Alexis Nouss, Plaidoyer pour un monde métis, Textuel, Paris 2005, 17,00 €.
Dans ce petit livre, très riche en citations littéraires et en exemples artistiques, l'auteur trace un possible monde ouvert à l'altérité. " Le métissage n'est pas une valeur fixe, un état permanent ou une condition immuable mais un processus qui permet de reconnaître la multiappartenance, être ici et là, être ceci et cela, habiter des deux côtés de la frontière, emprunter une troisième voie entre homogène et hétérogène, fusion et différenciation » (page 10)
Il critique aussi bien le monochromatisme noyant les différences culturelles que les dérives communautaristes. Pour A. Nouss, les affiliations personnelles peuvent être déclinables au pluriel dans un cadre cependant global et unitaire. Face au retour à l'homogène fantasmé (extrême droite), à l'hétérogénéité cristallisée (communautarisme) " qui souffre d'essentialisme et d'aigreur antirépublicaine » (page 24) A. Nouss prône une ouverture et le passage permanent entre deux ou plusieurs êtres-ici.
Il nous rappelle que les frontières créent un dedans et un dehors en s'interrogeant : " Les frontières extérieures d'un État sont-elles véritablement plus marquées que les démarcation intérieures ? » (page 56). Que dire des nomades, de ceux et celles qui passent et repassent ces frontières, de celles et ceux qui sont inclus-e-s dans les territoires tout en étant des exclu-e-s socialement ?
Le mode métis est " incertain », c'est le règne de la " cosmopolitesse » qui part " d'une sensibilité communautaire et l'agrandit à une dimension globale en articulant divers plans et souscrivant à une modélisation plurielle de la mondialisation » (page 79). Contre l'intolérance différencialiste, le métissage se nourrit de valeurs potentiellement communes.
Les nouvelles identités déracinées (titre de la partie quatre) ne doivent pas rester en exil. Aux yeux de l'auteur, il est nécessaire d'accepter un possible fragmenté qui ne soit pas fragmentaire.
Un livre riche de passages, d'interrogations, d'ouverture aux diversités et à un autre universel.
Dans une courte et bien belle postface, Daniel Bensaïd nous rappelle que " les rapports de genre et de classe constituent un fil rouge qui permet de jouer à saute-frontières, de fendre les armures identitaires, de dépasser l'horizon étroit de la préférence familiale, nationale ou communautaire. » (Page 131). Il nous met cependant en garde contre une imprégnation idéologique moralisante pouvant accompagner, sans la surmonter, la crise profonde de la politique et du droit.