En complément de l’appel solidaire d’Aleksandr Matkovic réprimé pour sa participation aux actions contre les projets d’exploitation du Lithium en Serbien, nous publions l’extrait d’une lettre ouverte que la Fédération des associations écologistes de Serbie adressée à Macron – lors de sa visite éclair – pour vendre des Rafale les 29 et 30 août. Relayant le chancelier Sholz, et comme lui sans doute soutenu par la Commission européenne, Macron a ignoré les centaines de milliers de manifestant·es – évoqué·es par le texte – que l’autocrate ignore ou réprime depuis des semaines.
Nous sommes confrontés à « un risque important, causé par le projet d’exploitation minière de lithium et de bore, dans la vallée fertile du fleuve Jadar, par la multinationale Rio Tinto, dont le plus grand actionnaire est une entreprise chinoise. En tant que défenseurs du droit de chacun à un environnement sain et durable, nous sommes inquiets car le site prévu pour la mine est densément peuplé, arable, et repose sur d’énormes réserves d’eau. Le jadarite est un minerai qui nécessite la séparation du lithium et du bore, ce qui n’a jamais été tenté à l’échelle industrielle, et l’utilisation massive d’acide sulfurique et d’eau. Or, comme le montre l’étude publiée dans Nature Scientific Papers, les forages d’exploration ont déjà eu un impact négatif sur l’eau, la flore et la biodiversité.
Le gouvernement serbe a abandonné ce projet en janvier 2022, après des manifestations pacifiques de centaines de milliers de citoyens et la prise de position ferme de l’Académie des sciences serbes, qui a prévenu du risque de conséquences irréversibles sur l’environnement et la santé humaine. Cependant, le gouvernement, contrairement à ses obligations antérieures, et de manière aucunement transparente, a décidé de tenter de relancer ce projet avec la société Rio Tinto, malgré la forte résistance des citoyens.
Le 17 juillet 2024, lors d’une visite imprévue, le chancelier allemand Scholz est venu en Serbie pour soutenir ce projet en raison des besoins de l’industrie automobile allemande, accompagné par le vice-président de la Commission européenne Maroš Šefčovič, le directeur général de Mercedes, le directeur général de Rio Tinto, ainsi que la présidente française de l’Organisation européenne pour la reconstruction et le développement, qui n’ont pas formellement consulté le conseil d’administration de cette institution sur ce projet controversé.
Les intérêts partiellement rivaux des grandes firmes allemandes ou françaises ne se contentent donc pas de viser l’exploitation du lithium. Les ambitions de Vučić – associé aux ventes de Rafale – portent notamment sur le trafic aérien des Balkans (et l’aménagement de l’aéroport Nikola Tesla de Belgrade) ; mais d’autres contrats ont été négociés dans le domaine de l’électricité. On ne peut s’étonner que Macron soit indifférent aux protestations populaires, mais la vente de Rafale – outre le profit qu’elle rapporte – viserait-elle à ancrer l’autocrate serbe vers l’UE en l’éloignant de la Russie et de la Chine ? C’est sans doute l’explication officielle de la démarche vers Vučić, qui pratique le « en même temps » : il maintient les relations vers l’OTAN en même temps qu’il organise la participation à des exercices militaires avec la Russie, il demande l’adhésion à l’UE mais refuse des sanctions contre Poutine.
Les Rafale seront livrés sans armement car Vučić souhaite conserver les missiles russes acquis pour les Mig-29 du 101eescadron de Batajnica, à savoir les R-27ER1 d’une portée de 100 km, les R-77E (80 km), les Kh-29T (30 km) et toute une collection de bombes KAB-500 et 1500, rapporte Air&Cosmos. De plus, en juin dernier, après la visite du président chinois Xi Jinping, l’armée serbe a reçu des missiles sol-air chinois HQ-17A…
Business (et « multilatéralisme » réactionnaire) as usual.
La lettre a été traduite et publiée par le Courrier des Balkans, le 28 août 2024.