Etat espagnol : Le danger fasciste - Le virus fasciste et le risque de pandémie

par Marti Caussa
Manifestation à l’initiative du parti d’extrême droite Vox en 2023. © VOX España – CC0

Le capitalisme néolibéral pousse à ce que les régimes politiques prennent la forme de démocraties illibérales ou d’autoritarismes réactionnaires. Dans ce texte, je propose une réflexion sur la question de savoir si, dans cette dynamique, certains éléments caractéristiques du fascisme classique sont modifiés et recombinés avec de nouveaux éléments, comme cela se produit avec les souches modifiées d’un virus antérieur, et s’ils affectent progressivement diverses parties des institutions et du corps social. J’étudie en particulier le cas espagnol.

Le capitalisme néolibéral pousse à ce que les régimes politiques prennent la forme de démocraties illibérales ou d’autoritarismes réactionnaires, comme l’expliquent Miguel Urban et Jaime Pastor :

« Les décennies de gouvernance néolibérale et les crises qui en ont découlé ont favorisé l’émergence d’une culture politique profondément antidémocratique. C’est là le reflet de l’obsession incessante du néolibéralisme qui le pousse à limiter les domaines d’intervention et les fonctions sociales des États, à aligner l’action publique sur les intérêts des acteurs économiques privés, à remplacer la réglementation et la distribution par la liberté d’entreprise et à placer les droits de propriété au-dessus de tout autre droit fondamental (...) C’est cette anti-politique (...) qui est au principe de l’autoritarisme qui a pénétré l’ensemble de la sphère politique. »

Dans ce texte, je propose une réflexion sur la question de savoir si, dans cette dynamique, certains éléments caractéristiques du fascisme classique sont modifiés et recombinés avec de nouveaux éléments, comme cela se produit avec les souches modifiées d’un virus antérieur, et s’ils affectent progressivement diverses parties des institutions et du corps social. Le danger est que la contagion s’accélère de telle manière (comme une pandémie) qu’elle entraîne des changements substantiels et aboutisse finalement à une dictature brutale qui présente suffisamment de similitudes avec le fascisme pour être considérée comme son héritière.

Dans une dynamique fasciste, il peut y avoir des phases de contagion continue, mais lente et relativement silencieuse, d’autres d’évolution accélérée, et enfin un moment de rupture majeure est nécessaire pour qu’un parti fasciste conquière le pouvoir et se consolide.

Il est évident que nous ne sommes pas dans la situation des années 1930, et aucun phénomène ne se répétera de la même manière cent ans plus tard. Le fascisme non plus. Ce que je me propose de discuter, c’est si ces phénomènes de contagion d’un nouveau fascisme existent en Espagne, dans quelle mesure ils se sont développés et comment on peut y faire face.

Naturellement, il est nécessaire de commencer par clarifier ce que je considère comme les traits caractéristiques du fascisme qui ont le plus grand potentiel pour se développer et devenir opérationnels dans la situation actuelle.

Le fascisme et les conditions de son développement

• Par fascisme, il faut entendre une dictature dans laquelle l’appareil répressif - armée, police, système judiciaire... - est renforcé par un mouvement de masse réactionnaire qui le complète par le bas, avec l’objectif d’éliminer les organisations populaires existantes et de les remplacer par d’autres qui encadrent et contrôlent au service des intérêts de l’État fasciste. Pour bien définir les termes : le fascisme est qualitativement différent d’une démocratie amoindrie, c’est une dictature ; mais toutes les dictatures ne sont pas fascistes, pour être fascistes, elles doivent s’appuyer sur un mouvement de masse réactionnaire :

« Une dictature militaire ou un État purement policier (...) ne dispose pas de moyens suffisants pour atomiser, décourager et démoraliser, durant une longue période, une classe sociale consciente, riche de plusieurs millions d’individus et pour prévenir ainsi toute poussée de la lutte des classes la plus élémentaire (...) Pour cela, il faut un mouvement de masse qui mobilise un grand nombre d’individus. Seul un tel mouvement peut décimer et démoraliser la frange la plus consciente du prolétariat par une terreur de masse systématique (...) et, après la prise du pouvoir, laisser le prolétariat non seulement atomisé, à la suite de la destruction totale de ses organisations de masse, mais aussi découragé et résigné » (“Du fascisme”, Ernest Mandel, 1969).

