La Banque mondiale décryptée

par

Eric Toussaint, Banque mondiale, le Coup d'État permanent — l'agenda caché du Consensus de Washington, CADTM-)Syllepse-CETIM 2006, 18 euros.

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Dans ce livre très documenté, Eric Toussaint décrypte l'ensemble des actions de la Banque Mondiale (BM) depuis sa création. Cette institution, véritable bras armé financier des puissances capitalistes dominantes, et en particulier des États-Unis d'Amérique, préconise et met en place des politiques qui reproduisent la pauvreté au lieu de la combattre. Par ailleurs, la BM comme le Fonds monétaire international (FMI) ont systématiquement soutenu les dictatures et les politiques qu'elles mènent constituent très souvent des violations des droits humains fondamentaux.

L'auteur adopte une démarche chronologique pour analyser, documents internes et publics à l'appui, la Banque mondiale. Il détaille les textes, les actions en multipliant les exemples géographiques des interventions (Philippines, Turquie, Indonésie, Corée du sud et Mexique entre autres).

Tout en rappelant que le respect des droits humains ne fait pas partie de ce que la banque considère comme sa mission, il souligne le caractère odieux de la dette souscrite par les dictatures et qui continue à un être un fardeau pour les peuples. L'auteur insiste sur les violations implicites du droit international par la BM (ex soutien au régime d'apartheid de l'Afrique du Sud), sur le poids de l'idéologie néolibérale et ses conséquences antisociales. Il étudie tout particulièrement les processus d'endettement et les politiques d'ajustement structurel.

A propos de la dette, Eric Toussaint nous rappelle deux traitements historiques sur les dettes historiques de la Pologne (1919) et de l'Allemagne (1953). " Lors de la reconstitution de la Pologne en tant qu'État indépendant après la première guerre mondiale, il a été décidé que les dettes contractées par l'Allemagne pour coloniser la partie de la Pologne qu'elle avait soumise ne seraient pas à charge du nouvel État indépendant " Cette stipulation du Traité de Versailles devrait être la base de l'annulation de la dette contractée par les pays colonisateurs dans les pays ex-colonisés.

L'accord de Londres sur la dette allemande par quelques unes de ses clauses montre ce que pourrait être une autre politique :

— Part des revenus d'exportation consacrés au remboursement de la dette limité à 5 %. En 2004 les pays en développement ont dû consacrer en moyenne 12,5 % de leurs revenus d'exportation au service du paiement de la dette (20 % pour les pays d'Amérique latine) ;

— Taux d'intérêts applicables oscillant entre 0 et 5 % alors que les taux applicables aujourd'hui sont des taux variables à la hausse ;

— L'Allemagne a été autorisée à rembourser la dette extérieure en monnaie nationale. Tous les grands pays endettés doivent rembourser la leur en devises fortes (USD, Euros, Yens, Francs suisses ou livres sterling) ;

— L'accord prévoit que l'Allemagne puisse produire sur place ce qu'elle importait antérieurement, alors que la BM impose aux pays en voie de développement à renoncer à produire sur place ce qu'ils pourraient importer. Etc…

Outre l'exposition de la réalité des actions menées par la Banque Mondiale, de la nature des flux financiers entre périphérie et centre, cet ouvrage est important par au moins deux dimensions traitées :

— Le caractère criminel et donc la possible sanction juridique des activités décrites tout en maintenant le cap sur l'annulation de la dette et l'abolition de la Banque Mondiale et du FMI ;

— La réalité de l'organisation proto-étatique du capitalisme mondial, loin des sornettes sur le libre marché et le trop d'État des néolibéraux.

Un ouvrage de recherche scientifique sous-tendu par un projet politique d'émancipation humaine.

 

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