<i>Esther Vivas est rédactrice du mensuel Revolta Global, édité par l'organisation du même nom qui regroupe en Catalogne les militants de la IV<sup>e</sup> Internationale.</i>
La participation de délégations du sud et de l'est de la Méditerranée a été particulièrement significative. Du Maroc, des Balkans et de la Grèce sont venus des cars de 50 délégué(e)s. Les délégations du sud de la France et de l'Italie ont été nombreuses. Mais alors que 1 200 visas avaient été sollicités, le gouvernement Zapatero n'en a accordé seulement que 60 %. Quelque 500 représentants d'organisations des droits humains, de groupes de femmes, d'écologistes... du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie n'ont pas pu accéder au Forum. Une attitude regrettable de la part d'un gouvernement qui prétend avoir une " autre volonté », être ouvert au dialogue et sensible aux demandes des mouvements sociaux.
Le FSMéd a eu trois grands axes thématiques : la dénonciation de la libéralisation économique dans la Méditerranée ; la défense des droits humains et des libertés démocratiques dans la région ; et le rejet de l'occupation militaire et de la stratégie impérialiste, en particulier en Palestine et au Moyen-Orient. Les femmes, les immigrants et les paysans des différents bords ont eu un rôle central, avec de grandes conférences sur les résistances des femmes dans la région ; les causes et les conséquences des migrations ; et les stratégies pour arriver à la souveraineté alimentaire dans la Méditerranée. L'assemblée de femmes, qui a réuni quelque 500 déléguées de toute la région, s'est tenue vendredi après-midi, en tant qu'activité ne devant pas être soumise à la concurrence d'autres réunions. Les femmes ont joué un rôle central dans le FSMéd, ce qui devrait servir d'exemple aux forums sociaux mondiaux et régionaux.
L'assemblée des mouvements antiguerre a convoqué une journée d'action globale contre la guerre et l'occupation en Irak et en Palestine, les 18 et 19 mars 2006, coïncidant avec le troisième anniversaire du début de la guerre en Irak, ainsi que des actions, entre les 6 et 11 novembre, contre les bases militaires dans la région.
Malgré le vaste éventail idéologique d'organisations promotrices du FSMéd, les conférences, les séminaires et les ateliers ont transmis, en général, un message radical de dénonciation des politiques néolibérales et de la stratégie impérialiste.
L'assemblée des mouvements sociaux, qui a eu lieu au lendemain du Forum, a réuni quelque 500 délégué(e)s. Elle a rendu public le refus de la libéralisation et du " partenariat euro-méditerranéen » et invité à une journée d'action dans la région pour les 27 et 28 novembre, lors du sommet euro-méditerranéen à Barcelone. Elle a également appelé à élargir à la région méditerranéenne les mobilisations déjà annoncées : entre autres contre l'OMC le 10 septembre, contre les directives Bolkestein et similaires le 15 octobre, pour les droits des sans-papiers et la libre circulation des personnes le 18 décembre 2005…
Les conclusions des séminaires et des ateliers du FSMéd ont défini le calendrier d'actions de l'assemblée des mouvements sociaux qui suppose de franchir un pas important dans la coordination des initiatives régionales.
Quelques faiblesses
Sûrement, la faiblesse la plus remarquable a été le peu de présence de public catalan et même espagnol. Il est paradoxal de comparer la présence des 1 100 étudiants catalans qui avaient assisté au FSE à Florence ou des 2 200 à Paris avec la faible présence d'étudiants dans le FSMéd, même si ce Forum se déroulait au moment des examens.
Les faibles participation et impact local pourraient être expliqués par plusieurs raisons. D'une part, on doit prendre en considération l'origine de la convocation du FSMéd, fin 2001, propulsé, principalement, par des organisations catalanes faisant partie du Conseil international du Forum Social Mondial mais sans lien réel avec les importantes mobilisations qui avaient lieu dans la ville. Les groupes les plus liés aux dynamiques de mobilisation n'ont pas été impliqués dans le processus du FSMéd. Seule une partie des secteurs militants s'en sont occupés et ont été tellement absorbés par la logistique, qu'ils n'ont pas pu consacrer des efforts suffisants à la mobilisation. Ainsi les collages massifs d'affiches ou les points d'information dans la ville — éléments qui avaient caractérisé les mobilisations précédentes — n'ont pas eu lieu. Enfin, la tenue du FSMéd, initialement programmée fin 2003, a été reportée à plusieurs reprises.
La conjoncture politique actuelle fut également défavorable, avec un reflux des luttes sociales face au gouvernement Zapatero, qui a provoqué une forte démobilisation en accordant certaines concessions (retrait des troupes d'Irak, annulation du Plan Hydrologique National, approbation du mariage entre personnes du même sexe…), même si on a pu noter des luttes contre les fermetures et les délocalisations d'entreprises, pour la régularisation sans condition des immigrants. D'autre part, depuis les manifestations massives contre la guerre en Irak, une dynamique de fragmentation et de désarticulation s'est produite et des initiatives capables d'agglutiner un spectre réellement pluriel n'ont pas eu lieu, contrairement à la période précédente. Enfin, les grandes organisations membres du groupe promoteur du FSMéd, tels quelques syndicats majoritaires, se sont limitées à une participation superstructurelle et politique.
Un autre problème significatif du FSMéd a été l'important écart entre l'ampleur du programme et des espaces et la taille réelle de l'événement : les deux trop grands pavillons semblaient toujours à moitié vides.
Mais le FSMéd a permis de réunir des organisations très diverses et plurielles de l'ensemble du pourtour méditerranéen, qui n'avaient que peu de connaissance mutuelle et encore moins d'expérience de travail conjoint. En ce sens, le 1er FSMéd a été un pas dans la construction de ponts et a permis le rapprochement des bords de la Méditerranée.