Le but de ces journées de réflexion, c'est de faire un bilan des dix années de gouvernement révolutionnaire, de ses réussites et des objectifs qui restent encore devant nous, ainsi que de tracer des scénarios pour le futur, c'est-à-dire d'indiquer les voies qui rendent possible le socialisme du XXIe siècle au Venezuela. C'est dans ce but que je voudrais présenter un bilan des résultats des politiques du gouvernement bolivarien visant à impulser l'économie sociale et à transformer l'économie capitaliste en un nouveau modèle productif socialiste.
Bilan de dix années de gouvernement
La réduction significative du taux de chômage et du pourcentage de personnes en situation de pauvreté est une réussite incontestable du gouvernement bolivarien du président Hugo Chávez. Le taux de chômage est tombé à seulement 6,1 % en décembre 2008, après avoir atteint un sommet de 20,3 % en février 2003. Par ailleurs, le pourcentage des personnes pauvres a diminué de 62,1 % en 2003 à 31,5 % en 2008. De la même façon, le pourcentage de personnes en situation de pauvreté extrême est tombé de 29 % en 2003 à 9,1 % en 2008. Sans aucun doute, le Venezuela est en train de gagner la bataille contre la pauvreté.
Néanmoins, le défi de l'avenir consiste à avancer dans la transformation de l'économie capitaliste en un nouveau modèle productif socialiste permettant d'éradiquer définitivement les causes structurelles qui génèrent le chômage, la pauvreté et l'exclusion sociale.
La révolution bolivarienne doit donc poursuivre la tâche de construction d'un Nouveau Modèle Productif (par la suite, NMP) de large et croissante inclusion sociale.
Taux de chômage
Personnes en situation de pauvreté au second semestre 1998-2008
(pauvreté, pauvreté extrême)
Source : Instituto Nacional de Estadística (INE)
Le contexte socio-économique de la construction du NMP
Le projet d'accélérer la construction du NMP prend force à partir des crises politique et économique provoquées par le coup d'État, la grève patronale et le sabotage de l'industrie pétrolière qui ont eu lieu au cours des années 2002-2004. Le coup d'État de 2002, la grève patronale de fin 2002 et le sabotage pétrolier de début 2003, ont sévèrement affecté le rythme de l'activité productive intérieure, ce qui s'est reflété dans la chute brutale du PIB et l'augmentation consécutive du taux de chômage. La combinaison de cette crise politique et économique provoqua la recrudescence du fléau du chômage et du sous-emploi dans l'économie informelle, vu la fermeture massive de petites et moyennes entreprises qui ne purent supporter la rigueur de cette crise.
En effet, en 2002, l'économie vénézuélienne a subi les conséquences sévères de la crise politique dont témoigne la chute de 8,9 % du PIB. En 2003, la contraction du PIB atteignait 7,8 % et, au cours du premier trimestre de cette année, 27,8 %, suite à la grève patronale et au sabotage de PDVSA.
Évolution du PIB 1998-2008
Source : BCV. Informe Económico. Plusieurs années.
Cette situation critique s'est traduite par des faillites massives de coopératives ainsi que des entreprises microscopiques, petites et moyennes qui ne possédaient pas la force nécessaire pour affronter la crise et survivre. Des milliers d'emplois furent détruits et le taux de chômage atteignit des niveaux sans précédent, ce qui obligea le gouvernement à riposter pour obtenir des résultats immédiats.
Le taux de chômage grimpa dans les années 2002 et 2003, respectivement, jusqu'à 16,2 % et 16,8 % tandis que le taux d'emploi informel, de 51,4 % en 2002, passa à 52,7 % en 2003. Le niveau maximum de chômage a été enregistré en février 2003 quand il atteignit 20,7 %.
Taux de chômage
Source : Instituto Nacional de Estadística (INE)
Quelle économie au Venezuela ?
Nous allons expliquer ici pourquoi la réactivation de l'économie est une condition nécessaire mais non suffisante pour éradiquer le chômage, la pauvreté et l'exclusion sociale. Dans le cadre du modèle productif capitaliste, quand survient une récupération prolongée et soutenue du rythme d'activité économique et qu'elle s'accompagne d'une réduction significative des niveaux de chômage et du pourcentage des personnes qui travaillent dans le secteur informel précaire, cela n'implique pas que toute pauvreté et exclusion sociale soient éradiquées.