Cependant, cette caractérisation du fascisme a connu de nombreuses variantes en fonction du comportement des différents acteurs impliqués et du moment où ils sont intervenus – en particulier l’armée et le mouvement de masse fasciste –, de la manière dont le parti fasciste accède au pouvoir et de la résistance qu’il rencontre pour s’y établir définitivement. Le nazisme et le franquisme sont deux modèles extrêmes.

Dans le cas espagnol, le fascisme a pris la forme du franquisme, le rôle de l’acteur principal y fut joué par l’armée, le mode d’accession au pouvoir fut un coup d’État militaire, le parti fasciste (la Phalange) était marginal avant le coup d’État et s’est développé et remodelé au fur et à mesure que l’armée franquiste l’emportait dans la guerre.

2- Une étape nécessaire et très importante dans le processus de contagion du fascisme est de réussir à amener une partie de la population à développer un sentiment de rejet, d’hostilité et même de haine envers d’autres, au point de les considérer comme dignes d’être privés de leurs droits fondamentaux et écrasés. Et qu’une partie importante de la société soit passive et acquiesce à ces attaques. L’exemple typique est celui du nazisme à l’égard de la population juive.

Lorsque ce sentiment de haine envers un segment de la société a été installé, il est très facile de l’étendre à d’autres : dans le cas du nazisme, après les juifs, il y a eu les Tziganes, les homosexuel·les, les slaves, etc. Et cela a fini par inclure ceux qui n’étaient pas nazis : les communistes, les socialistes, les démocrates...

« Il est faux de dire que les projets d’extermination nazis étaient réservés exclusivement à la population juive. La population tsigane a connu un taux d’extermination comparable à celui de la population juive. À terme, les nazis voulaient exterminer une centaine de millions de personnes en Europe centrale et orientale, principalement des Slaves » («Prémisses matérielles, sociales et idéologiques du génocide nazi», Ernest Mandel, 1988).

Dans le cas espagnol, l’ennemi des années 1930 était en théorie la conspiration juive, maçonnique et bolchevique, mais il a rapidement pris la forme des organisations de la classe ouvrière, des libéraux et des nationalistes périphériques. Paul Preston a analysé ces origines de la haine dans son livre L’holocauste espagnol (2013) :

« L’idée de cette puissante conspiration internationale - ou “contubernio”, l’un des mots préférés de Franco - justifiait le recours à tous les moyens nécessaires pour ce qui était considéré comme la survie de la nation (...).

L’idée que les gens de gauche et les libéraux n’étaient pas de vrais Espagnols et qu’il fallait donc les détruire s’est rapidement imposée dans les rangs de la droite (...).

Jose Antonio Primo de Rivera, sans être antisémite, pensait lui aussi que la gauche était à associer aux Maures (...) il interprétait toute l’histoire espagnole comme une lutte éternelle entre les Goths et les Berbères (...) l’incarnation de ces derniers était le prolétariat rural. »

3- Afin de pouvoir affronter de manière violente son ennemi social, le fascisme doit construire une identité alternative qui chevauche et contrecarre les divisions existantes dans la société et au sein de sa propre base.

Historiquement, cette identité a été fondée sur un nationalisme ethnique ou raciste. Dans le cas de l’Espagne, elle était combinée à l’intégrisme catholique.

Le nationalisme raciste a également été un pilier fondamental pour justifier la conquête de l’Abyssinie par Mussolini ou l’invasion nazie de plusieurs pays européens et de l’URSS.

