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L’évolution de la pensée de Lénine sur la question nationale

par Jaime Pastor

Nous nous proposons d’analyser l’évolution de la pensée politique de Lénine sur la question nationale, sa spécificité et sa place stratégique, ainsi que les différentes options qu’il propose pour sa résolution démocratique (sécession, fédération, autonomie).

Nous distinguons essentiellement trois phases principales, liées à différentes périodes historiques, cas spécifiques et débats – notamment avec Rosa Luxemburg, mais aussi avec l’austro-marxisme, le Bund et des membres de son propre parti – jusqu’à ses réflexions et propositions finales sur la construction conflictuelle de ce qui sera la nouvelle URSS. Nous considérons que l’analyse de ses réflexions et propositions est toujours pertinente pour aborder cette question, si controversée mais bien réelle dans de nombreux conflits qui traversent notre planète.

De la IIe Internationale à la lutte contre la menace de guerre

Évidemment, nous partons du fait que Lénine aborde cette question dans le cadre général établi par les réflexions de Marx et Engels à ce sujet, ainsi que par les vifs débats qui ont lieu au sein de la IIe Internationale et, en particulier, les formules qui deviennent des références de principe, comme celles d’Engels en 1847 (« Une nation ne peut pas devenir libre et en même temps continuer à opprimer d’autres nations » 1 et surtout en 1882 lorsqu’il soutient que « le prolétariat victorieux ne peut imposer un bonheur quelconque à un autre peuple, sans saper ainsi sa propre victoire » 2. C’est une vision d’abord évolutionniste de l’histoire – qui fait confiance au dépassement progressif des antagonismes nationaux à mesure que l’on avance vers le socialisme, comme ils le soutiennent dans le Manifeste communiste – accompagnée d’une défense ouverte du droit à l’indépendance de la Pologne et de l’Irlande, et qui s’ouvre progressivement à une conception multilinéaire de l’histoire à mesure qu’ils manifestent un intérêt croissant pour l’étude des sociétés non-occidentales 3.

Leur position sur des conflits comme ceux de la Pologne et de l’Irlande influencera les débats de la IIe Internationale et se reflétera dans le consensus obtenu au congrès de Londres de 1896, qui déclare que l’Internationale « s’affirme pour le droit complet à l’autodétermination de toutes les nations ; et il exprime sa sympathie aux ouvriers de tout pays qui souffrent à l’heure actuelle sous le joug de l’absolutisme militaire, national ou autre ». C’est cependant une résolution qui est adoptée « au milieu de l’incompréhension et de l’indifférence totales » 4.

C’est également la position qui se maintiendra au sein du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) lors de son deuxième congrès en 1903 (dont l’article 9 défend le « droit à l’autodétermination de toutes les nations, y compris celles qui se trouvent aux frontières de l’État »). Lénine assume clairement cette orientation, comme le montre son article « Le problème national dans notre programme », publié le 15 juillet 1903 : il y défend le droit à l’autodétermination, entendu comme le droit à la séparation, sans pour autant être favorable à ce que son parti défende cette option et en précisant, dans une polémique avec les dirigeants du PSP polonais, qu’il ne faut soutenir la séparation « que dans des cas particuliers, exceptionnels ». Il n’est pas non plus favorable à la fédération, sauf, là aussi, dans des cas isolés, contrairement à Kautsky, partisan d’un État centralisé « non impérialiste ». De la même façon, il est partisan du centralisme démocratique au sein du parti par opposition aux propositions fédérales des sociaux-démocrates de la périphérie de l’Empire tsariste5 ou à celles d’autonomie du Bund.

De la « Grande Guerre » à la Révolution russe de 1917

C’est surtout à partir de 1913 que Lénine aborde cette question de manière plus approfondie, considérant qu’on est clairement entré dans une phase historique différente de celle qu’avaient connue Marx et Engels et que la distinction entre « nations avec histoire » et « sans histoire » n’a plus de sens. Il affirme qu’il faut défendre l’égalité des droits des nations et donc également les droits des minorités nationales au sein des États existants, sans se résigner à considérer leurs frontières comme naturelles.

Ainsi, dans « La classe ouvrière et la question nationale » 6, en mai 1913, Lénine affirme que :

« Seul, de nos jours, le prolétariat défend la liberté véritable des nations et l’unité des ouvriers de toutes les nations. Pour que des nations différentes puissent, dans la liberté et la paix, vivre unies ou bien se séparer (lorsque cela les arrange davantage) en formant des États distincts, il faut la démocratie complète dont la classe ouvrière se fait le champion. Pas le moindre privilège pour aucune nation, pour aucune langue. Pas la moindre vexation, pas la moindre injustice à l’égard d’une minorité nationale. Tels sont les principes de la démocratie ouvrière. »

Ces réflexions apparaissent plus systématiquement dans son article « Notes critiques sur la question nationale », écrit entre octobre et décembre 1913. Il y présente la Suisse comme un exemple de respect et de pratique du multilinguisme, tout en réaffirmant sa défense du droit à l’autodétermination, entendu comme droit à la séparation et non au fédéralisme ou à la décentralisation, puisqu’il réaffirme la nécessité d’un État fondé sur le centralisme démocratique. Dans cet article, il polémique également avec le Bund, rejetant l’idée d’une « culture nationale » juive et, contrairement à Otto Bauer 7, d’une « autonomie nationale-culturelle » comme option à revendiquer, bien qu’il reconnaisse que « la nation hébraïque » est « la plus opprimée et la plus persécutée » 8.

