les exigences suivantes :

• Les parcs solaires et/ou éoliens dans la nature (y compris les terres cultivées, les forêts, etc.) ne doivent plus pouvoir être construits par des investisseurs privés.

• Tous les bâtiments publics et tous les bâtiments commerciaux (y compris les bâtiments agricoles) doivent être équipés de panneaux solaires dans un délai de quelques années. Les nouveaux toits doivent systématiquement être équipés de panneaux solaires.

• Des mesures doivent en outre être prises pour financer, à l’aide de prêts publics bon marché, l’installation de panneaux solaires municipaux au-dessus des parkings, des voies ferrées, des routes (en particulier au-dessus et le long des autoroutes) et d’autres revêtements. En outre, des panneaux solaires communaux doivent être installés, financés par des prêts publics bon marché, au-dessus des parkings, des voies ferrées, des routes (en particulier au-dessus et le long des autoroutes) et de tout autre type de surfaces.

• Les maisons individuelles privées, les coopératives et les associations de propriétaires doivent pouvoir bénéficier du règlement net avantageux pour l’électricité s’ils installent des panneaux solaires ou des éoliennes domestiques. Les immeubles locatifs bénéficient de la même possibilité, mais uniquement si 90 % des bénéfices reviennent aux locataires.

L’énergie éolienne doit être produite en grande partie par des parcs éoliens offshore. Il faut ignorer les pressions financières des investisseurs : l’État doit racheter Ørsted et se lancer lui-même dans une vaste campagne de promotion massive.

Les parcs éoliens et solaires terrestres doivent pouvoir être créés et gérés exclusivement par des entités communautaires locales représentant les habitant·es de la zone et être détenus par ces dernières, par une fondation indépendante ou par la municipalité.

• Des règles plus strictes doivent être introduites (ou réintroduites) pour toutes les installations d’énergie renouvelable terrestres, notamment des exigences en matière de distance, une limitation générale de la hauteur des éoliennes et de la taille des parcs solaires, le respect des caractéristiques naturelles et avec le soutien des populations locales.

De telles exigences peuvent à la fois renforcer la lutte pour une transition écologique immédiate avec le soleil et le vent comme sources d’énergie principales et exprimer la résistance populaire légitime contre les projets spéculatifs d’énergie renouvelable hostiles à l’homme et à la nature. Une telle politique de gauche peut ainsi contribuer à freiner la progression des populistes d’extrême droite dans les zones rurales, ce qui constituerait un élément positif non négligeable.

Publié le 21 septembre 2025 par Socialistisk Information.

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.