Le modèle productif centré sur l'esprit de lucre entraîne de manière inhérente et consubstantielle à sa propre nature des hauts niveaux de chômage, de misère et d'exclusion. C'est ce modèle productif capitaliste qui s'est développé au cours des années et qui génère cette problématique sociale où la distribution du revenu tend à se faire en faveur du facteur capital et au détriment de la participation du facteur travail. Même si les efforts du gouvernement bolivarien sont très importants et croissants pour réduire le chômage, la pauvreté et l'exclusion, ces fléaux ne pourront être exterminés tant que la machine qui génère ce problème et l'aggrave — c'est-à-dire l'économie capitaliste — continue de fonctionner. C'est dire la nécessité historique de construire le nouveau modèle productif socialiste et incluant.
Foyers en situation de pauvreté - besoins de base non satisfaits 1999-2007
(non pauvres, pauvreté, pauvreté extrême)
Source : Instituto Nacional de Estadística (INE)
Derrière la croissance du PIB
La croissance soutenue qu'a connue l'économie vénézuélienne les cinq dernières années n'a pas de précédents. Après avoir subi la rigueur de la crise politico-économique qui entraîna une chute du PIB en 2002 et 2003, l'économie vénézuélienne se redressa l'année suivante, atteignant une croissance de 18,3 %. Depuis lors, elle n'a pas arrêté de croître, y compris lors d'une année de crise économique et financière internationale comme en 2008, où les principales économies du monde entrèrent dans une crise profonde et entraînèrent avec elles les économies de la périphérie. Même dans des conditions aussi adverses, l'économie vénézuélienne connut une croissance de 4,9 %.
Entre 2004 et 2008, on observe une récupération soutenue du PIB. Au-delà du positif qui résulte de cette croissance du PIB, face à la construction d'un NMP qui libère le travailleur salarié de l'exploitation du capital, il faut analyser quelle est sa nature réelle. Il s'agit de vérifier si nous sommes en présence de la réactivation de la dynamique capitaliste ou si, plutôt, un poids croissant de l'économie sociale pèse dans le total du PIB. Voyons maintenant l'analyse du type de croissance du PIB vénézuélien.
Si nous prenons comme point de départ 1998, année où le candidat du Pôle Patriotique et actuel président de la République Bolivarienne du Venezuela, Hugo Chávez Frías, gagne les élections présidentielles, nous verrons ce qui s'est passé depuis lors en termes d'apport de l'économie sociale au PIB et de génération d'emplois sociaux-productifs.
Le poids du secteur privé de l'économie est passé de 64,7 % en 1998 à 70,9 % au troisième trimestre de 2008. Ces données confirment que la croissance du PIB et le niveau d'emploi sont fortement marqués par le poids autour de 70 % que détient encore le secteur privé de l'économie, poids dominant qui définit la nature capitaliste de l'actuel modèle productif vénézuélien.
Malgré la critique croissante du gouvernement bolivarien du capitalisme en tant qu'un modèle productif qui est générateur du chômage, de la pauvreté et de l'exclusion, un modèle incapable de garantir la pleine satisfaction des besoins matériels et spirituels croissants de la population, après dix années de révolution, les données officielles révèlent que — loin de diminuer — le poids du secteur privé dans le PIB a bien augmenté. Sa participation continue à être majoritaire et, donc, définit la nature capitaliste de l'actuel modèle de production vénézuélien.
Part du PIB en pourcentages des secteurs public et privé 1998-2008 (PIB public, PIB privé)
Ces données révèlent aussi que le secteur public a vu sa participation diminuer au cours de la décennie. Son apport dans la formation du PIB a chuté de 34,8 % en 1998 à 29,1 % en 2008. Autrement dit, entre 1998 et 2008, l'économie vénézuélienne s'est davantage privatisée, en totale contradiction avec les objectifs du gouvernement bolivarien de transformer l'économie capitaliste en un nouveau modèle productif socialiste. N'oublions pas que la critique du gouvernement vénézuélien de l'économie capitaliste prend racine dans le fait que l'excédent généré par les travailleurs reste aux mains des entrepreneurs sous la forme de profit capitaliste, que ceux-ci ne prennent pas le moindre engagement envers la communauté, que l'entreprise capitaliste se limite à rémunérer les travailleurs avec une infime partie de la valeur ajoutée par leur travail. Et nous savons bien que, fréquemment, le salaire gagné ne suffit pas à remplir le panier de la ménagère.