La même année, il manifeste un intérêt croissant pour cette question à partir de l’impact de la révolution russe de 1905 sur les peuples de l’Est, comme le montre son article « L’éveil de l’Asie » 9. Il y affirme que : « À la suite du mouvement russe de 1905, la révolution démocratique a gagné toute l’Asie : Turquie, Perse, Chine. Une fermentation grandit aux Indes anglaises [et aussi] et dans l’Inde néerlandaise ».

Plus tard, dans son article « Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes » (février-mai 1914) 10, il polémique avec Rosa Luxemburg en insistant sur la défetnse du droit à l’autodétermination comme droit à la séparation et à « la formation d’États nationaux indépendants », tout en précisant que le prolétariat subordonne les revendications nationales aux intérêts de la lutte des classes. Cela implique la nécessité d’une tactique différenciée vis-à-vis de la bourgeoisie de la nation opprimée :

« Pour autant que la bourgeoisie d’une nation opprimée lutte contre la nation qui opprime, nous sommes toujours pour [le droit de séparation], en tout état de cause et plus résolument que quiconque, car nous sommes l’ennemi le plus hardi et le plus conséquent de l’oppression. Pour autant que la bourgeoisie de la nation opprimée est pour son propre nationalisme bourgeois, nous sommes contre. Lutte contre les privilèges et les violences de la nation qui opprime ; aucune tolérance pour la recherche de privilèges, de la part de la nation opprimée » 11.

De même, contrairement à l’opinion de la révolutionnaire polonaise, Lénine considère comme légitime le soutien du mouvement ouvrier suédois à l’indépendance de la Norvège – obtenue par référendum en 1905 – en s’appuyant sur la position de Marx sur les questions polonaise et irlandaise, tout en continuant à prôner « la fusion des travailleurs de toutes les nations ».

Ces considérations se reflètent au sein de l’Empire tsariste et, concrètement, dans la crise qui s’ouvre dans le contexte de la « Grande guerre » inter-impérialiste. Dans ce contexte, il convient de noter l’intérêt de Lénine pour les relations russo-ukrainiennes, comme en témoigne son discours du 27 octobre 1914 à Zurich. Il y affirme que « Ce que fut l’Irlande pour l’Angleterre, l’Ukraine l’est devenue pour la Russie : exploitée à l’extrême, sans rien recevoir en retour » 12. « Ainsi, autant les intérêts du prolétariat international en général que ceux du prolétariat russe en particulier, exigent que l’Ukraine reconquière son indépendance étatique qui seule lui permettra d’atteindre le développement culturel indispensable au prolétariat. »13.

De ce fait, reprenant la dénonciation de l’Empire russe comme « prison des peuples », dans « Le socialisme et la guerre » (juillet-août 1915) 14, il caractérise le tsarisme comme un « impérialisme militaire et féodal », allant jusqu’à affirmer que : « Nulle part au monde la majorité de la population du pays n’est aussi opprimée » qu’en Russie. C’est pourquoi la défense du droit à l’autodétermination, c’est-à-dire à la séparation, apparaît comme une tâche inéluctable des partis sociaux-démocrates des pays oppresseurs, bien qu’elle doive être insérée sur la voie de « la formation plus libre, plus sûre et, par suite, plus large et plus généralisée, de grands États et de fédérations entre États, ce qui est plus avantageux pour les masses et correspond mieux au développement économique ».

De même, dans son article « La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes », janvier-février 1916 15, de nouveau face à Rosa Luxemburg, il considère la Norvège comme un exemple démontrant que le droit à l’autodétermination est « réalisable » sous le capitalisme sans avoir à attendre la conquête du socialisme. Il présente d’ailleurs cette même expérience de défense de « l’entière liberté de propagande en faveur de la séparation et la solution de ce problème par la voie d’un référendum au sein de la nation qui se sépare », bien qu’il soit contre cette option, car :

« Plus le régime démocratique d’un État est proche de l’entière liberté de séparation, plus seront rares et faibles, en pratique, les tendances à la séparation, car les avantages des grands États, au point de vue aussi bien du progrès économique que des intérêts de la masse, sont indubitables, et ils augmentent sans cesse avec le développement du capitalisme ».

Dans le même article, il n’exclut pas de défendre le droit à l’autodétermination même lorsqu’une autre « grande » puissance peut s’en saisir :

« Le fait que la lutte contre une puissance impérialiste pour la liberté nationale peut, dans certaines conditions, être exploitée par une autre “grande” puissance dans ses propres buts également impérialistes, ne peut pas plus obliger la social-démocratie à renoncer au droit des nations à disposer d’elles-mêmes, que les nombreux exemples d’utilisation par la bourgeoisie des mots d’ordre républicains dans un but de duperie politique et de pillage financier, par exemple dans les pays latins, ne peuvent obliger les social-démocrates à renier leur républicanisme ».

C’est également dans cet article qu’il développe la distinction entre trois grands groupes d’États et de pays : 1, les pays avancés d’Europe occidentale et des États-Unis (où chacune de « ces “grandes” nations opprime d’autres nations dans les colonies et à l’intérieur du pays ») ; 2, l’Europe de l’Est (où ces mouvements nationaux légitimes se forment dans des contextes de déclin des empires) ; et 3, les États semi-coloniaux et toutes les colonies (où les mouvements anticoloniaux se forgeront progressivement et doivent être soutenus). Une différenciation qu’il réaffirme, toujours dans la polémique avec Rosa Luxemburg principalement, dans « Une caricature du marxisme et à propos de “l’économisme impérialiste” » (août-octobre 1916) 16.