4- La préparation des conditions d’une dictature fasciste est lente et laborieuse, car il faut créer les conditions d’un mouvement de masse déterminé à agir violemment contre une très grande partie de la population et à détruire ses cadres et ses organisations. Il faut avoir créé un climat social favorable aux projets fascistes, les faire pénétrer dans l’appareil d’État, faire en sorte que les partis traditionnels les normalisent et les appliquent même partiellement, faire en sorte que les actions contre les secteurs populaires soient acceptées, même si ce n’est que passivement... Ugo Palheta et Omar Slaouti ont appelé cette phase de préparation idéologique, politique et matérielle, que j’appelle contagion, la fascisation :

« Le fascisme n’arrive pas du jour au lendemain (...) il ne peut émerger sans toute une étape historique d’imprégnation, à la fois idéologique et matérielle, une série de transformations qui modifient l’équilibre interne de l’État » ( “Islamophobie, fascisation, racialisation“, Viento sur 193, juin 2024).

L’arrivée au pouvoir de partis fascistes, que ce soit par un coup d’État ou par des procédures parlementaires ou pseudo-parlementaires, constitue un saut qualitatif et une forte accélération de toutes les attaques contre les libertés démocratiques et les organisations populaires, mais elle ne se consolide que si ces dernières ne réagissent pas rapidement et énergiquement. L’exemple le plus spectaculaire de réaction populaire contre un coup d’Etat militaro-fasciste a été l’insurrection populaire du 19 juillet 1936, qui a initialement réussi à le défaire dans la plus grande partie de l’Etat espagnol.

5- La définition de l’ennemi à affronter, l’obtention d’un certain degré de consensus social dans les attaques contre lui et l’affirmation de l’identité fasciste sont les conditions préalables à la violence de masse (nécessaire pour qualifier un régime de fasciste). Cela aussi doit commencer progressivement, par tâtonnements. Si l’idéologie fasciste a pénétré de manière importante le système judiciaire, la police et l’armée, la violence peut d’abord être déléguée à ces appareils d’État, en faisant pression sur eux par des manifestations ou des campagnes de rue. Lorsque la conjoncture exige un degré de violence plus élevé, l’émergence de bandes fascistes violentes à caractère de masse peut être très rapide.

6- Dans tous les cas, pour que le fascisme triomphe et se maintienne au pouvoir, il a besoin du soutien de la majorité du grand capital. Mais pour que ce soutien lui soit accordé, il faut qu’il voie son pouvoir sérieusement menacé, car il a l’expérience historique du fait que la dictature fasciste peut acquérir une telle autonomie qu’elle finit par l’exproprier politiquement et la conduire au désastre, comme ce fut le cas en Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale.

Pour le grand capital, la menace ne sera plus le danger communiste comme dans les années 1930 (bien que les groupes néofascistes et d’extrême droite d’aujourd’hui qualifient tous les gens de gauche de communistes). Mais il peut se faire que l’émergence de mobilisations massives et continues qui, même si elles ne visent pas la prise du pouvoir politique, suffise à déstabiliser gravement le système de domination et d’accumulation du capital.

La contagion fasciste est une réalité dans l’État espagnol et pourrait s’accélérer.

7- La définition des ennemis à combattre radicalement est clairement établie par Vox et le PP (en particulier par le secteur radical représenté par Ayuso) : les migrants, en particulier les musulmans ; les nationalistes, indépendantistes et souverainistes ; les féministes et les LGTBI ; les écologistes qui luttent contre le changement climatique ; les militant.es autour de la mémoire historique, ainsi que le large éventail de celles et ceux qui sont considéré.es comme lié.es au communisme ou à l’indépendantisme : Podemos, les anarchistes et, depuis la loi d’amnistie, les partisans de Pedro Sanchez :

[L’accord de gouvernement avec ERC et Junts] est en train de radicaliser davantage le bloc de droite (...) Leurs descriptions des « concessions » faites par le PSOE comme un « coup d’Etat » similaire à celui du 23 février 1981, « dictature », « abolition de l’Etat de droit » ou « conspiration destituante » (dixit la « Fondation pour l’analyse et les études sociales » d’Aznar), ajoutées au déjà classique « l’Espagne est brisée » et au « gouvernement illégitime » (et maintenant « illégal » dans la bouche de Vox), ne correspondent pas au contenu réel de ces accords, mais favorisent un climat politique dans lequel les groupes les plus extrémistes et ouvertement néo-nazis, soutenus par Vox et une partie du PP, acquièrent une importance qu’ils n’avaient pas atteinte jusqu’à présent («La cuestión catalana y la creciente radicalización del bloque de derechas», Pastor, Jaime, 11/11/2023).

