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Transformations du travail, accumulation du capital et action collective

par Didier Epsztajn

Stephen Bouquin, La valse des écrous. Travail, capital et action collective dans l'industrie automobile (1970-2004), Editions Syllepse, Paris 2006, 306 pages, 23 euros.

Les voitures encombrent les villes, les routes et nos têtes (" ne pas oublier la puissante féerie marchande »), la concurrence fait rage entre les quelques groupes automobiles cherchant à préserver ou accroître leurs parts sur les marchés locaux et mondiaux.

Le livre de Stephen Bouquin n'est pas une étude de plus sur les restructurations industrielles ou de sociologie du travail ouvrier. Il inscrit les transformations du travail dans l'atelier en relation avec la dynamique d'accumulation du capital. " On ne peut traiter des relations de travail et de leur transformation sans prendre en compte la dynamique d'accumulation du capital. » sans cependant oublier que " les interrelations entre les transformations du travail, l'accumulation du capital et l'action collective se construisent selon des temporalités différentes. »

L'auteur va appréhender la conflictualité sociale " non comme un épiphénomène mais, au contraire, comme une dimension structurellement présente, même si l'une de ses manifestations telle que la grève peut faire défaut pendant tout un temps ». Il lui attribue " un rôle structurant, cette approche a le mérite de ne pas se limiter à une interprétation managériale de la réalité sociale qui considère les conflits sociaux comme preuve de la perte de cohérence du modèle productif. »

Une double contingence pèse sur les groupes automobiles : " la nécessité de maîtriser tant que faire se peut le facteur travail humain d'une part, affronter à des degrés variables une concurrence intercapitaliste d'autre part ».

Le livre est découpé en trois parties : modèles d'analyse de l'industrie automobile, rationalisation et conflits, études de cas.

Dans des études détaillées de RVI Blainville et Volkswagen Bruxelles, S. Bouquin mobilise plusieurs niveaux d'analyses (historique, économique, sociologique). Il n'est pas possible de résumer la riche documentation d'autant que l'auteur revient sur l'introduction du taylorisme aux USA et le modèle productif japonais.

Par ses méthodes et en particulier la place donnée à la conflictualité (dimension endogène de l'évolution des formes d'organisation du travail et des politiques de management et non élément surajouté) ce livre permet d'appréhender à travers une histoire des restructurations d'un secteur prépondérant du monde capitaliste les modifications de la subsomption réelle du travail (la notion de soumission ou subsomption est d'acceptation plus large que celle d'exploitation). L'auteur nous rappelle que " la subsomption réelle du travail a ceci de particulier qu'elle peut laisser l'individu entièrement autonome et responsable… ». Le despotisme d'entreprise peut se dépouiller de ses aspects les plus autoritaires mais " même le travail le plus autonome peut encore connaître une forme de domination sous une forme particulière telle que les codes du métier et la conformisation de soi à ceux-ci ».

Se réclamant d'une certaine tradition d'analyse (entre autres Pierre Naville, Jean-Marie Vincent et Pierre Rolle) l'auteur n'oublie pas que " le temps est un rapport social, tout comme le travail. » et que " le capital ne peut prendre en considération la subjectivité libre opposée au monde des choses qu'en chosifiant à son tour la subjectivité pour la soumettre au processus de valorisation ».

Dans sa postface " Salariat, résistance et perspectives » Pierre Cours-Salies revient sur les apports de cette démarche pluridisciplinaire et nous rappelle que " l'avenir s'écrit en grande partie au futur antérieur ».

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