Forum social méditerranéen du côté des femmes

par Anne Leclerc

Au Forum social Méditerranée (FSMed), les militantes de la Marche mondiale catalanes et italiennes avaient pesé pour qu'une des conférences plénière se tienne sur la question des droits des femmes de la Méditerranée. Une femme d'Irak a témoigné de la situation terrible créée par la guerre en Irak, certes pour toute la population, mais elle a insisté sur le sort particulier des femmes, qu'elles soient dans les prisons américaines ou victimes d'agressions sexuelles.

Une femme palestinienne, psychologue dans les territoires occupés, a expliqué de façon très émouvante comment la deuxième intifada avait durci la situation des femmes. En effet en plus de la violence de l'occupation, les violences conjugales sont en nette augmentation. Elle n'a pu que constater que la réaction des hommes, souvent humiliés par l'occupation et leur situation (chômage et pauvreté extrême) consiste à retourner cette souffrance contre leurs femmes. Une autre intervention a permis de cerner l'impact du libéralisme sur la situation des femmes, comme dans les pays en voie de développement avec les conséquences néfastes des plans d'ajustement structurel en matière d'éducation et de santé sur les femmes.

Le caractère contradictoire du libéralisme économique sur la situation des femmes a été souligné puisque dans le monde entier (mis à part en Afrique subsaharienne) les femmes sont entrées massivement dans la sphère du travail salarié, ce qui représente un moyen de s'autonomiser pour les femmes mais avec les formes les plus précarisées du travail (surexploitation dans les entreprises et développement du travail informel).

Une assemblée des femmes s'est aussi tenue lors de ce FSMed. Elle a réuni plusieurs centaines de personnes et les organisatrices ont elles-mêmes été surprises de cette participation élevée. Cet échange entre les femmes des deux rives a été très riche : femmes venues d'Algérie, du Maroc, d'Égypte, de Palestine, de Tunisie (et encore beaucoup n'ont pas obtenu leur visa pour assister au FSMed) confrontant leur vie, leurs expériences avec les femmes de l'Europe méditerranéenne, pour certaines issues de l'immigration.

Ces débats ont permis d'élaborer une Déclaration de l'Assemblée des femmes du 1er Forum Social de la Méditerranée.A.L.

Déclaration de l'Assemblée des femmes du 1er Forum Social de la Méditerranée

" Les femmes en Méditerranée sont victimes de violences, d'appauvrissement, de traite, de guerres et de violations systématiques de leurs droits humains.

Les femmes de la Méditerranée sont sous une triple domination : patriarcale, néolibérale et intégriste. Ces dominations se soutiennent et s'auto-alimentent pour maintenir les femmes dans des conditions de vie et de droits indignes et inférieures à celles des hommes.

La Méditerranée aujourd'hui est un foyer de guerres. Ces guerres engendrent des violences, des viols, des assassinats, des emprisonnements arbitraires et des conditions de vie inacceptables, en particulier pour les femmes.

Des femmes du Sud de la Méditerranée n'ont pu venir pour cause de non-obtention de visa. C'est pourquoi nous demandons que la libre circulation en Méditerranée soit un axe majeur de la lutte des mouvements sociaux du FSMed.

Nous, réunies à l'Assemblée des femmes du 1er FSMed, venues de tous les bords de la Méditerranée,

Dénonçons :

La militarisation de la région, les projets néocoloniaux de contrôle des ressources naturelles

La violation systématique de nos droits humains et les violences exercées contre les femmes

L'augmentation des fondamentalismes et des courants politiques qui ne reconnaissent pas les droits des femmes ou les font reculer, comme le droit à l'avortement, et la présence de fondamentalistes dans les forums sociaux

L'existence des codes de la famille qui institutionnalisent la subordination de la femme

Les crimes dits " d'honneur »

Les mutilations génitales

La marchandisation de notre corps et l'existence de réseaux de trafic de femmes et de fillettes

L'esclavage, le travail forcé

L'appauvrissement et la précarisation de nos vies, l'inexistence ou la violation de nos droits sociaux, le manque d'éducation et de soins gratuits

La loi du marché, le néolibéralisme, qui précarise et prive de leurs droits économiques sociaux et culturels les femmes

Les accords bilatéraux qui appliquent les statuts personnels défavorables aux femmes

La construction d'une Europe-forteresse qui nie les droits économiques, politiques, sociaux et culturels des femmes migrantes

Les négociations de l'Europe avec des partis islamistes même ceux dits " modérés »

La persécution des femmes à cause de leur orientation sexuelle

Exigeons :

La reconnaissance et l'appui des mouvements sociaux aux résistances et aux luttes des femmes contre le patriarcat et les fondamentalismes qui nient notre droit à l'égalité

L'application immédiate et sans réserve par les gouvernements et les institutions internationales de tous les instruments internationaux relatifs aux droits des femmes

La libre circulation et la libre installation des femmes dans toute la Méditerranée

Le droit de vivre en paix ,sous des régimes démocratiques laïques

Le droit d'asile pour toutes les femmes victimes de violence sexiste

Appuyons

Les femmes irakiennes qui résistent à l'occupation impérialiste des USA et de leurs alliés

Les femmes palestiniennes et israéliennes qui travaillent ensemble pour la résolution du conflit et contre l'occupation des territoires palestiniens

Les femmes sahraouies qui sauvegardent le tissu social de leur peuple et cherchent à travailler avec les femmes marocaines pour résoudre le conflit

Toutes les femmes qui s'impliquent dans les processus de paix dans les aires de conflit armé et qui luttent pour les droits culturels et contre l'oppression d'état

Les femmes qui luttent contre les codes de la famille patriarcaux

Les femmes qui luttent pour le droit de décider de leur corps et de leur sexualité, et pour le droit à l'avortement libre et gratuit

Pour que le travail entamé, la communication et la solidarité soient effectifs en Méditerranée, nous proposons :

La création d'un site web sur lequel la discussion se poursuivra et permettra la coordination des luttes

Une journée d'action mondiale contre les violences faites aux femmes chaque année le 25 Novembre. En 2005 elle sera sous le signe du soutien aux femmes irakiennes emprisonnées arbitrairement, pour lesquelles nous demandons la libération immédiate

Nous les femmes de la Méditerranée, voulons et luttons pour une Méditerranée de paix, démilitarisée, démocratique, sans violences , avec des droits sociaux et l'égalité entre les hommes et les femmes.

Barcelone le 17 Juin 2005 »

 

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