Rosa Luxemburg, quant à elle, soutient dans La question nationale et l’autonomie (1908) que l’entrée dans la phase impérialiste implique « le développement du grand État », condamnant ainsi l’ensemble des mini et micro-nationalités à la faiblesse politique. Il est donc illusoire, selon elle, de revendiquer leur autodétermination, puisqu’elles n’ont aucune possibilité de l’exercer face aux États impérialistes. Une thèse partagée par Karl Radek, Boukharine, Görter et d’autres marxistes radicaux (y compris Trotsky, qui maintient une position ambiguë). Cette position est contrée par Lénine, qui critique leur confusion entre le « problème de la libre détermination politique des nations dans la société bourgeoise, de leur indépendance en tant qu’État » et « la question de leur autonomie et de leur indépendance économiques » 17. La révolutionnaire polonaise considère au contraire que la tâche centrale est de mettre au premier plan les luttes de classe, anticoloniales et anti-impérialistes. Sur la base de cette position et de son analyse critique du mouvement nationaliste polonais, Rosa Luxemburg rejette fermement non seulement la défense du droit à l’autodétermination de la Pologne, mais aussi la position des sociaux-démocrates russes dans leur résolution de 1903.

Malgré ses réserves, la social-démocrate polonaise ne nie pas pour autant la nécessité pour les travailleurs de défendre « les objectifs démocratiques et culturels du mouvement national, c’est-à-dire l’établissement d’institutions politiques qui garantissent, par des moyens pacifiques, le libre développement de la culture de toutes les nationalités vivant ensemble dans le même État ». Plus tard, cependant, elle soutient les peuples des Balkans contre l’Empire turc, qu’elle considère comme non viable, et en arrive même en 1915 à défendre le droit à l’autodétermination, bien qu’elle ne le considère pas comme viable dans le cadre de l’État capitaliste. En résumé, on pourrait conclure que la révolutionnaire polonaise est tombée dans une conception économiste du problème national, ne comprenant pas que « la libération nationale des peuples opprimés est une exigence […] de toutes les masses populaires, prolétariat compris » 18.

Au contraire, nous avons vu que Lénine réaffirme dans ses articles successifs la défense du droit à l’autodétermination, c’est-à-dire à la séparation. Il établit pour cela une distinction claire entre nations oppressives et nations opprimées, ainsi qu’entre les différentes tâches des sociaux-démocrates dans les premières et dans les secondes : alors que dans les premières l’accent doit être mis sur le droit à la séparation, dans les secondes il doit l’être sur l’engagement à la libre union, bien que l’analyse au cas par cas soit toujours nécessaire.

Toujours en débat avec la majorité de ceux qui ont même rompu avec la IIe Internationale, comme le rappelle Kevin B. Anderson 19, Lénine insistera sur l’importance stratégique des mouvements nationaux anti-impérialistes. La classification par Lénine en trois groupes de pays découle précisément de l’analyse plus large et plus profonde développée dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (janvier-juin 1916) qui l’amène, par opposition aux positions développées notamment par Kautsky (qui cache le fait que l’Alsace-Lorraine est une annexion par l’Allemagne), à souligner la pertinence de la question nationale et coloniale, comme on peut le voir lorsqu’il affirme que :

« L’impérialisme est l’époque du capital financier et des monopoles, qui provoquent partout des tendances à la domination et non à la liberté. Réaction sur toute la ligne, quel que soit le régime politique, aggravation extrême des antagonismes dans ce domaine également : tel est le résultat de ces tendances. De même se renforcent particulièrement l’oppression nationale et la tendance aux annexions, c’est-à-dire à la violation de l’indépendance nationale (car l’annexion n’est rien d’autre qu’une violation du droit des nations à disposer d’elles-mêmes) » (souligné par moi).

Une autre étape importante se trouve, en juillet 1916, dans son article « Bilan d’une discussion sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes » 20. Dans cet article, comme le titre l’annonce, il fait le point sur les débats des années précédentes, insiste sur les cas de la Norvège et de l’Alsace (contre l’annexion) et réfute les arguments de ceux qui se limitent à défendre le droit à l’autodétermination pour les seules colonies. En outre, il met particulièrement l’accent sur son soutien résolu à l’insurrection irlandaise de Pâques 1916 contre ceux qui, dans ses propres rangs, comme Karl Radek, la critiquent en la considérant comme le simple « putsch » d’un « mouvement nationaliste purement urbain et petit-bourgeois ». Pour Lénine en revanche, ce soulèvement populaire devient un exemple clair de ce qu’il avait déjà souligné dans son ouvrage sur les conséquences de la crise impérialiste dans le contexte de la « Grande Guerre », puisqu’il « démontre néanmoins que des foyers d’insurrections nationales, surgies en liaison avec la crise de l’impérialisme, se sont allumés à la fois dans les colonies et en Europe ; que les sympathies et les antipathies nationales se sont exprimées en dépit des menaces et des mesures de répression draconiennes. » (21, souligné dans l’original).

