Le Manifeste pour une Révolution écosocialiste de la IVe Internationale tombe vraiment à pic dans une période de dangers innombrables.
Notre époque du « Trumpisme-Poutinisme » est en effet marquée par la montée dangereuse et généralisées des populismes nationalistes, le retour à l’impérialisme conquérant, aux guerres dévastatrices, au colonialisme, aux épurations ethniques et aux stratégies de la prédation ainsi que par les effets de plus en plus dangereux de la catastrophe climatique. Il est par conséquent désormais devenu vraiment urgent de tirer enfin la sonnette d’alarme, en mobilisant toutes les forces d’opposition critiques et démocratiques de notre société, en Europe et dans le monde entier. Les forces aptes à résister encore à ces vastes projets de destruction et de déshumanisation du monde, menés par le capitalisme mondial et des régimes autocratiques autoritaires méprisant les droits humains, le droit des peuples à l’autodétermination, le droit international, etc.
Le productivisme du capitalisme est un destructivisme, un extractivisme des ressources énergétiques et une pratique nous conduisant, inévitablement, à l’effondrement de la biodiversité, à une sur-pollution des villes par les gaz à effet de serre (CO2) et à des catastrophes climatiques d’une ampleur inimaginable si les États concernés n’adoptent pas immédiatement des mesures radicales arrêtant cette course consciente vers la catastrophe. Comme le souligne à juste titre le Manifeste, « Le changement climatique est l’aspect le plus dangereux de la destruction écologique, c’est une menace pour la vie humaine sans précédent dans l’histoire. La Terre risque de devenir un désert biologique inhabitable pour des milliards de pauvres qui ne sont pas responsables de ce désastre. Pour arrêter cette catastrophe, nous devons réduire de moitié les émissions mondiales de dioxyde de carbone et de méthane avant 2030, et atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre avant 2050 ».
Comme la plupart des pays ayant signé à la COP21 les Accords de Paris sur le climat n’ont pas tenu leurs promesses concernant ces réductions drastiques absolument indispensables, on ne peut s’attendre qu’au pire, à l’avenir. D’où l’urgence de mettre en œuvre, comme le postule ce Manifeste, « contre les catastrophes, des plans publics de prévention adaptés aux besoins sociaux, sous contrôle populaire », autrement dit, d’initier une « planification autogestionnaire écosocialiste » dans le but d’arrêter la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, de sortir du productivisme, de l’agro-industrie, de la pêche industrielle et de l’industrie de la viande, dans la perspective de la décroissance et de la sauvegarde des éco et biosystèmes. Comme je l’ai déjà souligné, dans mon livre Pour un socialisme vert. Vers la société écologique par la justice sociale, vu la situation dramatique dans laquelle l’humanité se trouve aujourd’hui, à l’ère de Trump, Poutine et Netanyahou, il est tout à fait inutile, comme nous l’a déjà révélé André Gorz, de placer nos espoirs dans un illusoire « capitalisme vert », car seuls les partisan·es de l’écosocialisme se proposant de lier entre elles les préoccupations écologiques et sociales seront en mesure de s’opposer efficacement à cette fausse voie de sortie de la crise actuelle, à condition qu’iels réussissent, comme le souligne aussi le Manifeste, à initier « la rupture écosocialiste […] par l’auto-organisation, le contrôle par en bas, la démocratie la plus large », créant ainsi les fondements pour un nouveau socialisme pour le 21e siècle dont le corpus théorique renouvelé prendrait toute la mesure de la crise environnementale, en l’articulant avec les luttes pour la justice sociale qui constituent son histoire. Il faut en effet une convergence des luttes pour rompre enfin avec le productivisme capitaliste et les illusions d’un éco-capitalisme incapable d’arrêter la catastrophe, avant que ce ne soit trop tard.
Nice, le 27 octobre 2025
Arno Münster est l’auteur de divers livres portant sur l’écologie politique et sur l’écosocialisme : André Gorz ou le socialisme difficile, Lignes, Paris, 2008 (trad. en allemand et en espagnol), Réflexions sur la crise. Écosocialisme ou barbarie, L’Harmattan, Paris, 2009, Pour un socialisme vert.Vers la société écologique par la justice sociale (Contribution à la critique de l’écologie politique), Nouvelles Éditions Lignes, Paris, 2012, Le changement climatique va-t-il tout changer ? Quelle utopie concrète pour demain ? (Manifeste pour une République sociale, écologique et conviviale), L’Harmattan, Paris,2017, Utopie, écologie, écosocialisme. (De l’utopie concrète d’Ernst Bloch à l’écologie socialiste), L’Harmattan, Paris, 2013.