Ivan Segré, <i>Qu'appelle-t-on penser Auschwitz ?</i>, Éditions Lignes, Paris 2009, 203 pages, 20 euros
Cet ouvrage se confronte à une lecture de Philippe Lacoue-Labarthe (en regard de textes de Martin Heidegger et Hannah Arendt), au concept de " solution finale », aux parallèles douteux entre Auschwitz et les attentats du 11 septembre 2001 et à l'identification frauduleuse d'agresseurs antijuifs en France aux Maghrébins, enfin " à un courant de pensée réactionnaire soucieux d'identifier une politique égalitaire à un négationnisme ».
Mais surtout, ce livre d'étude précise des phrases et des mots est une formidable invitation à penser sur la singularité d'Auschwitz, sur ce que ne dit pas l'extermination de masse, sur la contingence, la détermination objective, la création ou la sacralisation du nom, les mathématiques, le vide de la raison de certaines choses, l'occultation de la question de l'être, la fabrication industrielle des cadavres ou comme le dit l'auteur " la fabrication répétitive, systématique, industrielle de rien », les prédicats identitaires, le négationnisme, le marquage et la persécution, etc.
Et pour redonner la parole à l'auteur, dans un dialogue avec Alain Badiou " Si bien que le Juif de l'étude et le philosophe pouvaient à présent conclure d'une voix, au sujet d'Auschwitz, que "la pitié la plus essentielle à l'égard des victimes (...) réside, toujours, dans la continuation de ce qui les a désignés comme représentants de l'Humanité aux yeux des bourreaux". Or c'était là, nous semblait-il, l'enjeu. »
Un magnifique ouvrage contre le non-esprit du temps. ■