8- Les composantes de base de l’identité fasciste sont bien définies : anti-immigration, espagnolisme fondamentaliste, blanchiment du franquisme, défense du patriarcat, négationnisme climatique, néolibéralisme économique, fondamentalisme catholique, etc.

9- Le climat de haine contre les secteurs à combattre s’est répandu, notamment grâce à d’importants médias, réseaux sociaux, sites web, etc. qui non seulement diffusent des idées, mais recourent systématiquement à la diffusion de fausses nouvelles pour justifier les attaques contre des migrant.es, les personnes LGTBI, contre les cliniques qui pratiquent des avortements ou le soutien à l’action policière contre le référendum [catalán ndt] du 1er octobre 2017 (“A por ellos !“).....

Le glissement vers des positions réactionnaires d’un large secteur social a été favorisé par la dérive anti-démocratique des gouvernements successifs. Principalement par ceux du PP, mais aussi par ceux que le PSOE a dirigés. Ce dernier a normalisé des politiques xénophobes et racistes (qui ont culminé avec le massacre de Melilla en juin 2022), des coupes sombres dans la démocratie (non abrogation de la “loi baillon”), le refus d’appliquer les règles de justice universellement reconnues aux crimes du franquisme et, jusqu’à récemment, la répression contre l’indépendantisme (en mettant en œuvre l’application de l’article 155 qui a supprimé l’autonomie de la Catalogne). Il a ainsi contribué à ce que les politiques de la droite réactionnaire et du néofascisme conquièrent les esprits avant de gagner dans les urnes.

Le climat de haine n’aurait pu s’étendre aussi loin sans la collaboration d’une partie du pouvoir judiciaire qui n’a pas hésité à qualifier la désobéissance civile pacifique et massive du 1er octobre [2019 en Catalogne ndt] de rébellion militaire, accusant de terrorisme les organisateurs des manifestations pacifiques du tsunami démocratique, défiant la souveraineté du parlement espagnol en refusant d’appliquer la loi d’amnistie aux dirigeant.e.s, tout en en faisant généreusement bénéficier la police (51 des 105 personnes amnistiées à ce jour), et en recourant à la “justice” contre ces ennemis politiques : Puigdemont, Arnaldo Otegi, Mònica Oltra, Pablo Iglesias, Irene Montero. .. Ces campagnes ont même été jusqu’à s’en prendre au chef du gouvernement qui s’est vu obligé de de dénoncer la “machine à projeter de la boue”, mais sans prendre aucune mesure énergique pour y mettre fin et démocratiser la justice.

10- La présence maintenue de l’idéologie fasciste au sein de l’armée et de la police s’explique par le fait que la transition de la dictature à la démocratie s’est faite sans purger l’appareil d’État et en protégeant par la loi d’amnistie les responsables de crimes et délits graves commis sous le régime franquiste.

Pour ce qui concerne l’armée, cette présence maintenue se révèle régulièrement à l’occasion de crises ou de conflits politiques : des manifestes de militaires de réserve (les seuls à pouvoir les signer) ont été publiés pour faire l’éloge de Franco à l’occasion de son exhumation de la Vallée des morts, ou pour demander la destitution de Pedro Sánchez au motif qu’il a accordé la grâce aux condamné.es du procès [des dirigeants indépendantistes ndt]. Pour ce qui est de la police et de la garde civile, on sait que des tortionnaires connus sous le régime franquiste sont restés à leur poste, ont été promus, décorés et n’ont pas été poursuivis pour crimes contre l’humanité, tant en Espagne que dans le cadre du dossier argentin. C’est de ce contexte que découlent les réalités actuelles : entre 2015 et 2016, la police patriotique, sur ordre du gouvernement PP, a espionné 69 député.es de Podemos en utilisant des bases de données du ministère de l’Intérieur ; plus récemment, le syndicat Jusapol a adressé des critiques acerbes au gouvernement à la suite de la réforme (et non de l’abrogation) de la “loi bâillon” et du transfert de prisonniers de l’ETA au Pays basque ; et le syndicat de policiers SUP a signé un contrat avec l’entreprise de sécurité marquée à l’extrême-droite Desokupa pour la formation de 30 000 agents de police [aux techniques de “défense personnelle”, sans autorisation du ministère de l’intérieur ndt].