Néanmoins, le poids d'environ 70 % que détient le secteur privé dans la formation du PIB total signifie qu'au Venezuela, la majorité des biens et des services produits, distribués et commercialisés sur l'ensemble du territoire national, provient d'entreprises commerciales privées dont les propriétaires emploient des travailleurs salariés pour les exploiter et s'approprier l'excédent qu'ils génèrent.
Comme on le voit dans le graphique ci-dessus, le poids du secteur public est passé de 34,8 % du PIB en 1998 à 29,1 % au troisième trimestre de 2008. Malgré toute la politique de nationalisations — la CANTV (principale entreprise des télécommunications), de l'électricité de Caracas, de la sidérurgie de l'Orénoque (SIDOR), des cimenteries, du Plan de souveraineté pétrolière, etc. — l'apport du secteur public au PIB est encore très en dessous de celui du secteur privé.
Du fait du poids encore important de l'économie capitaliste dans l'actuel modèle productif vénézuélien, l'analyse de la distribution du revenu indique que le facteur capital tend à augmenter sa participation dans le revenu total tandis que les salariés ont diminué la leur. En d'autres termes, le secteur patronal profite beaucoup plus que le secteur ouvrier des fruits de la croissance économique.
La construction du nouveau modèle productif (NMP) implique de substituer à l'économie capitaliste la nouvelle économie socialiste. Il s'agit d'un NMP fondé sur l'effort productif de tous les Vénézuéliens et Vénézuéliennes, organisant et stimulant leur effort productif à travers un réseau croissant d'entreprises qui ne seraient déjà plus ni publiques ni privées, mais fondamentalement sociales et communautaires. La construction du NMP n'implique pas seulement la transition d'un Venezuela rentier à un Venezuela productif. Il ne s'agit pas seulement d'impulser le développement endogène, lequel peut également être capitaliste, exploiteur de la force de travail et destructeur de l'environnement. Il s'agit bien davantage de la transformation de l'économie capitaliste en un nouveau modèle productif socialiste dans lequel le produit du travail cesse d'être quelque chose d'étranger au travailleur qui le génère. Un NMP dans lequel personne d'extérieur ne s'approprie le fruit du travail — pas même le travailleur lui-même, dans le sens où il fait partie du collectif ou de la communauté qui le génère dans son ensemble.
Le poids de l'économie sociale est passé de 0,5 % en 1998 à 1,6 % fin 2008. Le nombre de coopératives dans tout le pays est passé de 910 en 1998 à 148 020 en 2008. Et durant cette décennie, le total d'actifs dans l'économie sociale est passé de 173 922 personnes en 1998 à 201 773 fin 2008 (soit une augmentation de 15,8 % en dix ans).
PIB réel par secteurs économiques en 1998 (Public, Privé, Économie sociale)
Source: BCV-INE.
PIB réel par secteurs économiques en 2008 (Public, Privé, Économie sociale)
Source: BCV-INE.
En d'autres termes, cela signifie que les énormes efforts réalisés pour impulser l'économie sociale par le renforcement de ses capacités techniques et productives, par la formation socio-politique et le financement des coopératives, ne sont pas suffisants. La petite contribution de l'économie sociale au PIB et à l'emploi montre de manière évidente qu'il reste beaucoup à faire pour réussir la transformation de l'économie capitaliste en un nouveau modèle productif socialiste dans lequel le travailleur salarié se libère de l'exploitation du capital.
Sur un total de 11 692 071 personnes actives fin 2008, seulement 201 773 le sont dans les coopératives de l'économie sociale. C'est-à-dire, à peine 1,7 %. Ce chiffre est inférieur au nombre des personnes (957 373) formés par la Mission Che Guevara, l'initiative du gouvernement bolivarien visant à former les constructeurs du NMP. Le total des actifs dans l'économie sociale est même inférieur aux 235 263 participants de cette mission au cours de la seule année 2008.
En tenant compte du fait que le taux de chômage est tombé à seulement 6,1 % à la fin de 2008, cela signifie que, si à peine 201 773 personnes sont employées dans l'économie sociale, le reste des 957 373 personnes qui ont terminé les cours de la Mission Che Guevara, a été absorbé par le secteur privé de l'économie ou par les entreprises ou les institutions de l'État, mais pas par les unités productives de l'économie sociale.