Toujours en juillet 1916, le leader bolchevique écrit À propos de la brochure de Junius22, en référence au texte publié par Rosa Luxemburg la même année « La crise de la social-démocratie » et signé sous le pseudonyme de Junius. Dans son commentaire, on observe à nouveau des visions différentes de l’avenir des guerres de libération nationale. Ainsi, après avoir loué cet ouvrage comme « un excellent ouvrage marxiste, [dont] il est tout à fait possible que les défauts aient, jusqu’à un certain point, un caractère fortuit », il poursuit en soulignant que « le principal de ces défauts [...] est le silence de l’auteur sur le lien entre le social-chauvinisme [...] et l’opportunisme ».

Il considère qu’« étendre le jugement porté sur la guerre actuelle [il se réfère à la Grande Guerre commencée en 1914] à toutes les guerres possibles à l’époque de l’impérialisme » reviendrait à « oublier les mouvements nationaux contre l’impérialisme » (souligné dans l’original). Contre cette position, il soutient donc que « des guerres nationales ne sont pas seulement probables, mais inévitables à l’époque de l’impérialisme, de la part des colonies et des semi colonies » et que « même en Europe, on ne peut considérer que les guerres nationales soient impossibles à l’époque de l’impérialisme ». Ces dernières, insiste-t-il, sont non seulement inévitables, mais aussi « progressives, révolutionnaires », bien que leur succès dépende de divers facteurs, dont « une conjoncture internationale particulièrement favorable » (soulignés dans l’original).

À nouveau, on peut voir derrière cette controverse des conceptions différentes des conséquences de l’entrée dans la nouvelle étape impérialiste et la Grande Guerre, qui impliquent des divergences sur la question nationale et la place de la revendication du droit à l’autodétermination, ainsi que sur la tactique qui peut en découler, non seulement dans les colonies, dont la révolutionnaire polonaise soutient les luttes, comme le reconnaît Lénine, mais aussi en Europe. Les développements futurs donneront, à notre avis, raison au leader bolchevique.

De la révolution russe à la fondation de l’URSS

L’argumentation développée par Lénine contribue à jeter les bases de la position adoptée par le Congrès du parti bolchevique en plein processus révolutionnaire, en mai 1917, alors que les différents peuples de l’Empire russe se mobilisaient également pour leurs droits nationaux :

« À toutes les nations composant la Russie doit être reconnu le droit de se séparer librement et de se constituer en États indépendants. Nier ce droit et ne pas prendre des mesures propres à garantir son application pratique équivaut à soutenir la politique de conquêtes ou d’annexions » 23.

Avant son adoption, dans son « Discours sur la question nationale » (24), polémiquant avec des camarades de son propre parti, le leader bolchevique déclara devant ce Congrès :

« Si la Finlande, la Pologne, l’Ukraine se séparent de la Russie, nous n’y verrons aucun mal. Quel mal y aurait-il à cela ? Chauvin qui le dira. Il faut être fou pour continuer la politique du tsar Nicolas. La Norvège s’est bien séparée de la Suède… »

Plus précisément, dans le cas de l’Ukraine, en juin de la même année, il se demande s’il ne vaudrait pas mieux que les travailleurs d’Ukraine optent pour la séparation de leur pays et rejoignent ensuite la Russie dans le cadre d’une fédération socialiste. Une position sur laquelle il reviendra plus tard, en mars 1919, se montrant favorable à l’acceptation de l’option d’une Ukraine indépendante si le Congrès des Soviets de ce pays en décidait ainsi 24.

Tout cela n’empêche pas Lénine de rester très critique à l’égard de toutes formes de nationalisme et même de concepts tels que la culture nationale, mais en s’élevant en même temps contre les politiques assimilationnistes du nationalisme grand-russe dans des domaines tels que la langue, en donnant à nouveau l’exemple de la Suisse comme solution démocratique. Il postule ainsi le refus des privilèges de toute nation au détriment des autres, tout en luttant toujours pour insérer ces revendications démocratiques dans un projet socialiste dominé par la classe ouvrière.

La Déclaration des droits des peuples de Russie de novembre 1917 sous-tend ainsi la recherche d’une alliance avec les mouvements de libération nationale en énonçant des principes très clairs sur cette question :

« 1. Égalité et souveraineté des peuples de Russie. 2. Droit des peuples de Russie de disposer d’eux-mêmes, jusqu’à séparation et constitution d’un état indépendant. 3. Suppression de tous privilèges et limitations, nationaux ou religieux. 4. Libre développement des minorités nationales et groupes ethnographiques, habitant le territoire russe. »

Une prise de position qui, une fois de plus, sera sévèrement critiquée par Rosa Luxemburg 25, qui considère qu’au lieu de cette revendication, qui contribuerait à « la désintégration de l’État russe », ils auraient dû reconnaître l’Assemblée constituante, marquant aussi son désaccord avec la politique agraire adoptée par les bolcheviks. Cela reflète ses profondes divergences non seulement sur la question nationale, mais aussi sur la démocratie et la politique d’alliances avec les mouvements de libération nationale et la paysannerie que devraient, selon elle, mener les bolcheviks russes.