11- Jusqu’à présent, la violence directe a été de faible intensité (elle s’est concentrée sur les migrants, les personnes LGTBI, les expulsions de squatteurs par la société Desokupa,...), en partie parce que le système judiciaire et la police ont fait l’essentiel du travail sous le couvert de lois antidémocratiques (telles que la “loi bâillon”), tant sous des gouvernements PP que PSOE (avec un rôle de premier plan pour le ministre Marlaska dans ce dernier cas).

12- En Espagne, le parti néo-fasciste Vox a connu une croissance significative ces dernières années : 12,4 % des voix aux dernières élections générales et 9,6 % aux élections européennes de 2024. Il n’est pas aussi puissant que ses homologues en Italie, aux Pays-Bas ou en France, en situation de gouverner ou ayant de bonnes chances de le faire, mais la phase pendant laquelle il servait uniquement de chien de garde de la droite est maintenant derrière lui, il teste les questions susceptibles d’obtenir un soutien populaire et commence à les inscrire à l’ordre du jour politique de façon à ce qu’elles soient reprises ensuite par le PP. Après les élections municipales et régionales de 2023, il a réussi à intégrer les gouvernements de coalition dans cinq communautés autonomes (Estrémadure, Aragon, Communauté de Valence, Castille et Léon et Murcie) et à conditionner sa participation au gouvernement des îles à un pacte législatif. Le 11 juillet, Vox a rompu les pactes de gouvernement avec le PP pour protester contre la décision de ce dernier d’accueillir un quota réduit de migrants mineurs non accompagnés, mais ces pactes pourraient être réactivés.

Si la campagne de harcèlement juridique contre Pedro Sánchez devait réussir et que le PSOE perdait la possibilité de former un gouvernement de coalition, l’alternative presque certaine serait un gouvernement PP et de Vox (ou avec son soutien). Dans ce cas, les mesures de régression augmenteraient de manière significative, car cela consoliderait un bloc espagniste réactionnaire, conservateur, néolibéral et nationaliste, et légitimerait un parti néofasciste en tant que parti de gouvernement. À partir de là, il serait beaucoup plus facile de passer à un gouvernement néo-fasciste majoritaire, soit en raison de la croissance propre de Vox, soit parce que la composante fasciste qui couve encore au sein du PP prendrait le contrôle du parti ou le quitterait pour en créer un nouveau.

13- La domination d’un parti fasciste sur le gouvernement central devrait avoir le soutien d’une partie décisive du grand capital. Ce n’est pas le cas pour le moment, car la démocratie réduite actuelle lui suffit et lui permet d’évoluer plus en phase avec les pays les plus importants de l’Union européenne. Mais ils évoluent eux-aussi dans une direction inquiétante, comme l’expliquent Miguel Urbán et Jaime Pastor :

« Un autoritarisme post-démocratique se répand dans l’UE et ses Etats membres, avec des frontières de plus en plus perméables entre régimes libéraux et illibéraux (...). »

Nons devons donc pas être surpris par le fait que l’extrême droite opte pour la voie réformiste au sein de l’UE (“Vers un despotisme oligarchique, technocratique et militariste“, Viento sur 193, août 2024).