Diplômés de la Mission Che Guevara
Nombre de diplômés
2005 : 264 720
2006 : 320 928
2007 : 136 462
2008 : 235 263
TOTAL : 957 373
Source: MINEC. Logros 2008
Cela veut dire que la croissance de l'emploi dans l'économie sociale n'a pas suivi le rythme des diplômés de la Mission Che Guevara. D'une certaine manière, cette donnée indique la capacité limitée d'absorption de force de travail par l'économie sociale ; elle révèle aussi la lenteur actuelle de la transformation de l'économie capitaliste en un nouveau modèle productif socialiste.
Les données officielles révèlent donc qu'un grand effort doit encore être fourni pour augmenter le poids relatif de l'économie sociale dans le PIB. Mais elles suggèrent aussi que ce qui a été fait jusqu'à maintenant, n'a pas été précisément ce qu'il y a de plus efficace pour avancer rapidement dans la construction d'un NMP socialiste. Ces résultats précaires imposent de revoir de manière critique ce qui vient d'être fait dans le but de rectifier les erreurs commises et d'impulser ainsi la croissance et le développement de l'économie sociale.
Évolution des emplois dans l'économie publique, privée et sociale 2006-2008
(économie publique, économie privée, économie sociale)
Source : INE
Ces données indiquent sans contestation possible qu'il reste encore beaucoup à faire pour augmenter de manière significative le poids que doit détenir la propriété sociale dans le modèle productif vénézuélien qui reste encore dominé par la propriété privée et publique des moyens de production fondamentaux.
Au delà de la propriété étatique limitée ou de la coopérative classique dans laquelle, comme on l'a déjà expliqué, les relations sociales d'exploitation capitaliste tendent à se reproduire, il s'agit d'impulser un bond quantitatif de formes innovantes de propriété sociale, qui rendent possible un mode d'appropriation sociale de la production par tous en tant qu'individus libres.
Transformer une économie rentière (fondée sur le revenu pétrolier) en une économie socialiste fondée sur son propre effort productif, exige une action claire de l'État. Sans nul doute, cela implique une intervention de l'État plus intelligente et plus savante pour promouvoir de nouvelles formes de propriété sociale et pour impulser un développement plus important des forces productives.
Pour libérer le travailleur salarié de l'exploitation du capital, il faut multiplier le nombre d'unités productives, augmenter sans cesse leur contribution au PIB et générer ainsi davantage de meilleurs postes de travail. C'est-à-dire, il faut élargir le champ de l'économie sociale comme nouveau scénario de transformation et déployer de nouvelles formes de création et de distribution sociale des excédents.
Où en est l'économie vénézuélienne ?
Dans le mandat gouvernemental antérieur du président Chávez (2000-2006), la plus grande partie des incitations (subventions financières et fiscales, aides d'accès aux devises, commandes publiques, assistance technique, etc.) a été dirigée vers l'appareil productif existant, formé fondamentalement d'entreprises commerciales, lesquelles reproduisent le mode de production capitaliste, c'est-à-dire, paradoxalement, celui qu'on veut dépasser et transcender.
Dans la nouvelle période constitutionnelle (2007-2013), il est nécessaire de réorienter l'impact de cette large et puissante gamme d'incitations vers un tissu d'entreprises porteuses de nouvelles relations sociales de production et qui sont l'expression de secteurs économiques nouveaux et des régions qu'il faut promouvoir, développer et consolider. C'est seulement ainsi qu'il sera possible d'avancer dans la construction d'un NMP qui harmonise les grandes aspirations de développement humain, économique et territorial.
La transformation du modèle de production capitaliste en un nouveau modèle de production socialiste ne sera pas le résultat de la dynamique du marché. Ce ne sont ni les lois de l'offre et de la demande, ni le mécanisme des prix qui provoqueront des changements profonds dans la rationalité et la logique qui domine actuellement la production des biens et des services, requis pour satisfaire les besoins croissants du peuple travailleur. Ce qui n'est pas clair, c'est la manière dont l'État doit intervenir. Il n'existe pas encore de définition d'une politique économique, dotée d'un réel impact sur la croissance et le développement de l'activité agricole et industrielle, qui fournisse les aliments, les vêtements, les chaussures, les médicaments et tous les autres produits destinés à satisfaire des besoins de base essentiels des gens.