Le débat sur le droit à l’autodétermination se poursuit également au sein du bolchevisme. Il s’est manifesté lors du Congrès du parti de 1919, où Lénine a ouvertement polémiqué avec Boukharine, qui opposait à ce droit celui de « l’autodétermination des travailleurs ». Lénine lui répond en ces termes :

« Notre programme ne doit pas parler d’autodétermination des travailleurs, parce que c’est faux. Il doit dire ce qui est. Puisque les nations se situent aux différentes étapes entre le Moyen Âge et la démocratie bourgeoise, puis entre celle-ci et la démocratie prolétarienne, ce point de notre programme est absolument juste. Nous avons décrit sur ce chemin de très nombreux zigzags. Il faut reconnaître à chaque nation le droit d’autodétermination, ce qui contribuera à l’émancipation des travailleurs. » 26.

Il est bien connu que dans ces années d’encerclement impérialiste de la Russie, l’intérêt du bolchevisme était centré sur l’espoir d’une extension de la révolution à d’autres pays européens, et en particulier à l’Allemagne. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils étaient insensibles à la nouvelle vague de mobilisations qui s’annonçait dans la périphérie orientale de la Russie. C’est ce qu’affirme Lénine dans son « Rapport au Congrès des organisations communistes des peuples de l’Est », tenu en novembre et décembre 1919 27, tout en insistant sur la nécessité d’« extirper tous les vestiges de l’impérialisme grand-russe pour lutter sans réserve contre l’impérialisme mondial », comme il l’a fait en novembre 1919 en s’adressant aux communistes du Turkestan.

Cette orientation se retrouve aussi bien dans son « Première ébauche des thèses sur les questions nationale et coloniale » 28 que dans les thèses du deuxième congrès de l’IC (juillet 1920). Cependant, Lénine y défend la fédération comme la voie souhaitable sur le chemin de l’unité des différents peuples qui se sont libérés de l’Empire tsariste.

Dans son « Rapport de la Commission nationale et coloniale » pour le deuxième Congrès de l’Internationale communiste, tenu en septembre 1920, le leader bolchevik réaffirme l’importance des mouvements de libération dans les pays « arriérés », tout en préservant l’indépendance politique des communistes et en soutenant ouvertement l’hypothèse selon laquelle les peuples de ces pays ne devraient pas nécessairement passer par le stade capitaliste.

C’est précisément en septembre 1920 que le premier Congrès des peuples de l’Est se réunit à Bakou. Des discussions animées ont eu lieu entre les dirigeants de l’Internationale communiste et d’autres organisations communistes de l’Est concernant, entre autres, le rôle de la lutte de ces peuples dans le cadre d’une stratégie révolutionnaire mondiale, ainsi que sur les relations avec le panislamisme. Ces discussions se poursuivront lors des congrès successifs, notamment lors du quatrième congrès de l’IC (novembre 1922), sur le front unique anti-impérialiste et les relations avec les bourgeoisies des pays coloniaux, ainsi que sur la « question noire » en Amérique et son rôle dans la lutte pour l’émancipation des peuples d’Afrique. Un traitement spécifique de ces débats dépasse le cadre de ce travail 29.

Cependant, l’application des principes établis sous le nouveau régime est rapidement affectée par divers conflits – notamment ceux de la Géorgie et la Pologne – qui mettent en lumière, déjà violemment, le poids du nationalisme grand-russe au sein du nouveau régime – et du « Parti ». Ainsi, à partir de 1920, s’imposera peu à peu la tendance à remplacer le « droit à la sécession » par le « droit à l’union » 30.

En effet, les tensions entre bolcheviques vont s’aggraver, par exemple lorsqu’en septembre 1922 les communistes géorgiens s’opposent à la création artificielle d’une République socialiste soviétique de Transcaucasie, formée par l’union de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et de la Géorgie, et défendent l’indépendance de leur pays. C’est à eux que Lénine, à qui l’information avait été cachée jusqu’à la fin de 1922, apporte son soutien, et c’est déjà à ce moment-là que Staline, profondément mécontent, en vient à qualifier la position de Lénine de « libéralisme national » 31 tandis que ce dernier déclare à son tour « la guerre à la vie et à la mort » contre le « chauvinisme grand-russe » qu’il voit représenté par Staline.

Cette confrontation entre ces deux positions est clairement exprimée dans la contribution « La question des nationalités ou de “l’autonomie” » 32, rédigée par Lénine les 30 et 31 décembre 1922. Il y critique l’« irritation » de Staline contre le « fameux social-nationalisme », l’accusant précisément de cela et soutenant que le rôle de l’internationalisme de la soi-disant « grande » nation doit être de compenser l’inégalité réelle. Lénine fait alors un nouveau pas en avant vers une approche pratiquement confédérale :

Aussi l’internationalisme du côté de la nation qui opprime ou de la nation dite « grande » (encore qu’elle ne soit grande que par ses violences, grande simplement comme l’est, par exemple, l’argousin) doit-il consister non seulement dans le respect de l’égalité formelle des nations, mais encore dans une inégalité compensant de la part de la nation qui opprime, de la grande nation, l’inégalité qui se manifeste pratiquement dans la vie. […] Quatrièmement, il faut introduire les règles les plus rigoureuses quant à l’emploi de la langue nationale dans les républiques allogènes faisant partie de notre Union, et vérifier ces règles avec le plus grand soin. […] Et il ne faut jamais jurer d’avance qu’à la suite de tout ce travail on ne revienne en arrière au prochain congrès des Soviets en ne maintenant l’union des républiques socialistes soviétiques que sur le plan militaire et diplomatique, et en rétablissant sous tous les autres rapports la complète autonomie des différents commissariats du peuple. (33, souligné par J.P.).

