Sous la direction de Philippe Corcuff et Alain Maillard, Les socialistes français à l' épreuve du pouvoir , Textuel 2006, 207 pages, 20 euros.
Détour par le passé, mais sans " la nostalgie floue des légendes dorées », ce livre pluriel nous confronte aux différentes interrogations et réponses données par les socialismes français dans leurs dimensions théoriques et pratiques au pouvoir politique.
Après une esquisse d' un tableau chronologique des socialismes français (1789 à 1905), le livre nous invite a réexaminer un article de Michèle Perrot sur les socialistes français et le pouvoir (1871-1914), écrit il y a quarante ans, et relu de manière critique par l' auteure. Alors que le mouvement ouvrier n' est que faiblement structuré, que la classe ouvrière est socialement minoritaire dans le pays, nous ne sommes ni en Grande-Bretagne ni en Allemagne, les débats et les réponses autour du pouvoir et de l' État sont multiples, riches.
Se confronter aujourd' hui à ces personnalités et courants qui déjà débattaient de la réduction du temps de travail, des services publiques, du mutualisme, du pouvoir, de réformes et de révolution, nous oblige à nous éloigner des simplifications abusives que la distance historique introduit trop souvent.
La première partie de l' ouvrage se termine par une étude sur la gauche socialiste et le pouvoir (1921-1947).
La seconde partie nous offre quelques figures militantes : Auguste Blanqui le communiste hérétique, les militants parisiens de la première Internationale et le proudhonisme, Jaurès et Léon Blum au congrès de Tours (1920).
Nous sommes ici au cœur des débats entre réformistes et révolutionnaires. Les clivages mémorisés ne sont ni toujours pertinents, ni toujours évidents tant du point de vue des théorisations que des pratiques.
Le livre nous invite donc à une réflexion qui ne peut être que collective.
Comment ne pas partager les dernières phrases de l' introduction percutante de Philippe Corcuff et Alain Maillard sur la gauche face à son histoire socialiste : " Le travail intellectuel garde son autonomie, mais dans des liens nouveaux avec la politique, qui ne sont pas des liens de justification ou de subordination, mais de fécondation réciproque. La radicalité, inscrivant sa pensée et son action dans l' horizon d' autres mondes possibles, ne se dégrade pas en manichéisme, car elle se coltine la pluralité et les fragilités humaines. A gauche, radicalement. De manière gauche, mélancoliquement. »