En analysant dans quels secteurs la croissance de l'économie vénézuélienne a été soutenue au cours des cinq dernières années, on constate que les secteurs avec le taux de croissance le plus élevé et une incidence absolue sur la dynamique du PIB, sont les télécommunications, le commerce, les services, le système financier et les assurances. Mais les secteurs de l'économie réelle, tels que l'agriculture et l'industrie manufacturière, ont perdu un poids relatif dans le PIB ou indiquent des taux de croissance inférieurs.
Il est important de souligner le peu de dynamisme qu'ont montré les secteurs de l'agriculture et l'industrie sur lesquels repose la souveraineté productive de quelque nation que ce soit, alors que ce sont précisément ces secteurs productifs qui sont appelés à offrir la large gamme de biens et de services pour satisfaire les besoins de base essentiels de la population. Dépasser la dépendance vis-à-vis des produits importés et diversifier l'offre des exportations pour générer de nouvelles sources de devises, différentes de celles du pétrole, suppose une croissance stable et soutenue de l'agriculture et de l'industrie ainsi qu'une augmentation considérable de la contribution nette de ces deux secteurs au PIB.
S'il est certain qu'il y a eu des avancées indiscutables dans la lutte contre les latifundia, puisque 2 675 732 hectares ont été récupérés et que l'on a octroyé des titres de propriété agraire et des titres d'adjudication pour un total de 1 862 247 hectares à la fin de 2008, les données officielles se référant au poids du secteur agricole dans le PIB révèlent qu'il faut encore accroître la production nationale dans l'offre globale des aliments. En effet, bien qu'au cours de la période 1998-2008 la croissance du secteur agricole fut de quelque 32 % (le sous-secteur végétal a augmenté de 35 % et le sous-secteur d'élevage de 23), la participation du secteur agricole dans la formation du PIB atteint à peine les 4,39 % au Venezuela. Un pourcentage faible en comparaison avec le poids de 12,1 % de l'agriculture dans le total du PIB de la Colombie, ou avec la moyenne latino-américaine qui atteint les 6,22 % du PIB.
La part du PIB agricole dans le total du PIB
Cela veut dire que le grand effort, réalisé depuis l'approbation de la Loi des terres et le lancement postérieur de la Mission Zamora, dans le but d'éradiquer les latifundia et de récupérer des terres en jachère pour la production agricole et l'élevage, doit encore donner de meilleurs résultats en matière de production. C'est seulement ainsi qu'on pourra substituer les importations (plus de 7 milliards de dollars en 2008) par la production nationale. Tenons compte du fait que, en plus de la sécurité alimentaire assurée par des importations, il est très important d'atteindre la souveraineté alimentaire basée sur une production croissante d'aliments de haute qualité et à bas prix.
Incidence des secteurs dans la formation du PIB - Année 2008
Activité économique, Poids (%), Incidence PIB (%)
Communications :
4,8
0,87
17.95
Produc. services du gouvernement
11,08
0,57
11.82
Autres impôts nets aux produits
11,47
0,52
10.81
Commerce et services de réparation
10,97
0,51
10.68
Services communautaires, sociaux et personnels et produits de services privés non lucratifs
5,45
0,50
10.37
Activité pétrolière
12,03
0,38
7.92
moins: SIFMI (2)
-4,71
0,33
6.85
Autres( 1)
5,82
0,32
6.72
Bâtiment
6,81
0,29
5.93
Services immobiliers, patronaux et de location
9,43
0,23
5.62
Manufactures
15,97
0,22
4.52
Transport et stockage
3,64
0,14
2.29
Électricité et eau
2,20
0,10
1.48
Mines
0,57
-0,03
0.05
Institutions financières et assurances
4,45
-0,07
-1.52
100,00
4,80
1. Comprend : agriculture, restaurants et hôtels
2. SIFMI : Services financiers intermédiaires mesurés indirectement
Source: Informe Económico del BCV
Les performances du secteur manufacturier se caractérisent, pour leur part, par l'emploi de la quasi-totalité des capacités installées. Par contre, on n'observe pas de nouveaux investissements visant à augmenter la capacité productive du secteur. Cet indicateur montre que l'industrie nationale est pratiquement arrivée à son plafond productif sans que de nouveaux investissements soient réalisés pour augmenter la capacité installée. Du fait que l'augmentation de la demande interne de produits manufacturés a dû être approvisionnée par un volume croissant d'importations, le secteur manufacturier est un des secteurs majeurs dans la formation du PIB, mais du fait qu'il travaille pratiquement au maximum de ses capacités et qu'il ne croît plus, son incidence dans la croissance générale du PIB diminue.
