Une révolte protopolitique

par Didier Epsztajn

Gérard Mauger, L' émeute de novembre 2005, Édition du croquant 2006, 157 pages, 13,5 euros.

Gérard Mauger soulève, dans son introduction, les difficultés d' une sociologie de l' actualité, celle de soumettre l' actualité aux exigences ordinaires de la connaissance scientifique. Grâce à une très riche documentation et à une grande rigueur dans les réflexions, l' auteur fait oeuvre de référence en nous présentant les différents discours sur les émeutes de novembre 2005.

Dans une première partie seront ainsi décryptés, le caractère inédit de l' émeute par son ampleur et sa durée, son déclenchement et sa propagation (avec exposition des théories du complot, du rôle des médias), les pratiques et les propriétés sociales des émeutiers. Lire et relire les propos et les déclarations des uns et des autres, avec un peu de recul, fait ressortir les constructions idéologiques, les théorisations sans bases, les abus comparatifs, etc.

La seconde partie du livre " L' émeute de papier » décline le répertoire de prises de position. Sont en premier lieu présentées les entreprises de disqualifications politiques : " Cette criminalisation de l' émeute et des émeutiers vise explicitement à creuser le fossé entre les jeunes des cités et le peuple, quitte à distinguer, chez les premiers, le bon grain de l' ivraie. Ces entreprises de disqualification sont juridiques, morales, culturelles et ethnico-religieuses. »

Suivent les entreprises d' habilitation politique se déployant dans deux registres : " L' émeute est politique parce que ses effets ou ses cibles le sont » et " L' émeute est politique parce que ses causes le sont ». Ce deuxième registre pouvant s' ancrer dans trois discours autour de " la révolte du précariat, celle des ghettos et celle des minorités visibles ».

L' auteur examine et détaille l' ensemble des discours et de leurs contradictions, éclaire les situations par la prise en compte de multiples dimensions, ce que tronquent souvent les uns et les autres dans leurs volonté de dénigrer ou de soutenir les émeutiers. Dans sa conclusion Gérard Mauger, avec prudence mais engagement, explicite et formule des questionnements sur les possibles évolutions.

Une confrontation des faits et des interprétations, un livre utile par sa méthode et son ouverture.

 

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