Hugo Blanco fut un des dirigeants du soulèvement paysan de la région de Cuzco, au Pérou, au début des années 1960, symbole de l'unité et du renouveau de la gauche révolutionnaire péruvienne en 1978-1980, .emprisonné, menacé de mort, exilé et libéré grâce a la solidarité internationale. Il a été un des dirigeants centraux du syndicalisme paysan péruvien et de la IVe Internationale, dont il a pu saluer le XVe Congrès mondial en février 2003.
J'étais en Bolivie lorsque le mandat présidentiel a été transmis à Evo Morales. J'étais invité par le camarade Evo.
Une ambiance de processus révolutionnaire flottait dans l'air et traversait ce peuple. On le percevait dans le nombre de personnes réunies et la ferveur révolutionnaire des gens à l'occasion des grands rassemblements. On le sentait à l'occasion des discours combatifs d'Evo, qui fit référence au Che et à la phrase du sous-commandant Marcos : " commander en obéissant ». Evo a parlé clairement contre le néolibéralisme. Cette ambiance se retrouve aussi dans le fait que le ministère de la Justice est occupé par une servante qui a souffert des abus physiques, psychologiques et sexuels qui sont de l'ordre de la " coutume » dans nos pays. Elle se perçoit dans le fait que le ministère du Travail soit occupé par un syndicaliste, elle s'exprime dans le fait qu'une grande quantité de généraux ont été démis, etc.
Ici, je veux me concentrer seulement sur un aspect : le type de révolution.
Évidemment, nous respectons beaucoup la révolution cubaine et son principal instrument, l'armée de guérilla. Nous respectons de même beaucoup le processus vénézuélien. Un officier qui a fait un coup d'État contre un gouvernement corrompu et qui, par la suite, a gagné face aux partis bourgeois lors des élections, face à ces partis qui avaient dégoûté les gens.
Nous reconnaissons que ce qu'ils ont fait est bien et que c'était le chemin correct à suivre.
Le processus révolutionnaire bolivien est complètement différent. C'est une montée des luttes populaires progressives et combatives, sans une organisation centralisée. Une partie des combattants a décidé de s'organiser pour conduire la lutte sur le terrain de l'ennemi : les élections. Cette fraction d'entre eux a construit un parti : Instrument Politique pour la souveraineté des peuples (IPSP). Comme le pouvoir a placé des pièges légaux contre l'inscription de ce parti, cette fraction a décidé d'entrer dans une organisation qui avait un statut légal : le MAS. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui on fait référence au MAS-IPSP.
Dans le mouvement révolutionnaire bolivien, y compris dans le MAS, il y a une grande diversité de points de vue. C'est de façon toute naturelle que les gens manifestent des désaccords avec Evo. Mais il n'y a pas d'expulsion, comme dans le PT du Brésil. Evo affirme : " Je peux me tromper, mais je ne trahirai pas ». Il ajoute : " Si je m'arrête, poussez-moi ! »
Cuba et le Venezuela ont chacun leur commandant. La Bolivie, non. Evo parle de manière systématique de la refondation de la Bolivie. Il mentionne que lors de la première fondation de la Bolivie, les populations indigènes en ont été exclues.
Dans cette refondation, ces populations seront présentes. Mais pas seulement elles, sera présent aussi tout le peuple bolivien.
Evo réaffirme que le 6 août 2006 sera mis en place l'Assemblée constituante. Cette Assemblée représente le grand désir ardent du peuple bolivien. Tous sont conscients que ce dont ils ne veulent pas c'est d'une Constituante composée de partis traditionnels comme l'ont été tant d'autres. Ils savent, avec clarté, que cela doit être une Assemblée constituante qui réunisse les représentants des peuples indigènes de tous les secteurs populaires de la Bolivie. Déjà on discute des objectifs que devra approuver cette Constituante. Les gens voient dans le gouvernement d'Evo une garantie de réalisation de cette Assemblée. Si l'on veut faire une comparaison avec la révolution russe, ce serait en quelque sorte le Congrès des soviets.
Nous espérons que l'absence du " parti révolutionnaire » soit un avantage et non pas un désavantage. L'histoire nous le dira. Nous ne voulons pas faire de théories à ce propos. Je voudrais simplement indiquer que nous sommes au mois de " février russe » et que le 6 août sera " l'octobre ». Bien que, depuis février, tout le monde la base comme les directions espère qu'en octobre il ne faudra renverser personne.
Le processus en cours au Pérou a des analogies avec celui de la Bolivie, certes sous une forme embryonnaire. On y voit bourgeonner des révoltes victorieuses des mouvements sociaux qui ne se trouvent sous l'emprise d'aucune direction d'aucun parti. Le processus bolivien aura une grande influence dans notre pays. C'est notre obligation de le faire connaître.
27 janvier 2006