Tremblement de terre électoral

par Éric Toussaint
Paris, 19 février 2012. Manifestation en solidarité avec le peuple grec. Photothèque Rouge/DA

La coalition de gauche radicale passe en tête dans toutes les grandes villes et dans la tranche d'âge 18-35 ans. La suspension du paiement de la dette et l'annulation des plans d'austérité étaient au cœur de sa campagne

1. Les résultats

Syriza coalition de gauche radicale devient le " deuxième parti » en importance en passant de 4,5 % aux précédentes élections (2009) à 16,79 % des voix (52 députés au lieu de 13). Il est le premier parti dans toutes les grandes villes. C'est la liste qui a reçu le plus de suffrages dans la tranche d'âge 18 à 35 ans.

Le Parti socialiste (PASOK) perd 2/3 des voix qu'il avait obtenues en 2009 (il passe de 44 % à 13,2 %, il perd 119 députés, passant de 160 à 41 sièges au Parlement !). Le PASOK paie cash en termes de voix et de parlementaires sa politique pro austérité, sa soumission aux intérêts des grandes entreprises privées et de la troïka.

Nouvelle démocratie, le parti principal de la droite qui est entré au gouvernement à partir de décembre 2011, premier parti lors de ces élections, perd aussi énormément de voix. Il passe de 33,5 % à 18,9 %. En termes de sièges au Parlement, il progresse en raison d'une disposition scandaleuse de la loi électorale grecque qui donne d'office un supplément de 50 députés au parti qui a reçu le plus de suffrages. C'est ainsi que Nouvelle démocratie, qui a perdu 40 % de voix, gagne 17 députés (il passe de 91 députés à 108 députés). De plus, il faut savoir qu'à la veille des élections du 6 mai, Nouvelle Démocratie n'avait plus que 71 députés car il avait subi de nombreuses défections (le PASOK de son côté avait vu 31 députés le quitter entre 2010 et 2012 en protestation pour son orientation antipopulaire). Alors que Nouvelle Démocratie n'a que 2,1 % de voix de plus que Syriza, il obtient plus du double de sièges au parlement (108 pour Nouvelle démocratie contre 52 pour Syriza).

Aube dorée, groupuscule néonazi disposant de groupes de choc fait une entrée au Parlement. De presque rien il obtient près de 7 % des voix et 21 députés. Il va pouvoir disposer des deniers publics pour se consolider.

A l'extrême-droite, Aube Dorée obtient 21 sièges au lieu de 17 sièges pour le Laos en 2009 (Laos n'atteint pas la barre des 3 %. Ses électeurs ont voulu le sanctionner pour sa participation au gouvernement en décembre 2011-janvier 2012).

Le Parti Communiste KKE progresse très légèrement (passant de 7,5 % à 8,5 %, il gagne des sièges de députés, passant de 21 à 26).

Gauche démocratique (DIMAR, scission de Syriza en 2010-2011) obtient 6 % des voix et 19 députés.

Les Verts n'atteignent pas le seuil nécessaire pour avoir des députés (3 %), de même pour le parti d'extrême-droite Laos qui paie très lourd sa participation au gouvernement (il avait 17 députés aux dernières élections).

Antarsya (coalition de l'extrême-gauche ) obtient 1,19 % (+0,8 %)

A la gauche du PASOK : Syriza + PC (KKE) + Dimar + Antarsya = 97 sièges (au lieu de 34 sièges en 2009). Il semble que ce soit le résultat le plus important de la gauche à la gauche du Pasok depuis 1958.

2. Commentaires tout à fait partiels

Le résultat des néonazis est très préoccupant (voir l'analyse du contexte évoluant rapidement par Yorgos Mitralias.

Le fait majeur issu de ce scrutin, c'est le résultat de Syriza qui est très positif car cette coalition a mis en avant comme propositions et revendications: la suspension immédiate et inconditionnelle du paiement de la dette grecque pendant 3 ans à 5 ans, l'annulation des mesures d'austérité imposées depuis 2010, la rupture des accords avec la troïka, la nationalisation d'une partie importante du secteur bancaire, la nécessité de mettre en place un gouvernement de gauche pour mettre en œuvre ces mesures. Plusieurs députés de Syriza soutiennent activement l'audit citoyen de la dette grecque et la nécessité d'annuler les dettes illégitimes. Il s'agit notamment de Sofia Sakorafa qui a rompu avec le Pasok en 2010 pour protester contre l'austérité. On verra si Syriza maintient cette orientation après son très grand succès électoral. Ce qui est très encourageant c'est qu'une partie importante de l'électorat a soutenu ces propositions radicales. La suite dira si Syriza sera à la hauteur de ce formidable soutien populaire. La tâche ne sera pas facile car jusqu'ici le KKE, parti communiste, avec lequel il serait nécessaire de réaliser une alliance la refuse catégoriquement en traitant Syriza de pseudo- révolutionnaire et en se cantonnant dans un splendide isolement. ■

* Éric Toussaint, président du Comité pour l'annulation de la dette du Tiers monde (CADTM), membre de la Commission présidentielle d'audit intégral de la dette (CAIC) de l'Équateur et du Conseil scientifique d'ATTAC France, est militant de la Ligue communiste révolutionnaire (section belge de la IVe Internationale) et du Comité International de la IVe Internationale.