Une proposition qui, dans le même article, s’accompagne d’un espoir renouvelé pour la lutte des peuples opprimés qui s’étend à l’Est contre l’impérialisme34. Mais non sans exprimer sa crainte que « nous ruinions [aux yeux de l’Orient] notre autorité par la moindre brutalité ou injustice à l’égard de nos propres allogènes. ». Il concluait ainsi par un nouvel avertissement à ses camarades pour éviter « les rapports impérialistes à l’égard des nations opprimées ».

Comme on le sait, la santé de Lénine se détériore dans les mois qui suivent, mais il ne cesse pas pour autant de manifester son malaise face à la politique de Staline à l’égard des nationalités, cherchant à obtenir le soutien de Trotsky, comme le rappelle Moshe Lewin :

Entre-temps, comme Lénine le lui a demandé, Trotsky rédige un vigoureux mémorandum à l’intention des membres du Politburo, dans lequel il affirme que les tendances hyper-étatistes doivent être résolument rejetées, et critique les thèses de Staline sur la question nationale. Il souligne qu’une partie importante de la bureaucratie centrale soviétique voit dans la création de l’URSS le moyen de commencer à éliminer toutes les entités politiques nationales et autonomes (États, organisations, régions). Une telle attitude doit être combattue en tant que comportement impérialiste et anti-prolétarien. Le Parti doit être averti que, sous l’égide des “commissariats unifiés”, il s’agit en fait d’ignorer les intérêts économiques et culturels des républiques nationale 35.

Néanmoins, Trotsky avait manqué l’occasion de présenter son mémorandum critique au 12e Congrès du parti en avril, bien que, comme le rappelle également Lewin, « nous savons qu’il est passé très vite à une opposition déclarée à Staline. […] La maladie ou une extrême fatigue ont-elles joué un rôle dans ce délabrement de l’intelligence politique de Trotski, dont la suite des événements allait offrir d’autres exemples ? Sans doute est-ce une explication possible » 36. Des voix critiques se sont fait entendre lors de ce congrès, comme celles de Skrypnik, Rakovsky et Mirsaïd Sultan-Galiev.

Plus tard, la Constitution adoptée en 1924 reconnait formellement (chapitre 4, article 5) aux Républiques de l’Union « le droit de se séparer librement de l’Union », mais il en sera autrement. Staline finira par nier le droit à la séparation et mettra en œuvre en URSS un projet fondé sur l’hégémonie du nationalisme grand-russe dans le cadre d’un centralisme bureaucratique étatique. Un projet qui atteindra son apogée lors de la « Grande Guerre patriotique » contre le nazisme, mais qui n’atteindra cependant pas l’objectif de la formation d’un nouvel homo sovieticus qui aurait surmonté les différences nationales entre les divers peuples de l’URSS.

Quelques enseignements de son évolution

Au cours de l’étude de l’évolution de la pensée politique de Lénine, je crois que l’on peut distinguer plusieurs étapes. Dans la première, il part du cadre de référence établi par Marx et Engels, ainsi que des débats qui se développent au sein de la IIe Internationale, pour supposer que la classe ouvrière doit aussi s’atteler à la tâche de rechercher une solution démocratique à la question nationale par la reconnaissance du droit à l’autodétermination des nations opprimées. Il comprend ce droit comme le droit à la séparation ou à la sécession vis-à-vis de l’État dont les nations opprimées font partie, rejetant les formules alternatives telles que la fédération ou l’autonomie nationale-culturelle, et soutenant que les marxistes doivent être, sauf dans les cas résultant d’une analyse concrète de chaque situation concrète, opposés à la séparation. Il insère cette orientation dans une stratégie basée sur la centralité stratégique de la classe ouvrière, sur l’internationalisme prolétarien et, par conséquent, sur le rejet des nationalismes, tout en sachant établir une distinction entre ceux des nations oppressives et ceux des nations opprimées et en proposant des tâches différentes pour les marxistes dans les unes et les autres.

À partir de 1913, au milieu des discussions au sein de la IIe Internationale sur la caractérisation de la phase impérialiste et l’attitude à tenir face à la Grande Guerre, Lénine considère que l’impérialisme exacerbera de plus en plus les contradictions nationales, distingue trois groupes différents de pays dans lesquels se pose la question nationale et coloniale, et aborde quelques cas concrets d’Europe occidentale et sous l’Empire tsariste russe, en débattant ouvertement avec d’autres positions, en particulier celle de Rosa Luxemburg. Les cas de la séparation de la Norvège de la Suède en 1905 et de l’insurrection irlandaise de 1916, ainsi que ceux qui se manifestent déjà en Russie, comme en Pologne, en Finlande, en Ukraine et en Géorgie, sont les plus significatifs de ces débats. À leur égard, il réaffirme sa défense du droit à l’autodétermination et à la sécession si ces peuples le souhaitent, bien qu’il considère que le cadre le plus souhaitable du point de vue des classes ouvrières des nations opprimées et oppressives serait celui d’un fédéralisme que l’on pourrait appeler de libre adhésion.

