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Prostitution, la mondialisation incarnée

par Antoine Detaine
Richard Poulin (coord.), Prostitution, la mondialisation incarnée, éd. Syllepse, Paris 2005, 18€.

Onze contributions, onze cris d'effroi, onze condamnations sans appel. Le titre de cet ouvrage synthétise parfaitement l'ensemble des études rassemblées ici. Venant des quatre coins de la planète, les auteurs sont tout(e)s spécialistes du problème de la traite à des fins d'asservissement sexuel des femmes et des enfants.

 

Des chiffres évidemment, beaucoup de statistiques, qui tombent, impitoyables : la traite aux fins de prostitution a fait en une décennie dans le seul sud-est asiatique 33 millions de victimes, soit 3 fois plus qu'au cours des 400 ans de traite des esclaves africains, 1 million d'enfants prostitués dans le monde en 2001… 2 millions en 2004, 60 millions de personnes prostituées dans le monde pour un chiffre d'affaires de 60 milliards d'euros, la pornographie réalisant 52 milliards d'euros… On lira à ce propos les 15 thèses de Richard Poulin ainsi que les comparaisons d'un siècle à l'autre du système prostitutionnel par S. Chejter, à partir notamment de l'étude d'Albert Londres (1927) comparée au phénomène d'aujourd'hui. Sans la suivre dans toute son argumentation lorsqu'elle souligne que les prostitutions d'hier et d'aujourd'hui partagent beaucoup de points communs, elle conclut, et c'est là l'essentiel, qu'un des principaux changements tient à la tentative de légaliser la prostitution en tant que travail.

 

Ceci sera un leitmotiv de tous les intervenants de ce livre : du Nigeria à l'Amérique centrale, du Maroc à l'Italie, l'attitude de désengagement, tendanciel ou achevé des États exprime la volonté délibérée de légaliser un secteur économique criminel. Son taux de profit est si élevé qu'il est de plus en plus considéré comme une industrie ordinaire. À ce propos, l'article édifiant de la juriste nigériane Agathise aborde en détail tout le débat autour de la Proposition de loi 3826 en Italie, dont l'objectif avoué, partagé par les secteurs majoritaires de la gauche, est de remettre en cause la loi abolitionniste, et de rouvrir les maisons closes… au nom bien sûr de la défense des prostituées, en adaptant le code du travai ! À quand le CAP de prostitution en Hollande où les maisons closes existent légalement et où la loi oblige les établissements de plus de 20 salariés à employer un(e) apprenti(e) ?! La marchandise prostituée, accessoirement un être humain pour le marché, ne travaille JAMAIS à son compte, c'est un mythe, depuis quand une valeur d'échange déciderait-elle des modalités de sa valorisation ?

 

Toutes les contributions soulignent le rôle central joué en la matière par la phase actuelle ultra-libérale du capitalisme. Le mot d'ordre " Nos vies valent plus que leurs profits » n'a jamais été aussi adéquat.

 

 

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