Jean-Claude Juncker peut dire " Ouf !». Par 56,52 % contre 43,48 % le Traité constitutionnel a été approuvé par la population luxembourgeoise, mettant ainsi un arrêt à la série des refus. Tout a été fait pour qu'il en soit ainsi. Élu en juin 2004 — alors que tant ses partenaires libéraux au gouvernement sortant que son opposition de droite ultra- libérale ont été lourdement sanctionnés — Juncker avait mis en jeu sa démission, menaçant ainsi d'ouvrir une crise politique pour l'été. Dans la campagne électorale tout l'argent public a été mis au service du " oui » ; les partisans du " non » — Dei Lenké (La Gauche), le PC luxembourgeois et le Comité du Non — n'ont pas reçu un euro pour mener leur campagne. La campagne du " non » a ainsi été capable de distribuer 100 000 tracts et de coller des centaines d'affiches — alors qu'il y avait 220 717 inscrits sur les listes électorales et que les très nombreux immigrés (essentiellement d'autres pays européens) n'avaient pas le droit de vote…
Pourtant, si le " oui » l'emporte dans la grande majorité des localités, dans neuf d'entre elles le " non » est majoritaire. Et sept de ces neuf localités concentrent une partie significative de la classe ouvrière luxembourgeoise et votent historiquement plus à gauche : Differdenge (55,17 % pour le " non »), Esch sur Alzette (53,24 %), Kayl (52,77 %), Pétange (52,89 %), Rumelange (56,48 %), Sanem (52,67 %) et Schifflange (52,59 %). La polarisation sociale qui a marqué les résultats des référendums en France et aux Pays-Bas se reproduit donc aussi au Luxembourg.
Le score même du " non », alors que jusqu'aux résultats français les sondages l'annonçaient à 20 %, est significatif d'un début de réveil. En résumé, contrairement aux apparences, le résultat luxembourgeois est annonciateur d'une crise, lui aussi.