<i>Anne Leclerc, syndicaliste (Fédération syndicale unitaire, FSU) et féministe (Collectif national pour les droits des femmes et Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et les violences faites aux femmes), est militante de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, section française de la IVe Internationale)</i>
Les 28 et 29 mai l'initiative européenne de la Marche mondiale s'est déroulée à Marseille. Malgré la date (choisie par la coordination européenne de la Marche mondiale en septembre 2004), qui se situait en même temps que le référendum sur le Traité constitutionnel européen en France, ce week-end de débat et de mobilisation a été une réussite. Plus de 1500 femmes venues de plusieurs pays d'Europe ont assisté aux cinq forums et trois espaces organisés autour de 5 thèmes : travail/emploi/précarité, violences faites aux femmes, paix et conflits, sexualité/avortement/contraception/santé, femmes et hommes en Europe et de trois espaces : jeunes, femmes migrantes et espace lesbien. Faute de places plusieurs centaines de femmes n'ont d'ailleurs pas pu participer aux débats du matin, ce qui était frustrant après de longues heures de voyage pour certaines.
L'après-midi, dénonçant le libéralisme et le patriarcat, la manifestation a rassemblé environ 10 000 personnes venues de Belgique (forte délégation), d'Espagne, du Pays basque, d'Italie, de Grèce, du Portugal, de Chypre et une cinquantaine de femmes venues spécialement d'Algérie.
Le dimanche matin au parc Chénot, la restitution des débats et des propositions issues de ceux-ci a donné un aperçu des débats de la veille. Des propositions d'action et de campagne ont été faites. La construction de réseaux européens est apparue plus que jamais nécessaire pour construire un rapport de force à la hauteur des enjeux.
Concernant l'avortement, il a été réaffirmé haut et fort la nécessité que l'avortement figure comme un droit fondamental des femmes dans les institutions européennes, compte tenu de la place qu'occupe ce droit dans la lutte pour la libération des femmes. Six pays ne reconnaissent pas ce droit : Chypre, la Pologne, Malte, le Portugal, l'Irlande et Andorre.
Il a été proposé une pétition européenne en solidarité avec les femmes portugaises pour le changement de législation. En Italie l'enjeu était le référendum sur la procréation médicalement assistée PMA qui devait être débattu au parlement les 12 et 13 juin et qui visait à empêcher la remise en question du droit à l'IVG. La mobilisation en Italie n'a pas permis le succès de ce référendum, le Vatican et Berlusconi y mettant tout leur poids.
En ce qui concerne l'emploi et la précarité, plusieurs axes de campagnes ont été définis :
pour de vrais emplois, arrêt des temps partiels imposés, instauration d'un salaire minimum européen ; rattrapage salarial immédiat des écarts de salaire entre homme et femme.
lutte contre le démantèlement de tous les services publics et développement des services publics d'accueil de la petite enfance et des soins aux personnes âgées et handicapées.
Au forum violence une campagne pour le vote d'une loi-cadre contre les violences au niveau européen a été décidée avec en point d'orgue des manifestations partout en Europe le 25 novembre 2005, journée internationale contre les violences faites aux femmes.
Au forum démocratie, pouvoir et laïcité il a été rappelé à la veille du référendum que l'égalité des sexes ne figurait pas comme une des valeurs fondatrices de l'Union, que le droit à l'avortement en était absent tout comme la référence à la laïcité ; la place donnée aux institutions religieuse a été dénoncée.
Le forum paix et conflit a rappelé que les femmes étaient les premières victimes des conflits et qu'il y avait urgence à se mobiliser pour le désarmement des pays. Les espaces lesbien et jeune ont travaillé plutôt à la mise en place de réseaux larges européens.
De l'espace femmes migrantes plusieurs revendications ont été mises en avant : respect de l'application des droits économiques et sociaux, accès aux services sociaux et lutte contre les discriminations, régularisation de toutes les sans-papiers, campagne contre les mariages forcés et les crimes d'honneur.
La charte des femmes pour l'humanité qui fait le tour du monde accompagnée d'une courtepointe sorte de patchwork composé, au fur et à mesure des passages dans chaque pays, d'un morceau de tissu illustrant le pays ont été transmises le samedi par une représentante du Pays Basque à la France et le dimanche de la France à la Belgique.
En conclusion des ces deux journées, Nadia De Mond, animatrice de la marche au niveau européen a réaffirmé la détermination des femmes à combattre l'exploitation néolibérale et l'oppression patriarcale qui " se renforcent mutuellement, font le lit des intégrismes religieux et génèrent pauvreté, exclusion et violence ». Elle a rappelé la prochaine échéance de la Marche Mondiale, le 17 octobre 2005 avec l'organisation des 24 h de la solidarité entre les femmes du monde entier en même temps que l'arrivée de la Charte des femmes pour l'humanité au Burkina Faso.