Dévalorisation des traits orientaux

par Didier Epsztajn

Ella Shohat, Le sionisme du point de vue de ses victimes juives — Les juifs orientaux en Israël, La fabrique éditions, 2006, Paris, 124 pages 8 euros

Image retirée.Ce petit livre est composé de deux textes, l'un écrit en 1986 et un préambule de 2006.

L'auteur traite essentiellement des misrahim, ces " juifs-arabes », citoyens de seconde zone en Israël, victimes " secondaires » du sionisme.

Il est habituel de classer les juifs en ashkénazes et séfarades. Or le terme séfarade ne devrait s'appliquer qu'aux descendants des juifs chassés d'Espagne au temps de la reconquête catholique. Des juifs vivaient antérieurement en Afrique du nord, dans la Méditerranée orientale, en Irak ou au Yémen. Ces juifs orientaux, misrahim en hébreu, ne sont donc pas des séfarades, l'auteure les nomme souvent juifs-arabes.

Le sionisme est historiquement profondément eurocentré. Sa dimension coloniale rejaillit aussi sur les populations juives venant d'Orient. La direction ashkénaze de l'État a non seulement nié les traits orientaux d'une partie de la population. Mais cette entreprise s'est accompagnée d'une réelle dévalorisation culturelle et sociale.

Ce petit livre, en redonnant place à l'Orient dans la vie juive, révèle une face peu connue en France de la réalité interne à l'État d'Israël. En niant l'histoire d'une partie de la population juive, le sionisme a rendu d'autant plus difficile la jonction avec les populations spoliées par sa construction, les Palestiniens en premier lieu mais aussi les misrahim.