Enfin, après le triomphe de la Révolution russe en octobre 1917, la mise en œuvre de cette doctrine est promue, comme en témoigne la Déclaration des droits des peuples de Russie, mais le nouveau régime a très vite été confronté à la guerre civile et à l’éclatement de divers conflits nationaux et coloniaux à l’intérieur de ses frontières. C’est alors qu’il entre en confrontation de plus en plus ouverte avec le nationalisme grand-russe qui se manifeste au sein de son propre parti, dirigé par Staline. Contre cette tendance au renforcement de l’État central, Lénine, dans ses derniers écrits, se prononce en faveur d’un projet confédéral incluant le droit de séparation. La reconnaissance de ce droit dans la Constitution de l’URSS ne peut cependant pas cacher sa négation dans la pratique par un régime de plus en plus centralisé et bureaucratisé. C’est également à cette époque, bien qu’il l’ait déjà souligné après la révolution russe de 1905, que Lénine met l’accent, déjà dans le cadre de la Troisième Internationale et face à la frustration précoce des attentes révolutionnaires en Europe, sur le rôle de plus en plus important que vont jouer les mouvements de libération nationale des peuples de l’Est ; même si une certaine ambiguïté persiste dans l’utilisation de termes tels que « pays civilisés » et « pays arriérés », bien qu’il évoque déjà l’hypothèse que ces derniers n’ait pas nécessairement à passer par la phase capitaliste.

Après ce bref aperçu, il n’est pas difficile de comprendre, d’une part, le rejet radical par l’actuel dirigeant de la Russie, Vladimir Poutine, de l’héritage des thèses de Lénine sur la question nationale – et sa façon de les déformer en prétendant notamment et entre autres que c’est Lénine qui aurait « inventé » la nation ukrainienne, comme l’a rappelé Etienne Balibar dans la session des Journées léninistes que nous avons partagée37 – et, d’autre part, sa défense du vieux nationalisme grand-russe, dont Staline a été un fidèle continuateur.

Il semble évident que, bien que nous nous trouvions dans une époque très différente de celle qu’a vécue Lénine – dans laquelle nous assistons à une « polycrise » aux dimensions multiples, surdéterminée par une crise écosociale et climatique qui remet en question l’avenir de la vie humaine sous un capitalisme du désastre, il existe néanmoins des similitudes dans la persistance des relations d’oppression nationale et coloniale de nombreux États sur d’autres peuples à l’extérieur et à l’intérieur de leurs frontières. Le cas le plus tragique aujourd’hui est sans aucun doute le génocide que subit le peuple palestinien de la part d’un État colonial et raciste, avec la complicité des grandes puissances euro-étatsuniennes, raison pour laquelle on se doit d’exiger la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Nous nous devons également de faire référence à l’injuste invasion russe de l’Ukraine et, par conséquent, à la nécessité de soutenir le droit du peuple ukrainien à l’autodéfense et à l’autodétermination, sans pour cela omettre de critiquer la part de responsabilité que la stratégie d’expansion de l’OTAN a jouée dans ce conflit.

Parce qu’en effet, nous assistons à une crise géopolitique mondiale dans laquelle l’ancien système impérial, sous l’hégémonie des États-Unis, est en déclin relatif et dans laquelle de nouvelles puissances mondiales et régionales émergent, avec la Chine en tête, et luttent pour une reconfiguration de l’ordre mondial actuel. Dans ce contexte, et dans le contexte de la fin de la « mondialisation heureuse », les conflits nationaux, à la fois entre les États et entre les États et les peuples qui revendiquent leur droit à décider de leur avenir, n’ont de cesse de se manifester dans différentes parties du monde.

C’est pourquoi, face aux différents cas qui se présentent à nous, il est nécessaire de suivre le conseil de Lénine de procéder à l’analyse concrète de chaque situation spécifique, mais toujours en partant, comme le recommandait également le leader bolchevique, d’une position internationaliste, opposée à tous les impérialismes, en défense du droit à l’autodétermination de tous les peuples et selon laquelle, par conséquent, « aucun peuple qui en opprime un autre ne peut être libre ».

 

Le 14 mars 2024

  • 1

    « Discours sur le parti chartiste : Allemagne et Pologne », 9 décembre 1847.

  • 2

    Lettre de F. Engels à Karl Kautsky, 12 septembre 1882.

  • 3

    Pour une étude bien documentée et novatrice de son évolution sur ces questions et, en particulier, sur les sociétés non occidentales : Kevin B. Anderson, Marx aux antipodes : Nations, ethnicité et sociétés non occidentales, Syllepse, 2015.

  • 4

    Voir Haupt, Löwy et Weill, Les marxistes et la question nationale, L’Harmattan, 2e édition 1997. Cette attitude tient à la prédominance en son sein d’une position ambiguë vis-à-vis de la politique coloniale des grandes puissances occidentales, comme en témoigne le Congrès tenu à Amsterdam en 1904 (Montserrat Galceran (2016), La bárbara Europa).

  • 5

    « Libération nationale et bolchevisme », Eric Blanc, publié par Contretemps et traduit par Avanti

  • 6

    La Pravda, 10 mai 1913. 

  • 7

    Sur Otto Bauer et la question nationale, je renvoie à mon article « Retour critique à l’austro-marxisme », Viento Sur, 27/08/2021. . 

  • 8

    En ce qui concerne la question juive, Traverso, dans Les marxistes et la question juive : Histoire d’un débat, 1843-1943 (1998) observe chez Lénine une oscillation permanente entre une reconnaissance et une négation du caractère national des juifs, malgré sa reconnaissance claire en 1913, comme nous venons de le voir dans les « Notes critiques... ». Ces oscillations seraient conditionnées, selon Traverso, par l’évolution de ses relations avec le Bund au sein du POSDR ; son refus de l’existence d’une « culture nationale juive » spécifique – bien qu’il défende son droit à l’enseignement dans sa langue maternelle – serait lié à la tendance qu’il voyait à l’assimilation des nations comme une caractéristique historique du capitalisme et de la future voie vers le socialisme, bien qu’il ait toujours exprimé son rejet clair et intransigeant de l’antisémitisme et des pogroms, contre lesquels il était favorable à l’organisation de milices ouvrières d’autodéfense.

