
Résolution politique du Comité central du Parti socialiste révolutionnaire, section chilienne de la Quatrième Internationale, après le coup d’État de 1973.
I
La situation politique nationale est un moment décisif par rapport à la solution définitive du problème du pouvoir. La nécessité de mettre un terme à la période d’instabilité provoque des changements importants sur le plan politique, qui modifient le rapport de forces entre les classes antagonistes et entraînent des modifications à l’intérieur même de ces classes. Ceci peut provoquer un affrontement à brève échéance.
II
Le gouvernement de l’Unité Populaire – tel qu’il est en septembre-novembre 70 – a utilisé tous ses atouts. À l’heure actuelle, il ne contente ni le prolétariat, ni la bourgeoisie. Malgré son évolution à droite et les concessions accordées, il n’est pas parvenu à satisfaire les exigences de l’impérialisme et de la bourgeoisie nationale, qui profite de ses concessions pour l’amener à capituler complètement d’abord, tandis qu’elle s’organise dans le but de le renverser par la force.
III
Dans ce but, les exploiteurs utilisent tous les moyens légaux et illégaux. Ils ont réparti leurs forces dans divers secteurs : au terrorisme caché s’ajoute la pression politique avec mobilisations massives, grèves de secteurs professionnels, tentatives de briser le mouvement ouvrier lui-même, dans le but de renforcer leur base sociale. En même temps, ils accélèrent le travail à l’intérieur des forces armées pour les pousser à un coup d’État.
IV
La classe bourgeoise est pour le moment à l’offensive politique et exerce son agressivité en dehors de ses propres partis. Cette réalité est une expression de la crise de la direction bourgeoise. La bourgeoisie se voit confrontée à la nécessité absolue de combattre et d’écraser le mouvement ouvrier d’une part, et à l’inadaptation de ses structures traditionnelles d’autre part. Cette contradiction accélère sa restructuration sur de nouvelles bases, aggrave l’instabilité politique, économique et sociale, créant les bases pour la suprématie des forces armées qui se révèlent comme la seule solution à cette crise de direction.
V
Emprisonné dans cette offensive, de concession en concession, le gouvernement a changé de caractère : il perd ses possibilités d’action progressiste, il se sépare des masses qui le soutiennent, se tournant vers la droite. Ses caractères de bonapartisme sui generis évoluent, lui donnant la physionomie d’un gouvernement bureaucratique-militaire. Son isolement de l’ensemble des forces ouvrières et paysannes s’accentue.
VI
Le mouvement ouvrier et paysan passe par une étape de développement extraordinaire, qui montre son influence à la base. Les secteurs importants de l’industrie nationale, les plus décisifs, sont sous son contrôle. De diverses façons, il procède à l’expropriation de la propriété privée, exerçant des formes combinées de contrôle ouvrier et d’administration directe sur des industries manufacturières et des exploitations agricoles, bien décidé à ne pas les rendre à leurs anciens propriétaires.
VII
Ces faits montrent la vigueur de l’offensive ouvrière, marquant l’époque de son sceau. Si, jusque-là, une mobilisation politique générale n’a pas eu lieu, il est clair qu’elle se prépare sur les bases déjà acquises. Il se constitue une « étape de concentration des forces » à l’intérieur du mouvement de classe et l’une de ses caractéristiques est la préparation militaire à la base, au sein de la classe, des usines, des assemblées de paysans et des « cordones industriales ». La volonté d’aller vers la révolution socialiste élève le degré de conscience des travailleurs qui se préparent à résister à la contre-offensive, les armes à la main.
VIII
La radicalisation en cours, le renforcement de la conscience politique, résultat direct de l’action des masses, ouvrent un fossé qui s’agrandit chaque jour entre les masses en lutte et les directions réformistes. Les larges avant-gardes liées à l’ensemble des travailleurs comprennent très rapidement la nécessité de détruire l’impérialisme et la bourgeoisie nationale, de même que la nécessité de constituer d’urgence une authentique direction révolutionnaire. Les directions réformistes s’emploient à paralyser cette évolution positive, freinant provisoirement le déchaînement d’une offensive anti-bourgeoise claire qui, par son dynamisme, devrait rapidement en finir avec les illusions que peut encore donner le gouvernement actuel.
IX
Les possibilités de contrôle politique des masses par les directions réformistes s’affaiblissent visiblement. Les bases des partis ouvriers sont fortement ébranlées. Une partie intégrante et décisive du mouvement ouvrier ne peut plus concilier sa conduite avec celle de ses propres directions et se prépare à combattre dans ses propres partis. Des courants révolutionnaires sains cherchent une organisation, ouvrant la voie à des déplacements politiques qui créeraient les conditions préalables à la formation d’un parti révolutionnaire.
X
C’est l’ensemble de ces phénomènes, leur interaction, qui conduit inévitablement à un affrontement entre les classes dans un délai de plus en plus court. C’est une question de vie ou de mort pour l’impérialisme et la bourgeoisie nationale de contenir d’abord et d’écraser ensuite ce mouvement ouvrier qui est en train de l’exproprier. La bourgeoisie comprend clairement que même la capitulation du gouvernement – qui ne signifie pas engagement d’une offensive contre le mouvement ouvrier – ne suffit pas. C’est cette appréciation qui détermine quel laps de temps la bourgeoisie laisse à l’actuel gouvernement avant d’employer toutes ses forces à le renverser.
XI
Ce sont les facteurs sociaux et politiques qui font que la solution du problème du pouvoir, l’amplification du processus révolutionnaire et son propre triomphe ne peuvent être résolus que par la lutte armée. Les larges masses, les ouvriers et les paysans, se préparent maintenant à la lutte avec ces perspectives fondamentales. La lutte de classes se propage à l’intérieur des forces armées ; là aussi, une brèche s’ouvre entre la base et la direction. La troupe se reconnaît dans les idées générales des travailleurs, sensible à ses origines de classe et s’aperçoit des contradictions au sein des corps répressifs de l’État bourgeois.
XII
Le Parti Socialiste Révolutionnaire place au centre de son activité l’intégration de la lutte armée dans ce processus : il le fait de façon claire et résolument. La possibilité pour lui d’être un pôle de formation du parti de la révolution socialiste et de travailler au triomphe de la révolution est inconcevable s’il ne s’engage pas dans la préparation et le développement de la lutte armée. Il ne s’agit pas pour nous de nous substituer à la classe, mais de participer sans réserve, avec l’intention de diriger, unis avec les masses, l’affrontement armé inévitable dans lequel les secteurs les plus actifs sont déjà engagés, répondant à l’initiative de la classe ouvrière.
XIII
Nous réaffirmons les tâches de la résolution du Bureau Politique du 10 août :
a) Écraser la contre-révolution bourgeoise, en particulier dans son foyer le plus actif, la grève des transporteurs. Appui à l’initiative des « cordones industriales » et des « commandos communales » de réquisitionner les véhicules des grévistes ;
b) Rejeter toute transaction, tout dialogue avec les ennemis des travailleurs ;
c) Renforcer le pouvoir ouvrier et populaire sur ses véritables bases : les « cordones industriales » et les « commandos communales » pour écraser la bourgeoisie et déborder le réformisme. Aucune restitution d’usine. Continuer l’expropriation de la bourgeoisie nationale ;
d) Construire l’Unité Révolutionnaire comme instrument de la progression du processus révolutionnaire. Concrétiser cette unité à tous les niveaux avec le MIR, le MAPU(G) et les secteurs avancés du PS.
Le 1er septembre 1973, publié dans Quatrième Internationale n°9/10 (nouvelle série), septembre-octobre 1973