Clara et Henri Benoits, avec Jean-Claude Vessilier : L'Algérie au cœur - Révolutionnaires et anticolonialistes à Renault-Billancourt, éditions Syllepse, Paris 2014, 14,00 €
Dans la préface, Mohamed Harbi insiste sur le véritable anticolonialisme et sur l'idée d'autogestion. Dans l'introduction, Jean-Claude Vessilier parle de " deux parcours mêlant singularités assumées et engagements partagés ».
Tantôt l'une, tantôt l'un prend la parole, donne à voir des objets/sujets de mémoire. De cet ensemble, je ne choisis que certains éléments, tout en signalant qu'il est difficile de délier le syndicalisme, le politique, le soutien aux Algériens, la participation aux luttes dans leur diversité et entrecroisement.
Les auteurs rendent bien compte du fonctionnement des organisations majoritaires du mouvement ouvrier, fortement imprégné (au moins) par le stalinisme et/ou le nationalisme.
Renault, la " forteresse ouvrière », la place des salariés algériens, des immigrés… Hier, la Libération et le silence sur le massacre colonial de Sétif et Guelma, la division syndicale, le PCF au gouvernement et l'hymne à la production…
La guerre coloniale au Vietnam bien oubliée de nos jours, mais bien présente et valorisée sur certains monuments aux morts… La Yougoslavie " de » Tito et son rejet haineux par les partis staliniens (ils assumaient ouvertement cette dénomination). Henri fut de ces brigades internationales qui allèrent soutenir les efforts des Yougoslaves.
Les luttes syndicales dans une industrie en transformation, " la revendication d'une grille unique, de l'OS à l'ingénieur », les externalisations, les accords d'entreprise, l'antinomie entre sécurité et cadences…
La lutte pour l'indépendance de l'Algérie : " La guerre d'Algérie a commencé le 8 mai 1945 », Sétif et Guelma, les " ambiguïtés » du PCF, les choix de la IVe Internationale (le soutien à la lutte des Algériens en Algérie), la revendication d'indépendance et non la simple " paix en Algérie », le vote des pouvoirs spéciaux par le PCF, le soutien au FLN, le PSU, témoins du 17 octobre 1961, l'indépendance de l'Algérie. Je souligne les actions de celles et ceux qui refusèrent le nationalisme français colonisateur et choisirent de soutenir le peuple algérien dans son combat contre le colonialisme, l'armée française et ses tortionnaires, les partis ouvriers oublieux de l'internationalisme. Car il ne fallait pas seulement revendiquer la paix, mais bien l'autodétermination et l'indépendance pour les Algériens.
Algérie, 1962, l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), les débats sur l'autogestion : " Mais le plus important est le redémarrage d'entreprises utiles "socialement" et ne nécessitant pas le recours à un personnel qualifié défaillant (ingénieurs, entre autres), mais pouvant fonctionner avec le personnel présent, tels que services publics, boulangeries industrielles ou fabriques de jus de fruit, toutes activités indispensables à la vie quotidienne. »
1968, l'explosion sociale… Billancourt occupé : " L'occupation était presque exclusivement le fait de militants et de proches sympathisants passant un ou deux jours, retournant le soir chez eux et s'informant de l'évolution de la situation », l'isolement car " aucune jonction avec les étudiants n'eut lieu, le barrage de la CGT fut efficace ! », le refus des accords de Grenelle…
Autogestion, large démocratie, assemblées générales…
Les luttes des OS, des travailleurs immigrés, le " besoin d'exprimer des revendications spécifiques, de les faire reconnaître et inclure dans les programmes syndicaux », la lutte des femmes.
Les mémoires d'une femme et d'un homme qui n'ont pas renoncé à l'autoémancipation des dominés, " rien ne remplace la lutte des opprimés eux-mêmes », loin des histoires mythiques ou mystificatrices, des egos survalorisés, des réécritures simplificatrices du passé…
D. E.