L'expansion de l'appareil productif interne continue à être limitée en raison du remplacement de la production nationale par les importations réalisées avec un bolivar surévalué et un dollar bon marché, ce qui freine l'investissement productif et favorise l'investissement commercial. Ce phénomène impulse un accroissement du commerce d'importation et du réseau national de distribution et de commercialisation (gros et détail) des produits importés.
Dans le rapport des comptes de l'année 2008, on peut lire : " Au terme de l'année 2008, la Commission de l'Administration des Devises (CADIVI) a traité 503 000 demandes d'autorisation de liquidation de devises (ALD) comparées à 420 000 demandes traitées à la même période en 2007. Les demandes traitées en 2008 atteignent un montant de 51 550 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de 19,5 % par rapport à 2007. Cela se traduit nécessairement par une augmentation des importations totales approximativement de 36,0 % (de 31 108 millions de dollars en 2007 à 42 200 millions de dollars en 2008), avec l'objectif d'augmenter l'offre de biens sur le marché interne, d'approvisionner le marché local et de diminuer ainsi les pressions inflationnistes générées par les augmentations continues dans la demande agrégée interne » (Memoria y Cuenta 2008, p. 7).
La chute du poids et de l'incidence de l'agriculture et de l'industrie dans la formation et la croissance du PIB révèle clairement que ce ne sont pas ces secteurs qui dynamisent la croissance au Venezuela. Et toute croissance qui ne s'appuie pas fondamentalement sur l'industrie manufacturière et l'agriculture (secteurs qui fournissent les biens pour satisfaire les besoins de base essentiels de la population) est une croissance de mauvaise qualité puisqu'elle ne contribue pas à la souveraineté productive et, bien plus, renforce la dépendance envers l'importation de biens et services pour satisfaire les besoins essentiels de la population. Sa dynamique de croissance se concentre sur les secteurs du commerce et des services qui se consacrent, fondamentalement, à distribuer et à commercialiser des biens et des services importés en profitant de la surévaluation du bolivar. Cela ne contribue en rien à atteindre les objectifs du développement endogène planifiés par le gouvernement national lui-même.
Des scénarios pour le socialisme du XXIe siècle au Venezuela
Réorienter l'intervention de l'État pour la placer au service de la construction du nouveau modèle de production est donc une tâche urgente et prioritaire. Elle doit être entreprise en se fondant sur l'unité des critères qui vont garantir une action cohérente et articulée des différents ministères, instituts autonomes et entreprises étatiques. Ces dernières ont déployé diverses initiatives pour promouvoir la croissance et le développement de l'économie sociale et pour contribuer ainsi au dépassement du capitalisme rentier vénézuélien.
Désormais, il devient indispensable de cerner avec plus de précision le profil des bénéficiaires des incitations publiques. Les crédits faciles, les exonérations de taxes et d'impôts, la fourniture de dollars au taux de change officiel, l'achat garanti de la production par les organismes publics, tout cela doit être conditionné à la réalisation des engagements de croissance de la part de l'entreprise pour la construction du NMP.
La flexibilisation des exigences et des formalités, requises pour faciliter l'accès aux aides publics, surtout en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises, est une mesure urgente et nécessaire. Mais une fois que les objectifs de réactivation de l'économie et de réduction significative du chômage ont été atteints, le développement endogène devient une condition insuffisante pour approfondir la construction d'un NMP. Car les entreprises de nature commerciale — y compris minuscules, petites et moyennes — reproduisent les relations capitalistes de production, celles justement que nous voulons remettre en cause, c'est-à-dire transcender et dépasser.
La transformation de l'économie capitaliste en une économie socialiste se confronte actuellement à une politique économique, qui oriente encore une bonne partie de ses incitations en faveur des entreprises commerciales reproduisant l'économie capitaliste, justement celle qu'on veut transformer. Du point de vue de la transformation de l'économie capitaliste en un modèle productif socialiste, une des principales restrictions est donc à chercher dans la politique économique du gouvernement bolivarien.