  • 9

    Lénine, La Pravda, 1913, Œuvres complètes, tome 19, page 78.

  • 10

    Lénine, revue Prosvéchtchénié, 1914, Œuvres complètes, tome 20, p. 415.

  • 11

    Ibid. souligné dans l’original.

  • 12

    Ce discours ne se trouve pas dans les Œuvres complètes de Lénine. Il a été rapporté par la presse de l’époque. Voir R. Serbyn, « Lénine et la question ukrainienne en 1914 : le discours séparatiste de Zurich », Pluriel-Débat n° 25, 1981.

  • 13

    Roman Serbyn, 1981, cf. note 12, pp. 81-84.

  • 14

    Tome 21, page 305.

  • 15

    Tome 22, page 155.

  • 16

    Tome 23, page 27.

  • 17

    « Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes », Œuvres complètes, Tome 20, page 415.

  • 18

    Michael Löwy, Les marxistes et la question nationale. Pour un traitement plus récent des différences entre la position de Rosa Luxemburg et celle de Lénine, je renvoie à Andreassi, Les travailleurs ont-ils une patrie ? Internationalisme et question nationale, IIRF, 1991, et Tafalla (2021).

  • 19

    The Rediscovery and Persistence of the Dialectic in Philosophy and in World Politics, 2007. 

  • 20

    Œuvres complètes, tome 22, p. 344.

  • 21

    Pour un rappel de cette insurrection à l’occasion de son centenaire : Dominique Foulon (Viento Sur, n° 145, 2016). Lénine, comme l’observe Kevin B. Anderson (dans Lenin Reloaded: Toward a Politics of Truth, 2007), présente en outre ce mouvement comme un exemple du rôle que les petites nations peuvent jouer dans la « dialectique de l’histoire » en tant que « l’un des ferments ou bacilles qui aident la véritable force contre l’impérialisme à entrer en scène : le prolétariat socialiste » (Lénine, « La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes », Œuvres complètes, Tome 22, page 155 ; italique dans l’original).

  • 22

    Tome 22, p. 328.

  • 23

    Tome 24, p. 223.

  • 24

    « Lettre ouverte aux ouvriers et aux paysans d’Ukraine à l’occasion des victoires sur Dénikine », Œuvres complètes, tome 30, p. 301. Voir « La conquête de l’Ukraine et l’histoire de l’impérialisme russe », Zbigniew Kowalewski, 2022, publié par Inprecor n°695-696 (mars avril 2022). 

  • 25

    La crise de la social-démocratie, 1915.

  • 26

    Tome 29, p. 137.

  • 27

    Matthieu Renault, L’Empire de la révolution. Lénine et les musulmans de Russie, París, Syllepse, 2017

  • 28

    Juillet 1920, tome 31, p.145.

  • 29

    Pour une analyse de ces débats, lire Montserrat Galceran, La bárbara Europa, 2016. Le Congrès de Bakou, considéré par les puissances impérialistes occidentales (en particulier par le gouvernement britannique) comme une menace réelle, est actuellement revendiqué par un secteur des mouvements anticoloniaux comme un antécédent important (voir Révolution. Une histoire culturelle d’Enzo Traverso, La Découverte, 2022 et Le premier congrès des peuples de l’Orient, Bakou 1920, La Brèche/Radar). 

  • 30

    La révolution bolchévique (1917-1923), E.H. Carr, éditions de Minuit, 1974.

  • 31

    Staline, dans un échange avec Kamenev lors d’une réunion du Bureau politique russe le 28 septembre 1922, ira jusqu’à lui dire : « Je pense qu’il faut être dur avec Ilitch ». Voir Le dernier combat de Lénine, Moshe Lewin, Syllepse, 2015 et Russie/URSS/Russie, Moshe Lewin, Syllepse, 2017.

  • 32

    Œuvres complètes, tome 36, page 618, lettres au congrès constituant le « testament » de Lénine. Le projet présenté par Staline, comme le rappelle Moshe Lewin dans Le dernier combat de Lénine, prévoyait l’inclusion pure et simple des « républiques indépendantes » dans la Fédération de Russie en tant que « républiques autonomes ». Le projet stipulait en outre que le gouvernement de la République russe, son VCIK (Comité exécutif central) et son Sovnarkom (Conseil des commissaires du peuple) constitueraient désormais le gouvernement de l’ensemble.

  • 33

    Idem. Argousin est un vieux mot d’argot pour désigner, et surtout dénigrer, un policier, un militaire.

  • 34

    Idem.

  • 35

    Un souhait qu’il réitérera dans son célèbre article « Mieux vaut moins mais mieux » du 2 mars 1923, Œuvres complètes, tome 33, page 501.

  • 36

    Moshe Lewin, Le siècle soviétique, Fayard, 2003.

  • 37

    Etienne Balibar, « El giro “liberal” de Lenin ante la cuestión nacional, la fundación de la Unión Soviética y los orígenes de los actuales conflictos postsoviéticos », Viento Sur, 22 mars 2024.

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