Mutations autoritaires et crise climatique

En réalité, la démocratie espagnole et européenne sont en pleine mutation, tout comme le capitalisme néolibéral. Et si la tendance vers des régimes plus autoritaires semble claire, ni le point d’arrivée ni les rythmes ne peuvent en être prédits. Mais la question est de savoir si un fascisme du 21e siècle, tel que nous l’avons présenté au début, peut trouver son compte dans cette mutation. Je pense que oui, et que le déclencheur le plus probable en será la crise climatique. Pour reprendre les termes de Phil Hearse :

« La catastrophe climatique produira un type de désorganisation et de bouleversement social qui ne pourra être contrôlé, du point de vue de la classe capitaliste, que par des dictatures autoritaires reposant à leur tour sur des appareils militaro-policiers et sur la tendance à mobiliser les masses sur la base du nationalisme, de l’identité ethnique ou du racisme. C’est ce que nous entendons par fascisme moderne » (“L’effondrement climatique menace d’apporter le fascisme et la guerre“, 13/07/2023 ).

Il va de soi que cette issue n’est pas certaine, tout comme il est impossible de savoir, dans les premiers stades de la propagation d’un virus modifié, s’il conduira à une pandémie, même si les effets néfastes sont vérifiables, et commencer à le combattre est la seule façon d’empêcher que les gens nen subissent les effets et que cela ne dégénère en pandémie.

14- La mobilisation sociale contre la contagion fasciste doit commencer dès maintenant. Il est indispensable de lutter contre les agressions que subissent la classe ouvrière et les secteurs populaires, en particulier celles qui sont dirigées contre les personnes que la droite radicale et le néofascisme ont désignées comme ennemis. Il nous faut unifier les luttes de celles et ceux d’en bas, qui constituent la grande majorité de la population, contre la petite minorité qui bénéficie des politiques d’exclusion sociale, d’austérité, de dégradation démocratique et de complicité avec les agressions impérialistes.

Face à la dynamique de l’exclusion, nous devons exiger le respect scrupuleux de toutes les législations internationales protégeant les droits de l’homme, en particulier aux frontières, et lutter pour obtenir les droits de citoyenneté, sans exclusives, à toutes les personnes résidant sur le territoire de l’État espagnol.

Face à la montée de l’autoritarisme, il est nécessaire de lutter pour une véritable démocratie, dans son sens originel de pouvoir du peuple à décider de toutes les questions de la manière la plus directe et participative possible à tout moment, sans autres limites que les droits des individus et des minorités. Le droit de décider des droits des femmes et des personnes LGTBI contre le fondamentalisme religieux et la morale réactionnaire ; de décider des mesures nécessaires pour faire face à l’urgence climatique contre les intérêts des multinationales ; le droit de décider des relations que les peuples et les nations de l’État espagnol veulent maintenir contre le dogme de l’unité indissoluble de l’Espagne ; le droit de décider des mesures nécessaires à l’établissement de la vérité, pour la justice et la réparation des crimes du franquisme en refusant une loi qui pose un point final, telle que ce fut le cas avec la loi d’amnistie...

Face à l’accumulation de richesses par les multinationales et à la pauvreté de plus en plus répandue et cachée de larges secteurs sociaux, il est nécessaire d’exiger la défense et l’extension des biens communs, sans craindre les incursions dans la propriété privée des puissants. Il n’est pas vrai qu’il n’y aurait pas assez de ressources pour tout le monde, en réalité elles sont détournées par une minorité qui, de plus, les utilise pour maintenir un mode de production qui nous conduit à une catastrophe climatique. Nous avons besoin d’un autre modèle de production, basé sur des critères écologiques, qui réduise l’utilisation d’énergie et de matériaux et qui soit orienté vers la satisfaction des besoins humains fondamentaux, loin du consumérisme.

Face à la concurrence entre les blocs impérialistes et à la prolifération des conflits et des guerres au nom du nationalisme identitaire ou de la civilisation occidentale, nous devons pratiquer la solidarité avec les peuples qui luttent contre toute forme d’impérialisme et pour une véritable coopération dans la lutte contre le changement climatique et pour le maintien de la vie sur une planète habitable. Nous devons nous opposer à l’augmentation des dépenses militaires, au soutien de l’État espagnol ou de l’UE aux interventions militaires et aux guerres contre d’autres peuples, et en particulier au génocide du peuple palestinien par un État raciste et colonial, dont le gouvernement et des pans importants de la société sont infectés par le néo-fascisme.

Le 23 août 2024

Traduit de l’espagnol pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepL.

Paru dans Viento sur, 24/Ago/2024