Pour approfondir la construction du NMP et avancer dans la construction du socialisme du XXIe siècle, les incitations publiques devront être majoritairement orientées vers les entreprises de l'économie sociale, considérées comme le fondement du nouveau modèle productif. Il s'agit des incitations douanières (protection de l'économie sociale de la concurrence déloyale), des incitations fiscales (exonération de l'impôt sur le revenu, de la TVA, des taxes douanières), des subventions financières (prêts à long terme et à bas taux d'intérêt, avec des garanties flexibles), des allocations de devises au change officiel, des achats gouvernementaux (préférence aux achats publics pour la production nationale), de l'amélioration des infrastructures (services pour soutenir la production), de la fourniture des matières premières (conditions adéquates de qualité, de quantité, de prix et de conditions de paiement), des aides pour renforcer les capacités technologiques et innovantes (amélioration de produits et de processus productifs), des aides à la formation (gestionnaire, technique et socio-politique), de l'assistance technique à l'innovation (services technologiques, de commercialisation etc.) et des aides pour l'intégration commerciale (information, promotion, financement).
Pour transcender le capitalisme et accélérer la construction du NMP, il faut donc concentrer l'action du gouvernement sur la promotion et le développement de l'économie sociale (prioriser l'agriculture et l'industrie), réorienter les incitations publiques en priorisant les entreprises de propriété sociale (sans but lucratif mais sans vocation déficitaire, orientées vers l'investissement social des excédents), accorder la priorité à la production de biens et de services destinés à satisfaire les besoins de base essentiels de la population, définir clairement les espaces des divers modes de l'économie (privée, publique et sociale), renforcer les institutions pour le développement de l'économie sociale afin de lutter contre la bureaucratie et l'inefficacité, prioriser les régions, États et villes qui ont un PIB et un taux de chômage retardataire en comparaison avec la moyenne nationale.
Lorsque nous parlons d'un nouveau modèle productif, il faut d'abord comprendre qu'il s'agit d'un schéma radicalement différent. Un schéma qui permet d'impulser un développement endogène des potentialités nationales dans le cadre de nouvelles relations de pouvoir basées sur un contrôle direct des processus productifs par les travailleurs, afin de les libérer de l'exploitation du capital et assurer ainsi la distribution sociale des excédents. Il s'agit d'un modèle qui donne la priorité à la production de biens et de services visant à satisfaire les besoins essentiels du peuple en harmonie avec l'environnement, la préservation de la santé des travailleurs et des communautés, qui donne la priorité au développement équilibré des régions, des États, des municipalités et des communes, d'un modèle qui promeuve l'intégration latino-américaine et le renforcement de la coopération Sud-Sud et, surtout, d'un modèle basé sur de nouvelles valeurs de solidarité, de coopération, de complémentarité, d'équité et de soutenabilité, visant à permettre le développement humain intégral de toutes les personnes.
En somme, l'essence du nouveau modèle productif peut être résumée de la manière suivante :
● C'est une économie transformée par la substitution des importations et la diversification de l'offre d'exportations ;
● Ce sont de nouvelles relations de pouvoir, basées sur le contrôle direct par les travailleurs des processus de production ;
● C'est l'émancipation des travailleurs de l'exploitation du capital et la garantie de la distribution sociale des excédents ;
● C'est un développement harmonisé et équilibré des régions, des États, des villes et des communes ;
● C'est la prise en compte et la correction de l'impact de l'activité productive sur l'environnement et la santé des travailleurs
● C'est l'impulsion de l'intégration latino-américaine et le renforcement de la coopération Sud-Sud ;
● Ce sont de nouvelles valeurs de solidarité, de coopération, de complémentarité, d'équité et de soutenabilité.
Finalement, nous voulons souligner que le gouvernement du Venezuela est un gouvernement socialiste, mais que la tâche de faire la révolution, de transférer le contrôle de la production à la communauté et au peuple travailleur, est encore devant lui. Si nous voulons en finir avec la pauvreté, il faut donner le pouvoir (économique) aux pauvres. C'est le grand défi que la révolution bolivarienne doit affronter dans les années qui viennent. ■
Víctor â´lvarez R., économiste, a été Ministre des industries fondamentales du gouvernement Chávez de janvier 2006 à août 2007.
Les intertitres sont de la rédaction d'Inprecor.